Éviter qu’un salarié démissionnaire ou licencié puisse faire bénéficier un concurrent direct de connaissances techniques particulières et du savoir-faire acquis dans le cadre de son précédent emploi est primordial pour tout employeur.

La clause de non-concurrence prévue par le Code du travail ne permet pas une telle protection des intérêts de l’employeur, alors que la loi limite, sous conditions strictes, l’interdiction de concurrence pouvant être imposée au salarié uniquement à l’exploitation par celui-ci d’une entreprise personnelle. Par ailleurs, le Code du travail limite également l’étendue du champ géographique de la clause au territoire du Grand-Duché de Luxembourg ou encore impose que le salarié perçoive un certain niveau de rémunération annuel au moment de son départ de l’entreprise, niveau en dessous duquel une clause de non-concurrence ne serait pas applicable.

Lié par une clause de non-concurrence conforme au Code du travail, un salarié pourrait donc aisément la contourner en constituant une société concurrente ou en concluant un contrat de travail avec un concurrent direct. Il va sans dire que cette situation n’est guère satisfaisante pour l’employeur, qui est dans l’impossibilité de protéger convenablement ses intérêts.

Souhaitant certainement rétablir la balance des intérêts en cause, la Cour d’appel a récemment validé, dans un arrêt du 13 novembre 2014 (n° 39706), un nouveau genre de « clause de non- concurrence » qui dépassait très largement les limites légales, en prévoyant notamment que le salarié s’interdirait, après la fin de la relation de travail, d’entrer au service d’une entreprise concurrente ou de postuler auprès d’une entreprise concurrente.

Après avoir constaté que la nature d’une telle clause était différente de celle de la clause de non-concurrence prévue par le Code du travail (la première ayant trait à l’interdiction de travailler en tant que salarié auprès d’un concurrent, alors que la seconde concerne l’interdiction d’exploiter une entreprise personnelle), la Cour en a conclu que la clause litigieuse n’était pas soumise aux règles strictes de l’article L.125-8 du Code du travail régissant la clause de non-concurrence et était de ce fait valable.

Dans ce cadre, la Cour a précisé les conditions de validité de ce nouveau genre de « clause de non-concurrence » qui doit, de manière générale, respecter un équilibre entre, d’une part, la protection des intérêts de l’employeur et, d’autre part, la liberté de travail devant être garantie au salarié.

Ainsi, pour être valable, une telle « clause de non-concurrence » doit tout d’abord être proportionnée, c’est-à-dire que tout en imposant des restrictions au salarié, elle doit toutefois lui permettre de retrouver un emploi (chez un non-concurrent, par exemple) et être justifiée par rapport au but recherché, c’est-à-dire être légitime par rapport au poste de travail ou aux responsabilités du salarié concerné.

Il est évident, et le terme même de clause de non-concurrence le présuppose, que les employeurs auprès desquels le salarié s’interdirait de travailler sont ceux qui exercent une activité de même nature ou de nature semblable à celle exercée par l’ancien employeur. Il va en effet sans dire qu’une interdiction de concurrence visant tout type d’employeur, peu importe la nature de son activité professionnelle, serait manifestement excessive. Pour définir quelles activités sont de même nature ou semblables à celle de l’employeur, il convient de s’intéresser à l’activité réellement exercée par l’employeur.

Pour être valable, une telle « clause de non-concurrence » devrait donc :

→ être limitée dans le temps : dans les faits de l’objet de l’arrêt, la clause de non- concurrence était applicable pendant une durée de 12 mois après la fin de la relation de travail. Il s’agit d’une durée usuelle (à l’instar de celle prévue par la loi), bien que celle-ci pourrait être adaptée à la hausse ou à la baisse en fonction des particularités de chaque cas et de la situation de chaque salarié ;

être limitée dans l’espace : contrairement à la clause de non-concurrence prévue dans le Code du travail, la Cour a admis que cette nouvelle « clause de non-concurrence » puisse s’étendre au- delà des frontières luxembourgeoises si l’activité de l’entreprise le requiert, de telle sorte que la Cour a admis un espace géographique incluant le Luxembourg, l’Alsace et la Lorraine. En fonction des activités de l’employeur, il serait certaine- ment concevable d’étendre davantage le champ d’application géographique de la clause, à condition que ce soit justifié et que les zones géographiques soient précisément identifiées ;

prévoir une contrepartie financière : dans l’affaire en cause, la contrepar- tie financière s’élevait à 25 % de la rémunération du salarié. Le montant de cette contrepartie financière est également sujette à variation en fonction du salaire initial, du poste de travail ou encore des responsabilités du salarié. La contrepartie financière ne devra toutefois pas être dérisoire, sous peine, probablement, que les juges considèrent en présence d’un montant très faible que ceci équivaut à une absence de contrepartie financière et déclarent ainsi la clause nulle.

Cette décision de la Cour d’appel, bien qu’isolée (pour le moment), constitue sans aucun doute une avancée considérable et permettra aux employeurs de protéger davantage leurs intérêts, bien que les juges conservent, en cas de contestation du salarié, le pouvoir soit de rendre une telle clause inopposable au salarié si elle n’était ni proportionnée, ni justifiée, soit, en cas de clause excessive, d’en limiter l’étendue en ce qui concerne la durée ou la zone géographique prévue.

Me Gabrielle Eynard
Senior Associate

Me Maurice Macchi
Associate

Allen & Overy

 

(Article publié dans le numéro 70 d’Entreprises Magazine, mars/avril 2015.)

Vous pouvez commander des exemplaires de cette édition à la rédaction d’Entreprises magazine, en téléphonant au (352) 40 84 69, par Fax : (352) 48 20 78 ou par courriel : [email protected].
Site web : www.entreprisesmagazine.com, 4 euros le magazine + les frais de port.