Le contrat de compte en banque

A titre liminaire, il est intéressant de relever qu’au Luxembourg, contrairement à la France ou à la Belgique (cf article L-312-1 du Code monétaire et financier français et la loi belge relative au service bancaire), le banquier peut refuser de manière discrétionnaire d’établir une relation d’affaire avec un client. Le consommateur ne peut donc pas invoquer le droit au compte* tel qu’il existe en France, par exemple.
*(Droit au compte : toute personne à droit à l’ouverture d’un compte bancaire quitte à saisir la Banque de France afin que cette dernière désigne d’office dans un délai d’un jour un établissement qui devra s’exécuter).
 

  • Il s’agit d’un contrat formel :

La banque à l’obligation d’identifier le client, puis de définir et cibler son profil, ceci au regard des risques de blanchiment d’argent mais aussi dans la perspective des prochaines prestations à fournir.

La circulaire CSSF 05/211 impose donc un formalisme particulier puisque le client doit remplir et signer des formulaires préétablis par la banque. En retour, le consommateur doit recevoir son numéro IBAN associé du code BIC.

  • La non-ingérence du banquier dans la gestion du compte est assortie d’une obligation de vigilance:

Il ne faut pas perdre de vue que la jurisprudence luxembourgeoise est constante sur ce point; le banquier n’est pas censé se substituer à son client dans la conduite de ses affaires, notamment lorsqu’il accomplit des actes inopportuns ou dangereux pour son capital (Cour d’appel de Luxembourg 2 juin 1999). Alors que la France marque une limite sérieuse à ce principe en imposant une obligation de mise en garde au profit de l’emprunteur profane (Cass. ch. mixte 29 juin 2009).

Au Luxembourg ce précepte n’est pas absolu, puisqu’il est modestement pondéré par l’obligation de vigilance du banquier. Ce dernier doit s’astreindre à une obligation générale de surveillance afin de déceler les anomalies évidentes et apparentes. Le principe de non-ingérence ne doit donc pas permettre de couvrir des agissements suspects et frauduleux. Le banquier engage ici sa responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers sur la simple existence d’un défaut de prudence de sa part (Tribunal d’arrondissement de Luxembourg 19 janvier 1984).

  • Le devoir d’information et de conseil du banquier à l’endroit du consommateur :

Ici le consommateur n’est pas déresponsabilisé. Même si le banquier est tenu d’une obligation d’information et de conseil en sa qualité de professionnel, le client se doit de se renseigner avant de faire appel à un service de crédit, de demander l’exécution d’un ordre boursier etc.

A ce stade, il est utile de préciser qu’en cas de litige porté devant un juge, c’est à la banque de prouver qu’elle a rempli cette obligation.

En outre, le devoir d’information du banquier est intimement lié aux données figurants sur la fiche de renseignement qui a été établie lors du premier contact. L’intensité plus ou moins étendue de cette obligation est fonction des compétences du client.

Gare à celui qui surestimerait ses connaissances en matière d’investissement, car une fois renseigné, le banquier ne sera plus tenu à une obligation d’information et de conseil renforcés. Ce qui rendra très difficile la possibilité d’engager la responsabilité du professionnel en cas de mauvaise gestion d’un compte ou d’un portefeuille…
 
Les conditions générales qui se trouvent annexées au contrat de compte en banque ne doivent pas être négligées.

Les difficultés liées aux conditions générales des opérations bancaires (CGO)

La pierre angulaire des relations bancaires se trouve dans les conditions générales. Elles ont pour rôle d’encadrer la relation bancaire, de présenter les principaux services et d’informer le client. Il s’agit ici d’un contrat d’adhésion dont les clauses ne sont en principe pas négociables.

  • Acceptation des conditions générales :

Avant l’apparition de la loi du 5 juillet 2004 sur le commerce électronique, l’article 1135-1 al.2 du Code civil prévoyait une acceptation spéciale et écrite des clauses générales susceptibles de créer un  déséquilibre des droits et obligations du consommateur par rapport au banquier. L’acceptation spéciale s’entend ici par la signature de la page où figure ladite clause ou même le paraphe de la clause.

Ici la loi n’a pas d’effet rétroactif (Cour d’appel de Luxembourg 5 avril 2000). L’article 1135-1 al. 2 du Code civil est d’application pour tous les contrats signés avant le 20 juillet 2004 (date de publication de la loi du 5 juillet 2004), alors que les conventions signées postérieurement sont régies par la prédite loi.

  • Clause abusive :

L’article premier de la loi modifiée du 25 août 1983 définit la notion de clause abusive par celle qui entraîne « un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur », ce qui laisse une marge d’appréciation considérable au juge. Alors que l’article 2 de cette même loi répertorie 20 types de clauses abusives.

Cette loi prévoit aussi que lorsqu’une clause est rédigée de manière ambigüe elle doit systématiquement être interprétée au bénéfice exclusif du consommateur (article 1-2 de la prédite loi).

  • Clause modifiant les CGO :

Le banquier ne peut pas se réserver le droit de modifier à tout moment les conditions générales. Seuls des changements législatifs, réglementaires ou encore des conditions des marchés financiers peuvent motiver une modification des CGO.

En principe seul le changement des conditions des marchés financiers doit être notifié au client. Si ce dernier ne conteste pas en temps utile (30 jours), il sera réputé avoir accepté cette modification.

  • Clause modifiant le taux d’intérêt :

Seul un changement législatif ou réglementaire est considéré comme étant une raison valable pour justifier la modification d’un taux d’intérêt, de commissions et de rémunérations prévu dans un contrat.

  • Clause relative à la résiliation des relations d’affaires :

Un contrat à durée indéterminée ne peut pas être dénoncé unilatéralement, c’est-à-dire avec effet immédiat et sans motif. Ce genre de clause restera licite dans la mesure où elle préserve l’équilibre contractuel.

  • Clause pénale :

Il s’agit d’une clause qui évalue forfaitairement et à l’avance une indemnité conventionnelle due à la suite d’une inexécution d’une obligation du contrat. Peu importe le préjudice réel du créancier cette indemnité forfaitaire sera due au premier manquement du débiteur.

Le bénéficiaire de cette clause restera le banquier. Le juge ne peut que constater son application (si elle a été régulièrement acceptée par le consommateur) tout en vérifiant son caractère proportionné. Si le montant forfaitaire paraît excessif, le juge pourra dans ce cas le réduire.

  • Clause d’unicité de comptes et de compensation :

Il est possible de convenir avec son banquier que les différents comptes forment les éléments d’un seul et unique compte (courant).

Maître Saliha DEKHAR
Avocat au Barreau de Luxembourg