Le chef d’entreprise, étant seul responsable des risques assumés, bénéficie par suite corrélativement du pouvoir de créer, de modifier ou de fermer l’entreprise.

Il décide seul de la politique économique de l’entreprise, de son organisation interne et des modalités techniques de son fonctionnement qu’il peut à tout moment aménager à son gré.

Le juge ne saurait à aucun titre se substituer à lui dans l’appréciation de l’opportunité des mesures prises, quelles que soient les répercussions au regard de l’emploi. Le chef d’entreprise est dès lors admis à opérer les mesures de réorganisation et de restructuration qu’il estime opportunes et à procéder aux licenciements avec préavis fondés sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise qui en sont la suite.

Il se doit cependant de respecter certaines règles quant au licenciement opéré et à ne pas abuser de son pouvoir discrétionnaire de réorganisation. Il doit être constamment guidé par l’intérêt légitime de l’entreprise.

Aux termes de l’article L. 124-5 du Code de Travail « dans un délai d’un mois à compter de la notification du licenciement conformément aux dispositions de l’article L.124-3, le salarié peut, par lettre recommandée, demander à l’employeur les motifs du licenciement.

L’employeur est tenu d’énoncer avec précision par lettre recommandée, au plus tard un mois après la notification de la lettre recommandée, le  ou les motifs liés à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service qui doivent être réels et sérieux ».

La loi exige donc de l’employeur qu’il décrive avec précision les motifs économiques qui servent de base à sa décision de licencier. Le défaut de précision équivaut à une absence de motivation et constitue un licenciement abusif. La précision des motifs doit mettre les juges dans la possibilité de pouvoir contrôler le caractère réel et sérieux des motifs invoqués.

Par exemple, il a été retenu que constituait un motif non précis le fait de se borner à faire état d’« un manque de commandes en raison du fait que l’entreprise n’avait pas obtenu l’attribution d’un marché important » sans autre indication plus pertinente. A plus forte raison et à notre sens, une lettre d’énonciation de motifs qui se contenterait d’indiquer « licenciement pour causes économiques » ne remplit pas non plus les conditions de précision exigées par la loi.

L’employeur, selon une jurisprudence dominante, n’a pas à justifier le choix de la personne licenciée parmi celles qui occupent un emploi de même nature, dès lors que ce choix est discrétionnaire et qu’il n’appartient pas à la juridiction du travail d’en apprécier l’opportunité.
Il semble cependant qu’il doive préciser pourquoi tel poste est supprimé plutôt que tel autre et en quoi la suppression de ce poste défini permettra à l’entreprise de dégager de meilleurs rendements.

Cette précision se fonde sur le poste et non sur la personne du salarié.

Il a cependant été retenu que la simple référence à un plan social dans l’entreprise dans la communication des motifs revêtait l’exigence de précision. On notera que la jurisprudence est assez fluctuante à ce sujet et que rien ne remplacera l’avis mesuré d’un avocat pour juger opportun l’engagement de poursuites pour imprécision des motifs fournis.

En bref, les pouvoirs de décision de l’employeur quant à l’organisation ou la réorganisation de l’entreprise, quant au choix discrétionnaire dans le licenciement, ne souffrent exception que lorsque le congédiement est sans lien avec la réorganisation et ne constitue qu’un prétexte ou est exercé avec une légèreté blâmable.

Le licenciement n’est abusif que si la motivation donnée à ce licenciement par l’employeur ne correspond pas à la réalité ou si le licenciement au moment ou il est intervenu, a constitué un acte économique ou socialement anormal.

Enfin, précisons que s’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité et du sérieux des motifs économiques, celle du caractère fallacieux du motif appartient au salarié. Autrement dit, le salarié licencié doit établir que son congédiement est sans lien avec la mesure incriminée et ne constitue pour l’employeur qu’un prétexte pour se défaire de son salarié. Cette preuve reste difficile à apporter.

Maître David GIABBANI
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
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