« Tu ne peux même pas boire un verre d’eau ? »  Cette question classique revient chaque année pour ceux qui observent le jeûne du mois de Ramadan. Au-delà d’être une simple privation, il est souvent présenté par ses pratiquants comme un retour spirituel sur soi-même et un moment de partage et de convivialité à l’heure du repas. Quand le soleil commence à se coucher, les familles se réunissent autour de tables copieusement garnies pour rompre le jeûne.

Mais pendant une journée de travail, comment est-il géré, ce jeûne ? La période de Ramadan recule tous les ans d’une dizaine de jours. Cette année, à cheval sur le mois de juin et le mois de juillet, le jeûne débute vers quatre heures du matin pour se terminer un peu avant vingt-deux heures, ce qui représente un intervalle de dix-huit heures entre le premier et le deuxième repas. À en écouter les principaux intéressés, cela ne pose aucun problème.

« Cela se passe très bien. Personnellement, je ne sens pas l’envie de boire ou de manger. Je ressens parfois un petit coup de fatigue, mais c’est tout. Il faut dire que je n’ai pas une activité particulièrement pénible » explique Issa, 32 ans, employé de banque au Plateau de Kircherg. Pour lui, pas de problème non plus du côté de la hiérarchie ou de ses collègues. Il opère dans la même équipe depuis plusieurs années. Inutile de le dissimuler, donc. Le Ramadan est entré dans les mœurs, il est assumé. On a tous un ami, un voisin, un cousin ou une belle sœur qui fait le ramadan une fois par an, par conviction souvent, par habitude parfois. « Mes collègues le savent, c’est devenu une habitude pour eux. Je leur explique en quoi cela consiste quand ils me posent des questions, en essayant d’être le plus précis possible » ajoute-t-il.

Pas de conséquences sur les rendements

Mieux encore, les employés font parfois preuve d’un grand respect à l’égard de leurs collègues jeûneurs. « La plupart n’osent pas boire ou manger devant moi. C’est comme s’ils compatissaient. C’est sympa » explique Oussama, qui travaille à l’usine lors de ses temps libres pour financer ses études. Lui qui a un travail un peu plus rude concède avoir parfois du mal à lancer sa journée. « Comme on a peu de temps pour manger, on se couche très tard, donc lorsque je fais 6-14, c’est parfois difficile le matin ». Djibril, 25 ans, qui travaille en tant que comptable, souligne aussi une atmosphère positive : « L’ambiance est toujours la même, j’ai la chance de travailler avec des collègues tolérants et ouverts d’esprit ».

La période du jeûne soulève légitimement la question de la productivité. Encore une fois, selon les personnes sondées, il n’a aucun impact sur le rendement, ni même sur la motivation ou l’investissement. « À ma grande surprise, ma productivité reste la même et cela sans grandes difficultés. C’est paradoxal mais je pense que tout cela dépend de la façon dont on se prépare à accueillir ce mois de jeûne. Pour ma part, j’avais déjà pris les précautions d’arrêter de boire du café une semaine à l’avance et de boire que de l’eau, j’ai continué cela jusqu’à aujourd’hui et je ressens que ça joue très positivement sur mon métabolisme » note Djibril.

Cette thèse est par ailleurs appuyée par les nutritionnistes, qui soulignent fréquemment les effets positifs de cette pratique. « Le jeûne est un moyen de détoxiquer l’organisme et de purger les déchets que les organes ont accumulé. Les fonctions de réactivité et de créativité sont mieux stimulées lorsque l’estomac est vide. Au contraire, après le repas de midi, on a parfois tendance à somnoler, car l’énergie du corps est utilisée pour la digestion » explique David Blondiau, spécialiste de la nutrithérapie installé à Hesperange.

Une sieste ou une balade à la pause déjeuner

Une autre interrogation concerne la pause de midi. Faut-il la prendre ou quitter son poste de travail une heure plus tôt ? Généralement, la pause de midi est prise comme à l’accoutumée. Une seule donnée change, l’occupation de ce temps de pause. Certains préfèrent aller prendre l’air quand d’autres privilégient une heure de sommeil réparatrice. « Quand mon temps de pause m’est accordé, je vais faire une balade pour m’aérer l’esprit ou alors je vais discuter avec d’autres collègues également en pause » lance Issa.

Oussama lui, profite de ces nombreux petits temps morts pour se reposer. Djibril aussi préconise un petit temps de repos. « Je m’accorde généralement un moment détente d’une demi heure à une heure. J’en profite pour m’asseoir un peu et fermer les yeux. Ce petit break est très bénéfique pour le reste de la journée ». Cette année, la météo est plutôt clémente avec les jeûneurs, qui n’ont pas encore eu à affronter les grandes chaleurs de l’été. Tant mieux, c’est la dernière ligne droite, le jeûne de cette année devrait s’arrêter aux alentours du 6 juillet.

Y.B.