Chaque parent en prend pleinement conscience au moment où il traverse ces instants : l’arrivée d’un enfant est un bouleversement indescriptible dans une vie, tant sur le plan privé que professionnel.

Ces vastes chambardements, Alison les vivait déjà en 2017 quand, maman de son premier petit garçon alors âgé de 2 ans, elle décroche un poste de préparatrice de commandes dans une entreprise d’e-commerce au Luxembourg. Une opportunité qui tombait à pic pour la jeune mère qui élevait alors son enfant en solo.

« On n’aide pas les femmes à travailler »

Dès son entrée dans la société, c’est la douche froide : embauchée sous le statut d’intérimaire, la jeune femme se voit attribuer des horaires de travail difficilement compatibles avec les impondérables rythmant le quotidien d’une jeune maman. Pourtant, cette dernière assure avoir bien exprimé lors de son entretien son souhait de pouvoir effectuer des horaires en journée, jouant la carte de la transparence sur sa situation personnelle.

A lire : Le Luxembourg à la pointe de l’égalité salariale Hommes/Femmes ?

« Pendant un moment, j’étais dans un service où je devais commencer à travailler à 7h le matin. Seulement je n’avais aucune solution de garde pour cette heure-là et, étant en intérim, mon budget serré ne me permettait pas de faire appel à une nourrice. Ma seule solution était d’arriver 1h30 plus tard au travail, soit 8h30, afin de pouvoir garder mon fils à la maison avant de le déposer à l’accueil périscolaire. »

Cependant, devoir commencer sa journée 90 minutes après l’horaire habituel suppose par ricochet de se voir amputer d’une partie de sa paye journalière. Un sacrifice auquel Alison a dû se résoudre, malgré des difficultés manifestes à joindre les deux bouts, faute de se voir proposer des solutions ou alternatives.

« Dans l’entreprise, absolument rien n’était prévu pour les jeunes parents, encore moins pour les parents célibataires qui, comme moi, élevait seul leur enfant. Aucun aménagement d’horaires possibles, pas de crèche ni de mutuelle, aucune souplesse dans le management permettant de faciliter les solutions de garde, on n’aide vraiment pas les femmes à travailler. »

Une évolution obtenue aux forceps

Après pratiquement trois années de labeur en intérim, c’est par l’entremise de sa cheffe d’équipe d’alors qu’Alison parvient enfin à décrocher son premier CDI, soulagée, certes, mais surtout amère devant les efforts qu’elle a dû déployer pour obtenir cette « sécurité » de son emploi.

« Pendant mes deux premières années d’intérim, j’étais sous payée eu égard à mon BTS en logistique avec lequel j’aurais normalement pu prétendre à un meilleur salaire. À la place de ça, j’avais l’impression d’être comme un joker qu’on utilisait en fonction des besoins. »

Aussi, lorsque sa hiérarchie accepte enfin la contractualisation, la jeune trentenaire espère que celle-ci s’accompagnera d’un nouvel emploi du temps, avec des horaires plus adéquats pour gérer sa vie de maman. Il n’en fut rien. « Aujourd’hui, mes horaires ont effectivement changé, mais je travaille toujours en décalé : je finis à 22 h 45 et ne peux être chez moi qu’à 23 h 15, ceci m’empêchant d’être là pour coucher mes enfants ».

Actuellement, Alison ne peut compter que sur son nouveau compagnon (avec qui elle a eu un deuxième enfant et de qui elle en attend un troisième pour le printemps prochain). « Heureusement qu’il est présent, sans ça je ne sais pas comment je ferai », soupire la frontalière, lassée de demander en vain des horaires de travail en journée.

À l’aune de sa situation, Alison se donne l’année 2023 pour réfléchir à son avenir : « Si rien ne change dans les prochains mois, j’envisagerai de partir, en veillant cette fois à ce que la prochaine entreprise soit plus vigilante à la condition des parents de jeunes enfants. Nous sommes un peu trop assimilés à des numéros dans le e-commerce. Après cinq ans dans cette société, je regrette de l’avoir vu progressivement se déshumaniser. »

N.B. Si vous souhaitez  partager votre expérience, et faire partie de nos portraits, contactez-nous par mail contact@lesfrontaliers.lu

Retrouvez-nous sur Instagram :