En France, l’article L.1152-1 du Code du travail précise en effet qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Mais qu’en est-il au Luxembourg ?

Le salarié aura beau parcourir le Code du travail de long en large, il ne trouvera aucune disposition similaire.

Est-ce à dire qu’en cas de harcèlement moral ce dernier se retrouve démuni et qu’aucune action ne s’ouvre à lui, car contrairement à ce qui est prévu de l’autre côté de la frontière, il faut bien avouer qu’on frise le vide juridique.

Si le législateur luxembourgeois se montre frileux à légiférer sur la question du harcèlement moral (un projet de loi dort depuis des années dans les tiroirs de la Chambre des Députés), les juridictions ont fort heureusement fait usage de leur pouvoir prétorien.

Le juge n’est ainsi plus seulement interprète de la loi, il en devient un créateur.

Concrètement, en l’absence de disposition législative spécifique en matière de harcèlement moral, la jurisprudence se réfère, pour définir la notion de harcèlement moral, à la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, qui qualifie de harcèlement tout comportement qui a pour objet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Les juges reconnaissent que « constitue un harcèlement moral à l’occasion des relations de travail toute conduite qui, par sa répétition ou sa systématisation, porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique et physique d’une personne.

Il se traduit par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

A défaut de texte légal spécifique en droit luxembourgeois, telle l’interdiction de la discrimination, celle du harcèlement moral est à mettre en rapport avec l’obligation générale de toute partie à une relation contractuelle d’exécuter le contrat de bonne foi, le fameux article 1134 du Code Civil.

Ainsi, il appartient au salarié se prétendant victime d’actes de harcèlement moral d’introduire son action sur cette base légale.

Pour prospérer dans sa demande, il lui appartiendra donc de rapporter la triple preuve :

  1. d’une non-exécution de bonne foi du contrat de travail (les fameux « agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »)
  2. d’un préjudice
  3. d’un lien causal entre la prétendue faute de l’employeur et le préjudice.

En parallèle, le salarié sera bienvenu d’appuyer sa demande en réparation de son préjudice sur les articles L.312-1 et suivants du Code du Travail qui prévoient que l’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé (tant physique que psychique) des salariés dans tous les aspects liés au travail.

Me Pascal Peuvrel
Avocat à la Cour
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Me Franck SIMANS
Avocat à la Cour