C’en est trop pour lui. Lorsqu’il valide son Master comptable en alternance, son employeur luxembourgeois lui prépare un CDI. Une aubaine pour un néo-arrivant sur le marché de l’emploi. Sa réponse ? Un non catégorique. “J’en avais plein le c**.

Deux ans durant, à raison de trois jours par semaine, grandes vacances comprises, Charles officie dans une banque à Luxembourg. Le reste de la semaine, il suit sa formation dans un établissement mosellan.

Résident d’une petite bourgade française éloignée des grands axes, il prend son véhicule jusqu’à l’arrêt de bus transfrontalier. 1H30 de trajet en moyenne, matin et soir. Éprouvant. D’autant qu’au sein de l’entreprise, il ne se sent pas à sa place. “J’étais entouré de personnes qui ne pensaient qu’au fric. Je ne pouvais pas me faire d’amis.” Désabusé, il se souvient pourtant “son ambition de l’époque“. Les yeux tournés vers le Grand-Duché, il y “met un premier pied“, marchant ainsi dans les pas de sa mère qui l’a tôt familiarisé avec les avantages de la situation, pension-retraite en tête.

Partir pour mieux revenir.

Son diplôme en poche, il dégote un poste côté hexagonal avec des émoluments corrects, dont il se lasse vite. Il songe dès lors à enseigner mais échoue au concours de l’agrégation. Sur les conseils de sa petite amie de l’époque, également frontalière, il répond à une offre d’une société opérant dans le secteur de la santé. “J’avais candidaté en français pour une offre rédigé en anglais, sourit l’intéressé. Au début, c’était assez problématique.

Peu à l’aise avec la langue de Shakespeare, le revenant se voit rapidement contraint d’y remédier, une grande partie de ses interlocuteurs se révélant anglophones. “Maintenant ça va beaucoup mieux.” Au 4/5ème, avec un salaire avoisinant les 2500 euros nets, il évolue dans un univers qui lui sied davantage que sa première expérience. Qui plus est, “pour être aussi bien payé en France, il faudrait que j’occupe un poste à hauteur de mon diplôme.” 

Le verre à moitié plein

Pour celui qui a connu les deux marchés, le comparatif franco-luxembourgeois lui permet désormais de voir le verre à moitié plein. À plusieurs niveaux. Celui de la reconnaissance d’abord. “Je trouve qu’au Luxembourg, dès lors qu’on présente un diplôme, en l’occurrence pour moi c’est un Bac +5, l’employeur part du principe qu’on est une tête bien faite et qu’on a des capacités, pointe-t-il. “Je pourrais postuler à un poste qui n’a rien à voir avec mes compétences en ayant mes chances. En France, on s’enferme trop dans la nature du diplôme.

L’aspect humain ensuite. “Au départ, je croyais que certains collègues locaux ne m’appréciaient pas. Les Luxembourgeois sont très respectueux alors que nous autres Français, on est plus bons vivants, à se taper dans le dos toute la journée. Il y a un petit choc culturel au premier abord mais on s’y fait sans problème.”

“En terrasse entre copains”

Même la pilule du transport est plus facile à avaler. “On prend le train tous ensemble avec les collègues, j’ai l’impression d’être en terrasse entre copains!” Bien sûr, “un gros souci par mois avec la SNCF nous oblige à co-voiturer“, mais rien d’insurmontable. D’autant que Charles s’est rapproché de la frontière et loge à côté d’une gare, qu’il rejoint à pied chaque matin, “justement pour éviter de prendre la bagnole“.

Bien installé dans son quotidien, il n’empêche que Charles, vagabond dans l’âme, réserve une place à l’imprévu lorsqu’il évoque son avenir.Je ne suis pas fermé. Je vais là où le vent me mène.” On ne souffle pas contre le vent…