« Ma situation n’est pas représentative de la majorité », précise l’intéressé. Quand compatriotes et locaux s’astreignent aux quarante heures hebdomadaires, sa fonction lui impose d’en assurer vingt par semaine.

En plus de jouir d’un temps libre accru, Gérard se préserve généralement des encombrements de l’A31. « Quand le cours débute à 8h, je rentre sur l’autoroute à 6h15 maximum. A 16h, il faut se dépêcher si on ne veut pas excéder l’heure de route ».

Qui plus est, le père de famille s’épargne de la fatigue et de l’argent par sa pratique régulière du covoiturage avec certains collègues. « Il faut se marcher dessus pour monter dans les bus à six heures du matin. Et puis, mon établissement est éloigné du centre ».

Passé cet obstacle, l’enseignant apprécie de jouir d’un confort de travail supérieur à celui de l’Hexagone, notamment lié à son public. « La situation se dégrade chez nous, regrette-t-il, ici j’ai une obligation de résultats avec des élèves à l’écoute ».

Loin d’être l’eldorado

Le parcours de Gérard s’apparente à un chassé-croisé de part et d’autre de la frontière. Après des débuts en tant que remplaçant au pays, il intègre un lycée du Grand-duché où il exerce durant une quasi-décennie. « Après une année de stage, j’ai du revenir quelques temps en France. Quand l’opportunité s’est présentée de revenir, j’ai dit oui ».

Deux raisons. Familiales et pratiques d’abord et surtout. « Ma compagne travaillait ici, c’était plus simple pour accorder nos congés ». Onéreuses ensuite. « En net, c’est 700 à 800 euros de plus que l’équivalent français. Mais ce n’est encore rien comparé à nos homologues luxembourgeois ». Concrètement, il oscille entre 3000 et 3500 euros contre le double pour ses alter-egos à l’aube de leurs carrières. Loin donc d’être l’eldorado pour le quinquagénaire. « Je ne pourrais pas m’installer au Luxembourg. Considérant mon salaire et le prix des loyers ici, ce serait un peu juste ».

Outre son activité, Gérard n’a pour ainsi dire aucune accointance locale. Excepté les contacts professionnels et les sorties sporadiques entre amis francophones, son attachement est loin d’être viscéral. « Je ne suis pas du tout opposé à l’idée de faire le voyage inverse, confie le frontalier. Gagner un peu moins mais travailler à dix minutes du domicile serait tout aussi bien ». En définitive, Gérard résume sans ambage. : « Le fait de rester n’est pas lié au pays mais aux conditions de replacement. C’est pour moi une vraie vie de banlieusard ».