Les faux jumeaux « LLD » et « LOA » :

L’image rassurante du « bon père de famille » propriétaire de son pavillon comme de sa berline est désormais révolue. Le « leasing », désacralise la notion de propriété pour consacrer un simple produit de consommation.

Le terme générique « leasing » désigne communément deux types de contrats : la location de longue durée (LLD), et la location avec option d’achat (LOA).

Le contrat de location de longue durée est une mise à disposition d’un véhicule pour une durée précise et un kilométrage donné dont le loyer comprend la prise en charge de plusieurs services (assurance, entretien etc). En principe, une fois arrivé à terme, ce contrat ne permet pas l’achat du véhicule.

Alors que le contrat de leasing avec option d’achat permet de louer un véhicule en choisissant d’inclure dans les mensualités les services proposés ci-dessus, et à terme le locataire à la possibilité de restituer l’automobile et de louer un nouveau modèle, soit de l’acheter tout en s’acquittant de la valeur résiduelle.

Le leasing pour qui et pourquoi ?

Les sociétés :

Le leasing permet aux sociétés ne pas alourdir leur trésorerie concernant les immobilisations comptables. Elles peuvent ainsi gérer et renouveler plus facilement leur parc automobile.

Le leasing est également utilisé par les employeurs comme un avantage en nature pour leurs salariés.

La mise à disposition d’une voiture de société pour les déplacements professionnels et privés du salarié constitue un avantage en nature imposable au titre de revenu provenant d’une occupation salariée et est soumis aux cotisations de sécurité sociale.

Le rachat par le salarié d’une voiture de société à un prix inférieur à celui du marché constitue également un avantage en nature imposable au titre de revenu provenant d’une occupation salariée et est soumis aux cotisations de sécurité sociale.

Les particuliers :

Ils contractent un leasing de véhicule neuf comme d’occasion en guise d’alternative au crédit classique. Les personnes qui se sont vu refuser des crédits par les établissements bancaires traditionnels ont recours au LLD (ce qui ne signifie pas pour autant que l’organisme n’étudiera pas votre dossier de près !).

Les particuliers non résidents qui ont fait « vœu de pauvreté » auprès de l’administration fiscal de leur Etat d’origine. Ce cœur de cible qui a recours au LLD ne souhaite pas apparaître en qualité de propriétaire sur la carte grise de leur joli bolide.

Leasing, propriété et fiscalité :

Tant que le contrat de leasing court, le propriétaire juridique est le donneur alors que le preneur dispose de la garde juridique (il se voit attribuer l’usage, le contrôle et la direction du bien loué).

Alors que d’un point de vue fiscal, la situation est plus tortueuse. Le critère principal à prendre en considération est la durée du contrat de location pour identifier le propriétaire fiscal. Ainsi :
− Si la période de location est inférieure à 40% de la durée usuelle d’utilisation : le preneur est le propriétaire fiscal.
− Si la période de location est comprise entre 40% et 90% de la durée usuelle d’utilisation, le donneur est le propriétaire fiscal (sauf lorsque le preneur bénéficie d’une option d’achat inférieure au prix du marché, ou en cas de prolongation d’un contrat existante le nouveau loyer est inférieur à l’amortissement de la valeur comptable résiduelle ou de la valeur estimée de réalisation).
− La période de location est supérieure à 90% de la durée usuelle d’utilisation, le preneur est le propriétaire fiscal.

Des déductions d’impôts sont envisageables en fonction de la qualité fiscale du locataire. Si le preneur est propriétaire fiscal seulement une fraction d’intérêt sera déductible de son assiette imposable, alors que s’il n’est pas propriétaire fiscal, les loyers seront entièrement déductibles.

Le leasing à travers quelques cas de jurisprudence :

Les juges luxembourgeois consacrent l’idée d’imposer avec effet rétroactif, l’avantage en nature résultant du rachat par le salarié d’une voiture de service au terme du contrat de leasing, et à un prix inférieur à la valeur économique de la voiture (Tribunal administratif de Luxembourg rôle n°31269 du 14 octobre 2013).

Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer la valeur réelle et exacte de la valeur résiduelle de la voiture au terme du contrat de leasing, l’administration fiscale peut évaluer forfaitairement ladite valeur (Tribunal administratif de Luxembourg rôle n°31271 du 14 octobre 2013).

L’avenant au contrat de travail qui stipule qu’en cas de démission le salarié devra racheter le véhicule est parfaitement régulier et ne limite en rien les droits du salarié (Cour d’appel de Luxembourg, arrêt du 8 juillet 2010).

Du côté français, les juges se sont montrés beaucoup plus compréhensifs à l’endroit des salariés.

Ainsi, la Cour de cassation a précisé à plusieurs reprises que l’employeur ne peut pas exiger la restitution du véhicule pendant les périodes de suspension du contrat, même de longue durée. C’est ainsi qu’en cas d’arrêt maladie ou de congé maternité, par exemple, comme de toute autre période de suspension du contrat de travail, rémunérée ou non, le salarié peut utiliser le véhicule à titre personnel (Cour de cass. ch.soc., 24 mars 2010, n° 08-43.996).

Les juges de la Cour de cassation française ont encore décidé qu’un salarié qui quitte une entreprise sans préavis (départ volontaire ou licenciement) doit pouvoir conserver son véhicule de fonction jusqu’à la fin du préavis, à moins qu’il ne soit indemnisé à hauteur de la valeur de l’avantage en nature perdu. L’utilisateur garde le bénéfice de l’assurance liée à l’usage personnel du véhicule (Soc., 25 octobre 2007, n° 06-43.201).

Remarques :
*Pour éviter pareille situation qui ne manquerait pas de faire grincer des dents n’importe quel employeur, il serait salutaire d’insérer au contrat de travail une clause spécifique indiquant que la suspension dudit contrat entraîne de facto l’obligation au salarié de restituer son véhicule de fonction.
*L’ADEM tient compte dans le calcul d’indemnité de chômage de la voiture mise à disposition du salarié lorsqu’elle constitue un élément du salaire.

Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour Barreau de Luxembourg
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