Originaire des Cornouailles, Mady a commencé sa carrière professionnelle à Paris en 1985, lors d’un stage de trois mois dans le cadre de ses études de langues. Elle rentre quelques mois en Angleterre, le temps de faire valider son diplôme, puis retourne immédiatement en France, un CDI en poche, dans le même groupe industriel.

En 2008, en pleine restructuration, ce dernier lui propose une mutation au Luxembourg. D’emblée elle accepte.
La mutation s’est faite très rapidement”, se souvient Mady. Seule avec ses deux enfants de 10 et 12 ans, elle organise son déménagement vers le Grand-Duché. “Il me fallait trouver rapidement des établissements, qui acceptent mes filles pour la rentrée scolaire. Au Luxembourg, je devais les inscrire sur une liste d’attente, alors qu’à Thionville, elles ont reçu une place immédiatement”, explique-t-elle.

Elle décide donc de s’installer dans la région d’Hettange-Grande, dissuadée également par les prix immobiliers luxembourgeois. A contrecoeur, d’ailleurs : ”J’aurais préféré que mes filles fassent leur scolarité au Grand-Duché, car le système d’enseignement et les infrastructures scolaires me paraissaient mieux adaptés à ce qu’elles ont pu vivre en France… Et comparables au modèle anglais, qui est pour moi l’un des meilleurs”, observe-t-elle.

Ce qu’elle ne comprend pas dans le système français : l’absence récurrente des profs, souvent en grève, quand ils ne sont pas partis en formation, le peu de moyens alloués à l’enseignement…

“Je me sens frontalière”

La filiale luxembourgeoise du groupe dans laquelle elle travaille en tant qu’assistante, est très internationale ; une qualité qu’apprécie cette passionnée de langues et de cultures étrangères.

Plus largement, elle trouve que la mentalité du pays est plus ouverte et plus multiculturelle. Un contexte qu’elle compare volontiers à Paris, où elle a habité et travaillé. “Ce que j’adore avec le Luxembourg c’est que dans ce petit espace, il y a un concentré de nationalités, de peuples de tout bord, et que je me sens vraiment à ma place… Un sentiment que je ne ressens pas là où j’habite… C’est là une autre mentalité, qui est moins ouverte…”, regrette-t-elle.

En dehors du travail, elle compte beaucoup d’amis au Luxembourg : “J’ai plutôt tendance à sortir un peu plus de ce côté de la frontière, plutôt qu’en France”, reconnaît-elle.

Idem pour les courses, où ses choix de pays sont clairement ciblés, question de prix et de variétés : pour les produits alimentaires, d’entretien et vestimentaires, c’est l’Allemagne (Perl et Sarrebruck). Pour le mobilier, elle opte plus facilement pour la Belgique. Pour l’essence, c’est le Luxembourg. “Chaque pays offre des produits bien spécifiques. Et ce serait dommage de ne pas en profiter. Dans ce sens, je me sens véritablement frontalière”, admet-elle.

“J’ai fait mon choix pour la France”

Ses filles ayant désormais quitté le foyer familial, elle a à plusieurs reprises, envisagé un possible déménagement vers le Luxembourg. Elle a beau faire des simulations, envisager tous les coûts possibles et refaire ses calculs… L’opération serait pécuniairement et financièrement trop onéreuse ; d’autant qu’elle a acheté sa maison en 2008, à un moment où les prix étaient très élevés.

Aujourd’hui, c’est à perte qu’elle l’a revendrait, sans être sûre de retrouver au Grand-Duché un bien équivalent, avec un petit jardin, comme actuellement. “C’est essentiellement une question de budget, Ce fut un choix très difficile à prendre. D’un côté, une grande partie de moi est attirée par le Luxembourg. Une autre partie, m’incitait à réfléchir au budget”.

Fin 2016, après une longue période d’incertitude, elle décide donc de rester habiter en France, et de plus s’intégrer dans sa région de résidence : “Je sors un peu plus en France et j’essaie de découvrir les restaurants et les lieux de sorties intéressants. Je me suis fait plus d’amis français depuis. J’ai fait mon choix !”, précise-t-elle.

Et si c’était à refaire?

Venir travailler au Luxembourg ? Elle le referait sans hésiter. “Etre frontalière est l’une des meilleures choses qui me soient vraiment arrivée”, se réjouit-elle. “C’est une chance inouïe : je suis Anglaise, j’habite en France, je travaille au Luxembourg, je peux budgéter mes courses et les faire dans quatre pays différents. J’ai des amis qui viennent de tous les coins du monde. C’est un endroit d’une grande richesse, que je n’ai jamais trouvé, même à Paris”.

Britannique et pro-Brexit dans l’âme

Après plus de 30 ans en France, elle ne souhaite pas prendre la double nationalité. Se sentant avant tout européenne. Même si elle ne peut plus voter en Grande-Bretagne, conformément à la loi anglaise qui retire le droit de vote aux ressortissants anglais expatriés depuis plus de 15 ans.

Concernant le Brexit, elle a d’abord été choquée par le résultat des urnes, mais voit maintenant tout cela avec sérénité. Ainsi, même si la sortie du Royaume-Uni de l’UE risque d’avoir de grandes conséquences sur son quotidien, elle est résolument pour !

Ce qui l’a fait changer d’avis ? “Je suis pour l’idée du marché commun d’avant l’adhésion en 1973. Je pense que le Brexit est une bonne chose pour l’Angleterre : l’économie se porterait mieux si elle ne devait pas verser autant de millions aux autres pays. Cependant, tempère-t-elle, je suis pour que les gens puissent continuer à circuler et à travailler dans d’autres pays”.
Finalement, conclut-elle : “Je suis britannique dans l’âme, et britannique je le resterai toute ma vie”.