La Chambre de Commerce salue le projet de loi n°6977 sur la nationalité luxembourgeoise comme une amélioration de la législation et comme une réforme nécessaire, répondant à la situation démographique particulière du Grand-Duché de Luxembourg où les résidents possédant la nationalité luxembourgeoise ne représentent plus que 53,3% de la population totale du pays. L’organisation professionnelle regrette cependant que le projet de loi se contente de rétablir sur un certain nombre de points la situation telle qu’elle était avant la loi du 23 octobre 2008 – reconnaissant la double nationalité – et souhaite que le législateur réfléchisse aux moyens d’inclure davantage les frontaliers dans la vie démocratique du pays.

La population a augmenté de 52 % en 26 ans

Dans son avis, la Chambre de Commerce rappelle que le projet de loi s’inscrit dans un contexte démographique tout à fait unique au sein de l’Union européenne, étant donné que l’économie dynamique et attractive du Luxembourg génère un besoin de main d’œuvre que la population nationale ne parvient plus à couvrir à elle seule. En l’espace de vingt-cinq ans le pays a vu sa population croître de manière exponentielle sous l’impulsion d’un solde migratoire largement positif. Entre le 1er janvier 1990 et le 1er janvier 2016, la population totale du pays a ainsi connu une croissance de 52%, conduisant à la diminution inexorable de la part des Luxembourgeois au sein de la population totale du pays. Au 1er janvier 2016, les Luxembourgeois ne représentaient ainsi plus que 53,3% de la population totale du pays.

Comme ce contexte démographique inédit en Europe pose pour le pays une série de défis en matière de représentativité politique et de participation à la vie démocratique des résidents étrangers, la Chambre de Commerce approuve dans leur grande majorité les mesures envisagées par le projet de loi et accueille favorablement l’assouplissement des conditions de naturalisation exigées pour les résidents étrangers souhaitant obtenir la nationalité luxembourgeoise, estimant que celui-ci constitue un moyen probant pour favoriser la cohésion sociale et l’intégration des étrangers dans la société luxembourgeoise, tout en améliorant la représentativité de l’électorat luxembourgeois.

Un projet de loi imparfait

La Chambre de Commerce regrette néanmoins que le projet de loi se contente sur un certain nombre de points de rétablir la situation telle qu’elle était avant la réforme de la législation sur la nationalité de 2008. Elle estime ainsi que le projet de loi aurait pu aller plus loin dans certains domaines afin de prendre davantage en considération les réalités démographiques et socio-économiques actuelles du pays, qui font apparaître un déficit démocratique dans la représentation politique des résidents étrangers et frontaliers.

L’introduction du droit du sol de première génération

Une nouveauté du projet de loi consiste dans l’introduction dans la législation du droit du sol de première génération qui permettra à l’enfant qui sera né au Luxembourg de deux parents non-luxembourgeois, d’obtenir automatiquement la nationalité luxembourgeoise à sa majorité sous certaines conditions. Bien que la Chambre de Commerce approuve l’introduction de cette nouvelle disposition, qui permettra aux personnes nées au Luxembourg et présentant un lien réel avec le pays d’acquérir automatiquement la nationalité luxembourgeoise à leur majorité, elle s’interroge si l’introduction d’une double condition de résidence de l’enfant dans le pays avant sa majorité et de résidence des parents immédiatement avant la naissance de l’enfant ne s’avère pas trop restrictive, alors que l’intégration de l’enfant concerné dans la société luxembourgeoise est totalement indépendante du fait de savoir si ses parents ont résidé ou non sur le territoire national pendant les 12 mois ayant précédé sa naissance.

Assouplissement des conditions de la naturalisation : tenir compte de la réalité du monde du travail

La Chambre de Commerce salue tout particulièrement l’assouplissement des conditions de la naturalisation opéré par le projet de loi, estimant notamment que la réduction de la durée obligatoire de résidence sur le territoire national de sept à cinq années – avec une résidence ininterrompue au Luxembourg exigée pour la seule année précédant immédiatement la demande de naturalisation (au lieu de sept années auparavant) –  constitue un juste retour à la situation d’avant la réforme de la législation sur la nationalité de 2008.

Si le projet de loi assouplit par ailleurs légèrement les conditions de réussite à l’examen linguistique, la Chambre de Commerce craint que cet examen ne constitue toujours une barrière à l’accès à la nationalité luxembourgeoise pour de nombreux résidents étrangers. Comme l’intégration des étrangers passe principalement par le monde du travail et comme ils doivent donc prioritairement maîtriser la langue de travail de leur entreprise, la chambre professionnelle souhaite que le régime linguistique soit adapté à la réalité du monde de l’entreprise au Luxembourg où différentes langues sont utilisées quotidiennement. Elle propose par conséquent que les exigences en matière de connaissance de la langue luxembourgeoise soient abaissées au niveau A1 pour l’expression orale et au niveau A2 pour la compréhension orale, par rapport aux niveaux A2 pour l’expression orale et B1 pour la compréhension orale actuellement demandés.

Finalement, la Chambre de Commerce s’interroge si la condition de la participation du candidat à la naturalisation à un cours intitulé « Vivre ensemble au Grand-Duché de Luxembourg », dont la durée sera fortement rallongée par le projet de loi – la formation exigée passe d’une durée de 6 heures actuellement à 24 heures – ne risque pas de freiner l’effet recherché, et donc de dissuader certains candidats à la naturalisation. Elle propose dans ce contexte de réfléchir à de nouveaux canaux de formation (formations à distance, modules e-learning, Massive Online Open Course…) afin de diminuer autant que possible les désagréments engendrés par l’allongement de la durée des cours.

La réintroduction de la procédure simplifiée de l’option que la réforme de 2008 avait supprimée est saluée par la Chambre de Commerce.

Résorber le déficit démocratique dans la représentation politique en imaginant de nouvelles formes de participation citoyenne

D’une manière générale, la Chambre de Commerce soutient l’objectif du projet de loi de renforcer la représentativité de l’électorat national en permettant à un plus grand nombre de résidents étrangers d’obtenir la nationalité luxembourgeoise et, par voie de conséquence, le droit de vote aux élections nationales. Elle estime cependant qu’il conviendra de mettre ces nouveaux électeurs en mesure d’exercer leurs nouveaux droits dans les meilleures conditions possibles. Tenant compte de la réalité linguistique du pays, il faudra ainsi veiller à renforcer l’utilisation des langues française et allemande dans la vie politique nationale et dans les médias, notamment lors des campagnes électorales. Il serait en effet contradictoire de vouloir permettre au plus grand nombre de résidents étrangers d’obtenir la nationalité luxembourgeoise, et donc le droit de vote, tout en privant en pratique ces personnes de la possibilité d’exercer correctement ce droit par l’usage dominant de la langue luxembourgeoise lors des campagnes électorales.

La Chambre de Commerce plaide finalement en faveur d’une prise en compte accrue du phénomène frontalier dans la vie démocratique nationale, étant donné que l’emploi frontalier représente aujourd’hui 45% de l’emploi salarié intérieur total. Dans la mesure où les près de 200.000 travailleurs frontaliers font aujourd’hui partie intégrante de la vie socio-économique luxembourgeoise, la Chambre de Commerce invite à réfléchir à la mise en place de formes de participation citoyenne novatrices, comme par exemple l’instauration d’un conseil national pour les frontaliers ou la mise en place régulière de consultations sur les thèmes les concernant directement.

Source : la Chambre de Commerce