En cas de séparation, bien souvent, ce sont les enfants qui souffrent le plus et qui en subissent les conséquences, sans avoir la possibilité de se faire entendre, puisqu’il s’agit d’une procédure de divorce et non d’une procédure concernant l’enfant lui-même. Les parents sont tellement accablés et préoccupés par leur propre situation qu’ils finissent par négliger leurs enfants.

C’est pour cette raison que dans cette situation, l’enfant est considéré comme une personne vulnérable ayant besoin d’une protection particulière. Plusieurs conventions et règlements ont été mis en place pour le protéger : la convention du 12 juin 1902 pour régler la tutelle des mineurs, la convention de Luxembourg du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et le règlement européen dit Bruxelles II bis du 27 novembre 2003 relatif à la compétence ; la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, qui a abrogé le règlement dit Bruxelles II du 29 mai 2000.

Toute cette situation se complique encore plus lorsque les deux parents sont de nationalité différente, par exemple lorsque l’un est de nationalité française et l’autre de nationalité luxembourgeoise, et que l’un d’eux veut retourner dans son pays d’origine après la séparation. Cela indépendamment qu’il s’agisse de celui qui a la garde ou de celui qui a le droit de visite.

À ce moment, que devient la relation que l’enfant entretient avec le parent qui s’est éloigné ? Quelle est la situation lorsqu’une frontière sépare le parent de ses enfants, pendant que ceux-ci se trouvent auprès de l’autre parent, même si l’éloignement n’est que de quelques kilomètres ? Il n’existe pas de texte propre au contexte frontalier, de sorte que le droit communautaire, respectivement le droit international s’applique.

1) L’enlèvement international de l’enfant par l’un des parents

Selon les conventions internationales, est considéré comme enfant toute personne qui n’a pas encore atteint l’âge de 16 ans et qui ne peut pas fixer seul sa résidence1.
Est considéré comme un déplacement sans droit, comme un enlèvement, le fait de déplacer « un enfant à travers une frontière internationale en violation d’une décision relative à sa garde rendue dans un Etat contractant et exécutoire dans un tel Etat ; est aussi considéré comme déplacement sans droit :

  • le non-retour d’un enfant à travers une frontière internationale, à l’issu de la période d’exercice d’ un droit de visite relatif à cet enfant ou à l ‘issu de tout autre séjour temporaire dans un territoire autre que celui dans lequel s’exerce la garde ;
  • un déplacement déclaré ultérieurement comme illicite au sens de l’article 12. »2

Pour mieux comprendre cette définition, il faut savoir ce que les conventions et règlements considèrent comme étant le droit de visite et comme étant le droit de garde. Le droit de visite est le « droit d’emmener l’enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle »3. Le droit de garde quant à lui comprend « le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier le droit de décider de son lieu de résidence »4.

À travers ces définitions, il peut être déduit qu’il est interdit de déplacer un enfant en dessous de 16 ans hors des frontières du territoire de sa résidence habituelle et que dans le cas où l’un des parents a reçu une telle autorisation, il faut qu’il respecte la limite dans le temps de cette autorisation. Ainsi par exemple un parent qui réside en France et dont l’enfant réside au Luxembourg, bénéficiant d’un droit de visite et qui peut prendre son enfant chez lui pendant ce droit de visite est punissable dans le cas où il ne remettrait pas l’enfant à son ex-conjoint en temps et en heure.

Par contre, un parent ayant le droit de garde, a le droit de décider de la résidence de son enfant. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il peut partir avec l ‘enfant sans prendre en considération l’avis de son ex­conjoint. Ainsi, ce déménagement ne doit pas mettre en péril la relation que l’enfant a avec son autre parent. Dans le cas franco-luxembourgeois, cela ne pose pas souvent de problèmes puisque dès lors que tous les deux se trouvent près de la frontière, le lien parental pourra toujours être maintenu. Cependant, il peut arriver qu’il y ait une limite dans la décision relative à la garde de l’enfant, limite qui interdit, par exemple, aux parents de traverser la frontière avec l’enfant. Et dans ce cas, si le parent qui a la garde déménage avec son enfant, ne serait-ce qu’à quelques kilomètres de leur lieu de résidence habituelle, il serait punissable.

2) Le déménagement sans incident

Il est normal que le père ou la mère veuille déménager après la séparation et cela principalement dans le cas où leur pays d’origine ou leur lieu de travail est à quelques kilomètres de l’autre côté de la frontière.

Toutefois, il faut entreprendre les démarches nécessaires pour que ce déménagement ne devienne pas un cauchemar. Celui qui a le droit de garde ou le droit de visite doit tout d’abord avertir l’autre de son intention de déménager et cela par lettre recommandée dans un délai d’un mois.

Cependant, il faut être conscient que l’autre ne peut pas interdire à celui qui veut déménager de le faire, mais il pourra toujours s’opposer à ce que ce déménagement modifie l’exercice de ses droits.

Ainsi si c’est celui qui a le droit de garde qui déménage, celui qui a le droit de visite peut exiger que soit fait droit à son droit de visite et que ce déménagement ne lui porte pas de préjudice, cela à cause d’un plus long trajet par exemple.

Dans le cas où c’est celui qui a le droit de visite qui déménage, celui qui a le droit de garde peut toujours dire que son éloignement fait en sorte que l’enfant ne peut plus se rendre chez lui comme c’était prévu. Que ce n’est pas convenable pour l’enfant, compte tenu par exemple de son âge, de ses activités extrascolaires, etc.

Toutefois même si tous deux sont d’accord sur les nouvelles dispositions, il serait plus prudent de passer quand même devant le juge des tutelles au Luxembourg et le juge aux affaires familiales en France pour faire homologuer cet accord.

Par contre, ce n’est pas parce que l’autre s’oppose au déménagement que celui-ci ne se fera pas, dès lors que ce déménagement a bien été notifié à l’autre et qu’il soit fait pour une raison objective, c’est-à-dire que la motivation de ce déménagement ne soit pas celle d’éloigner l’enfant de son autre parent.

Mais tout ceci n’est valable que dans le cas où il n’y a pas d’interdiction de sortir du territoire dans la décision de justice relative à la garde de l’enfant. S’il en existe une, il faudra pour déménager avec l’enfant, l’accord de l’autre parent, si non celui qui déménage avec l ‘enfant commet un enlèvement international.

Toutes ces règles ont été mises en place pour protéger l’enfant dans le cadre de la séparation de ses parents. Il est encore précisé que dès lors que l’enfant a plus de 12 ans ou un certain discernement et que le juge doit intervenir, l’avis de l’enfant sera pris en considération.

Maître Pascal Peuvrel
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1 Convention de Luxembourg du 20 mai 1980 et Convention de la Haye du 25 octobre 1980
2 Convention de Luxembourg du 20 mai 1980
3 Règlement européen dit Bruxelles II bis du 27 novembre 2003
4 Convention de la Haye du 25 octobre 1980