La loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme concerne non seulement les professionnels du secteur financier (sociétés de gestion, assurances, établissements de crédit, etc.) mais aussi les « entreprises et professions non financières désignées (EPNFD)».

Les “autres” professionnels visés

L’article 2§15 de la prédite loi précise que les modalités d’application concernent aussi les « autres personnes physiques ou morales négociant des biens, seulement dans la mesure où les paiements sont effectués en espèces pour un montant de 15.000 € au moins, que la transaction soit effectuée en une seule fois ou sous la forme d’opérations fractionnées qui apparaissent liées ».

A titre d’illustration, les autres professionnels sur la sellette sont : les vendeurs et concessionnaires de véhicules (automobiles, avions, bateaux, etc.), les vendeurs d’équipements hi-fi, audio-visuel, informatique, vendeurs d’équipement d’intérieur et de décoration, les marchands d’art et galeristes, les maroquiniers, les antiquaires, etc.

Dans son rapport de 2014, la cellule de renseignement financier du parquet de Luxembourg (CRF) déplore qu’aucune déclaration de soupçon ne lui a été soumise par des marchands de biens. Le CRF en conclut que les EPNFD ainsi que les marchands de biens devront faire l’objet d’un suivi renforcé au cours des années à venir…

Les obligations à respecter

Les prescriptions imposées par la loi sont au nombre de trois :

1) L’identification du client sur la base de documents probants (copie carte d’identité), de données, ou d’informations de source fiable et indépendante.

Ainsi, lorsque le professionnel est amené à conclure une transaction en espèces égale ou supérieure à 15.000 €, ou plusieurs transactions en espèces liées entre-elles atteignants au moins 15.000 €, il devra se montrer particulièrement vigilant. Le professionnel devra identifier son client et par des « mesures raisonnables » (personne physique ou personne morale en isolant le bénéficiaire effectif par exemple).

Si à ce stade, le professionnel n’est pas en mesure d’obtenir des informations satisfaisantes, il se doit de cesser toute relations d’affaires avec son client.

2) La mise en place de mesures et de procédures adéquates doit être assurée par le professionnel afin de prévenir et d’empêcher les opérations de blanchiment ou de financement du terrorisme dans son établissement.

Cette vigilance à l’égard du client passe par la conservation des documents et pièces pendant au moins 5 ans (à compter de la fin de la relation d’affaires), par un contrôle interne, par une évaluation et une gestion des risques, par la vérification du respect des obligations et le cas échéant par une déclaration à la cellule de renseignement financier.

Les professionnels sont également tenus de prendre les mesures adéquates afin de sensibiliser et de former le personnel concerné aux dispositions légales relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

3) Le professionnel est tenu de coopérer pleinement avec les autorités luxembourgeoises et en particulier avec la cellule de renseignement financier du parquet de Luxembourg.

Une déclaration de soupçon doit être établie dès que le professionnel « soupçonne ou à de bonnes raisons de soupçonner » qu’une opération suspecte est en cours sans avoir à qualifier pour autant l’infraction sous-jacente.

L’identité des employés du professionnel est tenue confidentielle par les autorités concernées, à moins que la révélation ne soit indispensable pour assurer la régularité et/ou le bien-fondé des poursuites en justice.

Le professionnel ne doit pas exécuter ladite transaction, sauf si cela risque d’empêcher toute poursuite pénale. La loi modifiée de 2004 prévoit en son article 9 que le non-respect des 3 prédites obligations est puni d’une peine d’amende de 1250 € à 1.250.000 €.

✔         * Ce mois-ci un vendeur de véhicules automobiles à comparu devant le Tribunal Correctionnel de Luxembourg pour ne pas avoir mis en place une organisation interne adéquate en cas de transaction(s) en espèces d’au moins 15.000€, et en particulier pour ne pas avoir formé ni sensibilisé ses employés à la question de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

✔         Il ne faut pas perdre de vue qu’une condamnation correctionnelle pourrait mettre en péril la condition d’honorabilité professionnelle indispensable au maintien de votre autorisation d’établissement !

Pour les EPNFD et les marchands de biens, l’heure est à la vigilance à l’endroit du client grâce à des mesures raisonnables à définir et à suivre. A bon entendeur !

Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
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