Présenté comme une approche plus flexible et efficace du travail et comme un bon compromis dans la recherche de l’équilibre vie professionnelle-vie privée, le télétravail reste encore marginal au Luxembourg. Selon le Statec, seuls 12,1% de la population active ont adopté ce travail délocalisé en 2014, contre 7,1% en 2010 et 1,7% en 2005.

Une progression que l’on retrouve à l’échelle européenne : l’ensemble des télétravailleurs de l’UE prestant plus de 8 heures par mois passant en 2000 de 7,2% de la population active, à 18,3% en 2010. Avec en 2010 des écarts encore significatifs entre la Belgique (30,6%), l’Allemagne (19,5%) et la France (8,9%), selon une étude du centre de recherches en technologies Gartner.

Le Statec relativise toutefois le poids des chiffres luxembourgeois : « Ce sont principalement les indépendants qui y ont eu recours (25%), de manière plus importante que les salariés (11%) », indique-t-il, précisant par ailleurs que pour la plupart des personnes concernées celui-ci ne représente qu’un mode de travail d’appoint et un temps d’occupation inférieur à 8 heures par semaine.

A noter encore que l’enquête périodique du Statec ne prend en compte que la population résidente du pays, et omet donc les télétravailleurs frontaliers dans ses calculs.

Une définition harmonisée

Au sein de l’UE, il faut attendre le 16 juillet 2002 pour qu’une définition harmonisée du télétravail soit adoptée. L’Accord-cadre interprofessionnel signé à cette datte par les partenaires sociaux européens décrit celui-ci comme « une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière. » 

Trois formes de télétravail sont ici concernées : exclusivement à partir de son domicile (télétravail à domicile) ; depuis un site localisé hors de l’entreprise d’origine (télétravail en réseau ou décentralisé) ou en conservant un poste de travail physique au sein de l’entreprise tout en travaillant de chez un client ; depuis une filiale, dans un moyen de transport (télétravail mobile ou nomade). Cette dernière forme est la plus prisée par les télétravailleurs luxembourgeois.

Régime de sécurité sociale unique – Fiscalité au cas par cas

En termes de sécurité sociale, le télétravailleur est soumis à la législation d’un seul État membre, celui dans lequel il exerce une activité professionnelle, conformément aux dispositions européennes sur le sujet. 

Cependant, si l’activité depuis l’État de résidence dépasse 25% du temps presté, le télétravailleur devra alors être affilié à la sécurité sociale de celui-ci, et éventuellement auprès des organismes de sécurité sociale des autres pays où il effectue le reste de son travail.

« L’employeur devant affilier le salarié dans son pays de résidence est soumis aux dispositions légales du pays de résidence », rappelle le site Guichet.lu. « Ainsi, l’employeur et le salarié sont redevables des cotisations sociales selon les taux applicables dans l’État de résidence et l’employeur peut, le cas échéant, être dans l’obligation d’avoir un numéro d’immatriculation de sécurité sociale ou encore de s’affilier à une caisse de retraite dans le pays de résidence ». 

Côté imposition, l’harmonisation des législations européennes en matière de réglementation fiscale n’existe pas ; la plupart des États membres ont signé entre eux des conventions tendant à éviter les doubles impositions, sur le modèle de l’OCDE.

Ainsi, le Luxembourg a signé des accords préventifs ou bilatéraux avec plus de 76 pays, qui prévoient que les salaires, traitements et autres rémunérations similaires (commissions, primes, gratifications, pourboire…) sont imposables uniquement dans l’État dans lequel s’exerce l’activité professionnelle source de revenus

Pour les salariés frontaliers travaillant (tout ou en partie) au Luxembourg, des aménagements au traitement fiscal existent entre le Grand-Duché et ses voisins. Aussi, « selon l’Etat de résidence et la proportion de l’activité prestée au Luxembourg et celle prestée dans le pays de résidence du salarié, les rémunérations perçues seront soumises entièrement ou partiellement à l’impôt luxembourgeois et/ou à l’impôt de l’Etat de résidence », indique le site Guichet.lu.

Concrètement : pour l’Allemagne, le travail presté hors du territoire luxembourgeois (que ce soit en Allemagne même, ou dans un pays tiers), devient dès le 20ème jour imposable auprès du fisc allemand. En Belgique, l’imposition auprès des autorités fiscales belges devient elle obligatoire, à partir du 25ème jour effectué hors du Grand-Duché. Tandis qu’en France, l’impôt sur le salaire reste intégralement dû au Luxembourg, peu importe le pays dans lequel le télétravailleur a exercé.

Une gestion parfois lourde pour l’employeur et le salarié

Quels que soient la forme, le lieu et le temps effectués, le télétravail est soumis aux mêmes règles du droit du travail luxembourgeois. Cependant, avant de se lancer dans cette aventure, le télétravailleur et son employeur doivent bien analyser la situation : d’une part, les cotisations sociales salariales et patronales versées dans les autres pays sont bien souvent supérieures à celles dues au Luxembourg.

Par ailleurs, le salarié et l’employeur seront, le cas échéant, soumis aux obligations fiscales à la fois des États de résidence et de travail du salarié. Une situation qui peut se révéler un manque à gagner et impliquer des formalités supplémentaires fastidieuses pour le premier. Et constituer un véritable casse-tête pour le second, en termes de gestion.

Celui-ci devra en effet mettre en place un double payroll, et établir une fiche de présence très détaillée pour chaque télétravailleur, afin de comptabiliser séparément chaque jour presté par ce dernier, au et hors du Luxembourg ; il devra ensuite reverser la part de cotisations patronales correspondante au centre d’affiliation de chaque pays concerné.

Côté impôts, il devra régulariser rétroactivement les déductions fiscales de ces employés : pour chaque jour travaillé à l’étranger, et pour lequel il aura déjà versé les impôts correspondants au Luxembourg, l’employeur devra reverser ces montants au salarié, ce dernier étant tenu de son côté de s’acquitter de ses obligations fiscales auprès des autorités compétentes du pays concerné.

Pas sûr donc que les employeurs soient tous prêts à se lancer dans l’aventure et à généraliser le télétravail dans leur fonctionnement.