Pratique pour l’employeur, le téléphone permet au salarié de rester connecté en quasi permanence avec son lieu de travail, ou, pour le moins, avec sa boîte mail.

Mais dans le contexte actuel, marqué par une importante interconnexion entre vie privée et vie professionnelle, il n’est pas toujours aisé de faire la part des choses et de séparer le travail de la sphère privée.

Aussi, il n’est pas rare que le salarié utilise son téléphone portable professionnel à des fins privées, notamment pour envoyer des SMS.

Certains plaideront le « Pas vu, pas pris » pendant que d’autres brandiront le respect à la vie privé et le secret de la correspondance.

Mais qu’en est-il réellement ?

Un arrêt récent de la Cour de Cassation française1 vient d’apporter la réponse.

Les faits de l’affaire étaient les suivants :

Le litige opposait les sociétés GFI et NEWEDGE GROUP.

Cette dernière reprochait à la société GFI d’avoir provoqué la désorganisation de son activité en débauchant un grand nombre de ses salariés.

Afin de prouver ces dires, la société voulait faire produire des SMS reçus et émis par le téléphone portable professionnel d’un de ses salariés.

Cette autorisation lui fut accordée en référé et confirmée en appel.

La société GFI décida de se pourvoir en cassation.

Dans sa décision la Haute Juridiction énonce : « les messages écrits (“short message service” ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».

Bien que cet arrêt ait fait grand bruit, il faut constater qu’il s’inscrit pourtant dans le fil d’une jurisprudence bien établie de la Cour de Cassation, notamment en matière de courrier électronique.

Celle-ci avait en effet dans un arrêt du 30 mai 20072, retenu que : « le courriel non identifié comme personnel est présumé avoir un caractère professionnel permettant ainsi à l’employeur d’y accéder hors présence du salarié ».

La Cour de Cassation a finalement transposé aux SMS envoyés et reçus par le biais d’un téléphone portable professionnel la solution retenue en matière de courriers électroniques envoyés et reçus par le biais de l’ordinateur mis à la disposition du salaire pour les besoins de son travail.

Qu’en est-il au Luxembourg ?

La Cour d’Appel de Luxembourg dans un arrêt du 15 mars 2012, a rappelé en premier lieu que le salarié a droit, même durant son temps et sur son lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, qui implique en particulier le secret des correspondances.

L’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur.

La Cour d’appel ajouta cependant que si les intérêts de l’entreprise l’exigent et que certaines conditions sont remplies, il doit être permis à l’employeur de porter atteinte à la vie privée de son salarié.

La juridiction indiqua :

« […] la production d’un message électronique envoyé à partir de son ordinateur professionnel, même via son adresse électronique privée, adresse à partir de laquelle des documents concernant la société avaient été envoyés en nombre, ne saurait être constitutive d’une atteinte au secret des correspondances protégé par l’article 8 de la CEDH, et constituer une preuve non légalement obtenue, ce d’autant plus que le fichier « Brainstorming » était adressé à certains salariés de l’entreprise et que son intitulé ne dénotait a priori aucun caractère privé ».

Même si la solution est plus nuancée que la position française (la Cour ne définissant par ailleurs pas les notions « d’intérêts de l’entreprise » ni « les conditions » à remplir), il ne peut qu’être conseillé au salarié de se montrer vigilent.

Pour l’heure, aucune décision luxembourgeoise ne s’est penchée sur la question des SMS privés envoyés/reçus grâce à un outil mis à disposition du salarié pour son travail, et il est bien difficile de savoir si les juridictions lui transposeront, à l’instar de la France, la solution retenue en matière de courriers électroniques.

Dans l’attente, il ne peut qu’être conseillé au salarié d’insérer en début de message les mentions [perso] ou [privé] afin de spécifier que le SMS n’a pas de caractère professionnel et éviter toute déconvenue.

Me Pascal Peuvrel
Avocat à la Cour
[email protected]

Me Franck SIMANS
Avocat à la Cour

1 Cour de Cassation française, chambre commerciale, 10/02/2015, n° 13-14779
2 Cour de cassation française, Chambre sociale, 30 /05/2007, n° 05-43.102