Quels sont les enjeux du travail frontalier sur les territoires de la Grande Région ? L’intégration à un marché du travail transfrontaliers est-elle limitée ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles deux chercheurs, Rachid Belkacem de l’Université de Lorraine et Isabelle Pigeron-Piroth de l’Université de Luxembourg ont répondu jeudi lors d’une conférence sur L’emploi frontalier et ses dimensions socio-économiques.

Le travail frontaliers a des effets positifs sur les territoires de la Grande Région…

À travers leurs recherches, les deux universitaires ont constaté que le travail frontalier permettait de développer le dynamisme territorial.

Ils expliquent qu’il a tout d’abord atténué les effets négatifs des restructurations en Lorraine, en permettant aux habitants de trouver un emploi de l’autre côté de la frontière, tout en augmentant le niveau moyen des revenus par habitant.

Il a aussi permis l’émergence de nouvelles activités économiques, avec le développement de commerces, de services aux particuliers (création de crèches), d’activités de loisirs, de culture ou encore de sport.

Mais le travail frontalier a aussi des effets positifs sur le pays d’emploi, puisque le salarié arrive souvent avec des connaissances et un savoir. Cela permet au Luxembourg de bénéficier de travailleurs avec des profils pointus parfois, sans avoir à prendre en charge les frais de formation.

D’autre part, les frontaliers apportent aussi des ressources financières supplémentaires au Luxembourg. Ce qui aide à développer le dynamisme économique du pays, puisque comme le rappelle Rachid Belkacem, le travailleur frontalier dépense 1/5e de sa rémunération (soit environ 9000€/an) dans son pays d’emploi. Et ce n’est pas seulement en cigarette ou en carburant comme on pourrait l’imaginer, mais aussi en courses, vêtements, loisirs, etc.

Le travail frontalier a aussi des effets négatifs…

Lors de leur conférence, les deux chercheurs ont également fait le point sur les points litigieux qui existent toujours sur les territoires à la frontière du Luxembourg.

Ils notent ainsi que le travail frontalier implique une fuite de la main d’œuvre qualifié des pays frontaliers vers le Luxembourg, notamment en raison de la rémunération plus importante. Même chose au niveau des entreprises, puisque ces dernières préfèrent souvent s’implanter au Grand-Duché plutôt qu’en Lorraine à cause raison d’un régime (fiscal notamment), plus intéressant. D’ailleurs, Monsieur Belkacem rappelle que selon l’OCDE, une heure de travail dans la construction coûterait au Luxembourg environ 21-22€, alors qu’en Lorraine, ce serait 7 à 8€ de plus.

Troisième problème, les petites collectivités doivent faire face à une forte croissance des dépenses, liées à l’augmentation du nombre d’habitant, sans pour autant avoir des ressources supplémentaires. Enfin, l’effet le plus flagrant touche l’encombrement des grands axes, ce qui entraine un besoin de développement des infrastructures.

Un statut de frontaliers qui a encore des limites

Lors de leur conférence, les chercheurs ont également mis en lumière les freins et limites à l’intégration transfrontalière. Ils citent ainsi les difficultés liées à l’âge de la retraite qui est différent selon les pays (ce qui pose notamment problème dans le cas des carrières mixtes), à la reconnaissance des accidents du travail (invalidité) ou des qualifications selon les métiers, mais aussi les différentes législations pour les stages ou pour l’apprentissage.

Ces exemples montrent ainsi les limites de la construction européenne et représentent des défis pour l’intégration transfrontalière.

La conférence de jeudi a été réalisée dans le cadre d’un cycle de conférences organisé par l’Université du Luxembourg, en collaboration avec l’Université de la Grande Région. Les conférences ont lieu tous les jeudis de 14h15 à 15h45 au Campus Walferdange (salle Piaget – bâtiment 3) jusqu’au 22 mai. Voir le programme complet.

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