Bien que la décision émane d’une juridiction française, elle ne manquera pas de constituer une source certaine d’inspiration chez les juristes et chefs d’entreprise méfiants alors que l’utilisation du net sur le lieu de travail combinée à l’utilisation des réseaux sociaux va grandissante.

Les faits de l’affaire

Deux salariés d’une société d’ingénierie et de conseil en technologie ont été licenciés en décembre 2008 et janvier 2009 pour avoir dénigré leur direction sur les « murs » de leurs fiches personnelles sur le réseau Facebook.

Les salariés, chose peu commune, appelaient à « se foutre de la gueule » de leur supérieur hiérarchique et à « lui rendre » la vie impossible.

La directrice des ressources humaines de la société, informée des échanges bien intentionnés par un « ami » Facebook qui vous veut du bien, ne manqua pas d’alerter à son tour les plus hautes instances pour lancer les lettres de renvoi avec effet immédiat, dont le contenu prenait comme principal motif une incitation à la rébellion.

La décision proprement dite

S’agissant des arguments respectifs des parties, les salariés ont argué du caractère privé de cet espace de diffusion qu’est le mur Facebook alors que leur fiche était paramétrée pour que le contenu ne soit visible que de leurs « amis ».

L’employeur de son côté estimait que le licenciement pour faute grave avait violé le droit au respect de la vie privée des salariés car « l’usage de Facebook permet d’avoir accès à des informations sur la vie privée lue par des personnes auxquelles elles ne sont pas destinées ».

Le conseil de prud’hommes a fait droit à ce dernier argument et a jugé que  « Ce mode d’accès à Facebook dépasse la sphère privée et qu’ainsi la production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés constitue un moyen de preuve licite du caractère bien-fondé du licenciement ».

« En participant à des propos échangés sur Facebook, propos dénigrants envers son employeur et incitant à la rébellion contre sa hiérarchie, une salariée abuse de son droit d’expression et nuit à l’image de sa société en raison des fonctions qu’elle exerce en sa qualité de chargée de recrutement. En conséquence, son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et est constitutif d’une faute grave ».

Discussion

Le conseil aura relevé à juste titre que les paramètres de confidentialité n’étaient pas à leur maximum. On peut dès lors imaginer que dans cette hypothèse de prudence, un basculement vers la correspondance privée aurait eu lieu et le droit au respect de la vie privée aurait été retenu.

Selon la Cour de cassation française, « Le principe selon lequel le respect dû à la vie privée du salarié, plus particulièrement celui du respect de la correspondance privée, doit primer sur les considérations disciplinaires de l’employeur, et ce, quand bien même cette correspondance aurait provoqué un trouble dans l’entreprise et porté atteinte à son image de marque » (C.Cass. 18 mai 2007).

Quoiqu’il en soit, ce qu’il faut garder à l’esprit c’est que les réseaux sociaux sont avant tout des moyens de communication publics et que leur utilisation n’est jamais totalement vouée à un but purement privé. La finalité de ces réseaux est avant tout d’être et parfois de paraître sur la toile. Un village interactif en somme, qui peut être bien vite rattrapé par la réalité. En cela, la décision du Conseil paraît évidente.

Notons enfin et à titre de précision que ces échanges ont eu lieu au domicile respectif des salariés et en dehors du temps de travail. On ne saura que recommander aux salariés à redoubler de vigilance, même pendant leurs loisirs.

Maître David GIABBANI
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
[email protected]
www.maitregiabbani.com