Encore beaucoup (trop) d’investisseurs imaginent le Luxembourg comme un village de Potemkine constitué de chapelets de sociétés aux coquilles vides. Or la notion de substance prend une place prépondérante dans les rapports économiques impliquant une société luxembourgeoise*.

Un environnement propice aux investissements

Avec une superficie de 2.586 km2, le Grand-Duché du Luxembourg est certes un des plus petits Etats membres de l’Union Européenne, mais la dimension de son économie et la taille de son marché local dépassent celle du territoire national. Ce pays compte une population active polyglotte et multiculturelle en constante progression (266.000 personnes actives en 2015 avec un PIB/habitant de 106.729$ soit le plus élevé au monde).

La stabilité politique et juridique du pays ont contribué à diversifier l’économie du pays et à accroître son ouverture vers l’extérieur. Le Luxembourg sait développer ses pôles d’excellence (Fonds d’investissement, fintech, ingénierie financière, sidérurgie…), mais n’est pourtant pas le pays de cocagne où il suffirait d’un établissement purement artificiel pour profiter miraculeusement de ses bienfaits.

La substantifique moelle de la société luxembourgeoise

Une société bien qu’établie dans un pays donné peut se voir rattachée à la souveraineté fiscale d’un autre Etat si ce dernier conteste légitimement la résidence fiscale luxembourgeoise. Tout est question de critère d’appréciation de la substance de la société retenus par l’Etat revendicateur.

Le Luxembourg considère une société comme résidente fiscale sur son territoire si son siège statutaire, ou son administration centrale (c’est-à-dire le lieu où la direction effective est exercée) se trouvent au Grand-Duché.

L’Etat revendicateur pourra s’inspirer des critères suivants :

Les conventions fiscales du modèle OCDE définissent la véritable résidence fiscale d’un Etat en fonction du siège de la direction effective de la société. La direction effective est le lieu où « sont prises quant au fond les décisions clés sur le plan de la gestion et sur le plan commercial qui sont nécessaires pour la conduite des activités de l’entité dans son ensemble. Tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en compte pour déterminer le siège de direction effective ».

L’administration fiscale française rattachera la résidence fiscale d’une société établie au Grand-Duché à la France, si les organes de direction, d’administration et de contrôle se situent en France.

La jurisprudence précise qu’une telle requalification est possible si le « lieu de préparation des décisions et le principal lieu de décision et de résidence des personnels de direction ou qui possédaient un pouvoir discrétionnaire » ne se trouvent pas au Luxembourg (Cour d’Appel Administrative de Versailles, arrêt du 21.05.2013).

La réalité de l’implantation locale et l’exercice effectif d’une activité économique, même si l’objectif fiscal de l’opération ne fait aucun doute permettent d’écarter la qualification de montage « purement artificiel ». Ces deux critères sont retenus par le Conseil d’Etat français pour envisager l’existence d’un possible abus de droit (Conseil d’Etat, arrêt du 18.05.2005).

L’administration Belge estime qu’une société est résidente fiscale sur son territoire, si son siège social, son principal établissement ou son siège de direction ou d’administration s’y trouvent.

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Les « sociétés-coquilles vides » ne sont donc plus en vogue au Luxembourg, l’investisseur étranger doit apporter de la substance à son implantation. A ce sujet, il est utile de saluer un récent arrêt rendu par la section commerciale de la Cour Supérieure de Justice condamnant la pratique hussardienne de certains Business Center qui avaient la fâcheuse tendance d’héberger, voire de domicilier des sociétés luxembourgeoises à vocation commerciales sans y être habilité par la loi (CSJ Luxembourg 16.12.2015).

* 4e volet du thème « Pourquoi créer sa société au Luxembourg » traitée de manière analytique et vulgarisée.

Sur le même sujet :
Créer sa société au Luxembourg, la S.P.F
Créer sa société au Luxembourg, le cas de la SOPARFI
Pourquoi créer sa société au Luxembourg ?

 

Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
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