Les faits :

Le salarié X s’est fait licencier pour faute grave après 30 années de service. Par jugement rendu en date du 1er juillet 2013 par le Tribunal du travail, l’employeur Y a été autorisé à prouver par l’audition de témoins que le salarié X avait eu un comportement témoignant d’indiscipline et de refus d’obéissance à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques, de même que d’un manque de respect caractérisé et d’une impolitesse de nature à justifier son renvoi immédiat.

Suite aux témoignages, le licenciement avec effet immédiat de X a été déclaré justifié par décision du 11 novembre 2013.

Monsieur X refuse la décision et demande des indemnités

X a interjeté appel. Il demande à la Cour de déclarer le licenciement abusif, de le décharger de la condamnation au remboursement des indemnités de chômage touchées par provision et de condamner son ancien employeur à lui payer un montant total de 24.504,90 euros à titre d’indemnité compensatoire de préavis (13.878,68 euros), d’indemnité de départ (4.626,22 euros) et de dommages-intérêts pour préjudice matériel (3.500 euros) et moral (2.500 euros). Il sollicite en outre une indemnité de procédure de 1.750 euros pour chacune des deux instances.

Monsieur X mettait trop de temps à monter des pneus

La décision de la Cour d’appel La Cour constate que selon le témoin B, supérieur hiérarchique du salarié X, en fin de matinée du 9 octobre 2012, X mettait trop de temps à monter des pneus sur le véhicule d’un client. Le témoin B lui aurait alors fait l’observation qu’au lieu de discuter avec ce client, il devrait donner un coup de main à un collègue de travail. Sur ce, X lui aurait répondu devant les clients et les autres ouvriers de l’entreprise : « Nerv mëch nët mat dëngem Schaïss a wanns de Krich wëlls, da kriss du ës ». Sans insister autrement B aurait téléphoné au directeur de l’entreprise, C, pour lui faire part de ce qui s’était passé.

Le directeur n’a rien à lui dire, il n’est qu’un petit chef

Le directeur se serait présenté en fin d’après-midi et aurait demandé des explications à X. Le directeur C a déposé que lorsqu’il s’était adressé à X, ce dernier avait répliqué, sur un ton agressif et menaçant, que c’était lui qui décidait tout seul du planning et que le directeur n’avait rien à lui dire, qu’il n’était qu’un petit chef.

30 années de service quasi irréprochables

Il résulte des éléments du dossier et plus particulièrement des fiches de salaire du salarié X, qu’à l’exception d’un intervalle de trois semaines au cours du mois de septembre 2001, X était au service de son employeur durant une période de trente ans. Dans la lettre de licenciement, l’employeur ne lui a reproché aucun autre manquement que celui qui a eu lieu en date du 9 octobre 2012. Les remarques, certes déplacées de X, si elles ont été adressées à deux personnes différentes et à des moments espacés de quelques heures, ont trait à un seul et même point de discorde et s’expliquent par un agacement momentané de l’intéressé.

La cour donne raison à l’employé

Au vu de cet état des choses, la Cour retient que le comportement de X n’était pas suffisamment grave pour compromettre immédiatement et irrémédiablement le maintien des relations de travail, de sorte que le licenciement est, par réformation du jugement de première instance, à déclarer abusif. Le salarié X ayant eu une ancienneté de service continue supérieure à dix ans, c’est à bon droit qu’il demande une indemnité compensatoire de préavis de six mois et une indemnité de départ de deux mois.

A 46 ans, il doit faire un stage de réinsertion

Ce dernier âgé de 46 ans au moment du licenciement, n’avait aucune formation spécifique et a dû suivre un stage de réinsertion en vue d’augmenter ses chances d’être embauché par un autre patron.

De combien a-t-il été indemnisé ?

La Cour déduit de ces éléments que c’est par suite du licenciement dont il a fait l’objet qu’il n’avait pas trouvé de nouvel emploi jusqu’au 12 mars 2014, date limite du versement des indemnités de chômage, de sorte qu’il peut prétendre à la réparation du dommage matériel qu’il a subi durant toute cette période. S’il avait continué à travailler auprès de son employeur il aurait gagné un salaire brut total de 34.771,27 euros. De ce montant, il y a lieu de déduire l’indemnité compensatoire de préavis de 13.878,68 euros et les indemnités de chômage de 29.018,64 euros, soit un total de 42.897,32 euros. Un manque à gagner n’existe dès lors pas. Eu égard à la durée des relations de travail ayant existé entre parties et à la situation pénible dans laquelle X a été plongé, la Cour fixe au montant réclamé de 2.500 euros le préjudice moral causé par son licenciement abusif. Le salarié X peut dès lors prétendre à un total de 13.878,68 euros comme indemnité compensatoire de préavis, 4.626,22 euros comme indemnité de départ et 2.500 euros pour dédommagement du préjudice moral suite au licenciement abusif, soit la somme totale de 21.004,90.- euros. Sur cette somme les intérêts au taux légal sont à allouer à partir du jour de la demande en justice, soit le 4 janvier 2013.

Une partie des frais de justice remboursée

Le salarié X ayant dû agir en justice pour avoir satisfaction, il serait inéquitable de laisser à sa charge l’intégralité des sommes non comprises dans les dépens qu’il a dû exposer tant en première instance qu’en instance d’appel. La Cour fixe au montant de 1.750 euros la somme à lui allouer sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile pour chacune des deux instances.

N.B. La présente publication constitue un résumé d’un certain nombre de décisions de justice qui, d’un point de vue formel, ont été simplifiées et vulgarisées de sorte qu’en cas de divergences d’interprétation, seul le texte original fait foi.

Arrêt de la Cour d’Appel du 14 mars 2016, n°40757 du rôle

Source : Chambre des salariés du Luxembourg / Licenciement avec effet immédiat pour comportement déplacé et manque de respect après 30 ans de travail : licenciement abusif.