John est américain. Il habite en Belgique et travaille au Luxembourg dans une société de gestion d’actifs. Il lui arrive plusieurs fois dans l’année de devoir se déplacer à l’étranger, dans l’exercice de ses fonctions, pour organiser des réunions à Paris, Londres ou ailleurs dans le monde.

En mars dernier, il est contacté par l’administration fiscale belge qui lui pose plusieurs questions concernant son emploi au Luxembourg, ses voyages privés et professionnels, etc.

“Nous n’avons rien à cacher, je ne me suis pas méfiée”

J’ai donné toutes les informations qu’on nous réclamait, nous explique Valérie, la femme de John. Nous n’avons rien à cacher, nous avons toujours payé tout ce que nous devions“.

Oui, mais voilà, l’administration belge qui a contacté la famille n’est pas satisfaite des documents fournis : “pour eux, le contrat de travail n’était pas suffisant et ils m’ont dit que ça ne servirait à rien de donner une attestation du patron de la société pour attester que mon mari travaillait au Luxembourg. Ils voulaient des relevés de pointage, mais mon époux ne pointe pas !“.

Finalement, John avait “par miracle” gardé tous ses reçus d’essence. “Il va faire le plein deux fois par semaine au Luxembourg, nous avons donc donné tout ses reçus au fisc. Finalement, ils nous ont dit que malgré le manque de preuve (!) ils admettaient tout de même que mon mari travaillait bien au Luxembourg…“.

Les réunions et voyages professionnels passés à la loupe

Sauf que comme son mari est amené à voyager pour le compte de son employeur luxembourgeois, l’administration fiscale, lui a demandé un compte-rendu de l’ensemble de ses voyages, qu’ils soient privés ou professionnels. “J’ai trouvé curieux qu’on me demande le détail de nos voyages privés, précise Valérie, mais je ne me suis pas méfiée, j’ai donné une copie du passeport de mon mari. Et comme John est américain, il a un cachet à chacun de ses déplacements“.

L’administration a ainsi calculé tous les jours où John n’était pas physiquement au Luxembourg. Et pour avoir passé une cinquantaine de jours en voyage hors du Luxembourg en 2011 et 2012, on lui réclame 12.000€ à rembourser au fisc.

C’est aberrant, qu’on lui demande de payer ça, ça n’a aucun sens, c’était pour le compte de son patron et ces jours là, il les a payé au Luxembourg. Mon mari travaille comme une bête et en plus il se fait taxer deux fois !“, s’offusque Valérie.

Du côté de l’administration fiscale belge, on lui répond qu’elle doit se retourner vers l’administration luxembourgeoise et que la Belgique ne ferait rien. Le couple se retrouve face à un mur et n’a plus vraiment d’espoir pour l’issue de cette affaire.

“Pour nous c’est trop tard…”

Valérie et John ont contacté l’association des frontaliers “Solidarité frontaliers européens” (SFE), mais ils n’y croient pas beaucoup : “c’est difficile de se faire entendre et d’avoir des actions communes. Surtout que là, c’est au niveau fiscal et c’est compliqué avec les différentes législations. Je pense que le mieux que l’on puisse faire, c’est d’avertir les médias“, affirme Valérie.

Elle considère d’ailleurs que les choses peuvent encore aller plus loin : “pour nous c’est trop tard, mais si ça continue comme ça, il va y avoir des autres problèmes. Vous imaginez si les employés belges refusent les déplacements, les patrons vont vouloir plutôt embaucher des français ou des allemands… On est victime d’un manque de clarté entre le Luxembourg et la Belgique. Ça donne vraiment une mauvaise image de notre pays…“.

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