Par le passé, plusieurs chroniques ont été consacrées à l’analyse de la problématique juridique relative au secret de la correspondance au travail et ses limites.

Il s’agissait d’examiner où commençaient et où s’arrêtaient les pouvoirs de l’employeur en matière de consultation et d’utilisation des mails envoyés par ses salariés, cette question dépendant essentiellement du caractère privé des courriels.

La problématique était donc envisagée sous l’angle du droit du travail, les mails étant la plupart du temps invoqués par l’employeur pour tenter de justifier les faits gisant à la base d’un licenciement, par la suite contesté devant le Tribunal du travail.

Une salariée est cependant allée plus loin puisqu’elle n’a pas hésité à citer directement son employeur devant le Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg siégeant en matière correctionnelle du chef de la violation :

  • de la loi du 2 août 2002 relative à la protection des données à caractère personnel ;
  • des articles L-261-1 et L-261-2 du Code du Travail ;
  • de l’article 2 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée ;
  • de l’article 4 de la loi du 30 mai 2005 relative aux dispositions spécifiques de protection de la personne à l’égard du traitement des données à caractère personnel dans le secteur des communications électroniques ;
  • des articles 34 à 38 et l’article 460 du Code Pénal relatif au secret des lettres.

Le litige portait sur l’ouverture de courriels, qui selon la salariée, avaient un caractère privé, notamment en raison de leur objet mentionnant expressément: « privé-Drink Nouvel an » ; ou encore « PRIVATE CONFIDENTIAL ».

Les premiers juges ont conclu à l’acquittement de l’employeur au motif que l’intitulé des mails ne serait pas suffisamment explicite quant à leur caractère privé, respectivement laisserait planer un doute sur l’intention de l’employeur de porter atteinte à la vie privée de son salarié, en ouvrant un mail émanant d’un professionnel en relations d’affaires avec la société, en dépit de la mention « PRIVATE CONFIDENTIAL » en objet du mail.

La salariée a interjeté appel de la décision et la Cour d’Appel s’est prononcée dans un arrêt du 28 avril 2015, n° 159/15 du rôle.

Si la Cour a ainsi confirmé le jugement de première instance en ce qu’il a estimé que le courriel « privé drink Nouvel an » n’établissait pas le caractère privé du mail, tant par son intitulé que son contenu, il en fût différemment de celui dont l’objet mentionnait : « PRIVATE CONFIDENTIAL ».

En effet, la Cour a retenu que l’intitulé du courriel ne laissait place à aucun doute quant au caractère privé du mail, quand bien même l’employeur prétendait le contraire :

  • « Quant au dernier courriel litigieux, à savoir, le courriel du 19 décembre 2011, provenant de l’adresse professionnelle de l’employée, le caractère privé résulte des termes mêmes de l’intitulé du message. En indiquant non seulement « PRIVATE » mais surtout « CONFIDENTIAL » l’expéditrice a visé clairement XX comme étant le seul destinataire de son envoi, de sorte que le caractère privé du courriel est établi ».

Par conséquent, par réformation de la décision de première instance, l’employeur fût condamné à payer une amende de 500.-€.

A la lecture de cet arrêt, les salariés disposent donc d’une prise de position claire de la Cour quant à la manière de protéger les correspondances privées échangées sur leurs adresses mail professionnelles.

Me Pascal Peuvrel
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Me Natacha STELLA
 


Depuis plus de 20 ans au service des frontaliers au Luxembourg