Difficile lorsqu’on est frontalier de ne pas connaître les affres de la route ou du rail. Bouchons, accidents, retards en gare font partie des angoisses, voire des cauchemars qui rythment quotidiennement les matinées des salariés qui n’ont qu’un objectif : éviter d’arriver en retard sur leur lieu de travail.

Car si certains employeurs se montrent conciliants, d’autres ont tendance à perdre rapidement patience. Un retard ça va, mais plusieurs, bonjour les ennuis, avec comme corollaire l’inquiétude de son avenir au sein de l’entreprise.

Mais des retards successifs peuvent-ils justifier un licenciement ?

Un arrêt récent de la Cour d’Appel, rendu le 30 avril 2015, vient d’apporter un éclairage tout particulier sur cette question.

Dans le cas d’espèce, une salariée, occupée en tant que puéricultrice au sein d’une crèche depuis 2008, s’était vue reprocher par son employeur d’arriver régulièrement sur son lieu de travail avec 10 minutes de retard.

Après avoir modifié les horaires de sa salariée, espérant sans doute un impact positif sur sa ponctualité, l’employeur arriva au constat que celle-ci continuait d’arriver en retard.

Ce fut notamment le cas à 3 reprises, les 12 et 14 octobre 2010 et le 20 décembre 2010. Les retards, plutôt conséquents (environ 1 heure à chaque fois), conduisirent l’employeur à procéder au licenciement de sa salariée.

Celle-ci fit valoir que ses retards ne suffisaient pas à justifier son licenciement pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, pour toute l’année 2010, ces retards n’avaient jamais dépassé 10 minutes.
Ensuite, en date des 12 et 14 octobre 2010 des travaux sur la route l’avaient empêchée d’arriver à l’heure.
Enfin, en date du 20 décembre 2010, son retard était dû aux fortes chutes de neige.

Par ailleurs, la salariée indiqua qu’elle avait toujours informé la crèche de ses retards, et fit plaider que ces derniers n’avaient pas perturbé l’organisation de la crèche alors que ces collègues pourvoyaient à son remplacement temporaire.

Elle fit également valoir qu’elle raccourcissait sa pause et restait plus tard le soir afin de rattraper ses heures.

Malgré ces arguments, ni le Tribunal du Travail, ni la Cour d’Appel n’ont donné raison à la salariée.

La Cour, après avoir constaté, eu égard aux pièces versées aux débats, que l’ensemble des retards était établi, se pencha sur les 3 retards de la fin d’année 2010 et motiva sa décision comme suit :

« En ce qui concerne le caractère exceptionnel des retards invoqués par [la salariée], la Cour est d’avis que ni les travaux au tunnel de Howald en octobre 2010, ni les mauvaises conditions météorologiques en novembre et décembre 2010, voire le blocage de l’autoroute le 20 décembre 2010 en raison de la neige, n’étaient imprévisibles et insurmontables, et qu’il aurait appartenu à [la salariée] de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter des retards prévisibles. ».

Par ailleurs, la Cour a estimé que même si les retards de la salariée étaient compensés par ses collègues qui pourvoyaient à son remplacement, « il n’en demeure pas moins que l’organisation de la crèche était affectée par le manque de ponctualité de [la salariée], la [crèche] ne pouvant pourvoir qu’au dernier moment au remplacement de [la salariée] ».

Ainsi, la Cour d’appel a jugé que c’était « à bon droit que le tribunal a retenu que par ses retards systématiques, la salariée avait adopté une attitude désinvolte de nature à ébranler la relation de confiance qui doit exister entre un employeur et son salarié et qu’il a déclaré le licenciement avec préavis du 29 décembre 2010 fondé et la demande de [la salariée] en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement abusif non fondée ».

Une chose est sûre, cette décision n’a pas fini de faire parler d’elle.

Mais n’oublions pas, comme le disait si bien Jacques STERNBERG : « Arriver tous les jours à son travail avec une heure de retard est un signe de ponctualité ».

Me Pascal Peuvrel
Avocat à la Cour
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Me Franck SIMANS
Avocat à la Cour


Depuis de 20 ans au service des frontaliers au Luxembourg