« C’est que du kiff. » En langage « frais » ou « d’jeuns », c’est grosso modo en ces termes qu’elle synthétiserait sa carrière professionnelle au Grand-Duché. Mieux vaut tard que jamais, c’est aussi l’adage qui siérait le mieux à cette quinquagénaire qui a pour la première fois franchi la frontière il y a trois ans.

Sans doute Constance ne s’était-elle jamais imaginée parapher un contrat au Grand-Duché avant que celui-ci ne toque à sa porte. « C’est via l’intermédiaire d’une amie qui m’a conseillé de postuler à une place vacante que j’en suis ici », avoue-t-elle.

Aide à domicile, assurant la garde d’enfants et affairée à l’éducation de sa progéniture, elle hésite d’abord avant de sauter le pas. La candidate fait mouche à l’entretien d’embauche et paraphe son contrat en tant qu’employée administrative dans une boutique de prêt-à-porter féminin. « J’ai un baccalauréat dans le secrétariat et le boulot ne nécessite qu’une comptabilité assez simple. »

 

« Je n’ai pas envie de laisser ça »

La néo-frontalière s’engage alors sur un contrat à mi-temps, même si les horaires sont subordonnés aux impératifs du commerce. « Parfois, je fais plus d’heures quand les livraisons de stocks arrivent, qu’il faut faire les factures etc. Mais je les récupère par la suite.»

Elle n’a d’ailleurs pas de mots assez forts pour qualifier son environnement de travail. « Franchement, c’est que du plaisir. J’adore ce que je fais, il y règne une très bonne ambiance. Je n’ai pas du tout envie de laisser ça. »

« Je parlais le Platt chez mes grands-parents »

A cette atmosphère attachante, elle ne fait pas de secret quant à l’aspect financier, nettement plus avantageux que dans sa France natale. « Mon salaire équivaut plus ou moins à 1.100 euros nets. En France, ce serait moitié moins. »

Et de s’interroger. « Qui ne se satisfait pas de travailler au Luxembourg ? Il faut être réaliste, on y gagne beaucoup mieux sa vie. Même si je sais que les Luxembourgeois n’aiment pas trop quand on dit ça, sourit la Mosellane. Si la situation était inversée, ils feraient la même chose que nous et ils auraient raison. »

La diversité des fournisseurs impose à Constance de manier quelque peu l’anglais, notamment pour ses échanges électroniques. Pour le reste, « je comprends un peu le luxembourgeois car je parlais le Platt chez mes grands-parents. Il y a des similitudes. En allemand, j’ai également quelques notions. » Pas de quoi s’asseoir à une table pour refaire le monde non plus, de son propre aveu.

« J’ai du mal avec les odeurs, de devoir être serrée comme une sardine »

Bien évidemment, pas de mystère non plus, s’il fallait un (gros) point noir, ce serait le transport. Déjà, exit la voiture, hormis quelques exceptions pendant les vacances, pour celle qui « à [son] âge n’a plus l’attention nécessaire dans le trafic » si dense qui mène à Luxembourg-Ville.

Les tarifs élevés des parkings ont achevé de la convaincre. « Quand j’arirve, il n’y a plus de places au P+R Bouillon. Payer le parking au prix où je suis rémunérée la journée n’a pas de sens… »  

Le train ? « Je crois qu’on n’aime pas que je monte à bord, plaisante l’intéressée. Je l’ai pris trois fois depuis le début, à chaque fois, j’ai eu un souci. On est serré comme des sardines, les odeurs ne sont pas toujours agréables et il n’y a jamais de places assises. Le matin quand je suis fraîche, je m’en fiche d’être debout. Le soir, avec la fatigue c’est différent. »

Et puis, cela n’a eu qu’une incidence négative sur sa ponctualité. « J’ai été une fois obligée de prendre le train pour ouvrir le magasin. Je suis partie plus tôt mais pas de chance, un problème est survenu et je suis arrivée en retard. »

« On ne m’a pas forcé ! »

Alors, Constance prend sa voiture pour rejoindre un arrêt de bus. « Franchement, j’aime bien le bus. On se laisse porter, on est assis, on peut se reposer. Et s’il y a des bouchons, ce n’est pas moi qui suis au volant. »

En général, elle compte un peu moins de 3h de transport aller-retour entre son domicile et le lieu de travail. « Au final, même si je fais moins d’heures, je suis quand même partie toute la journée avec les ralentissements etc. Mais bon, il faut aussi savoir ce que l’on veut. On ne m’a pas forcé ! »

« Ma retraite ? Je n’y pense même pas »

Avec son mari, lui aussi frontaliers depuis plusieurs décennies, ils ont déjà regardé pour un appartement sur place ou à la frontière. « Bien trop cher », incomparable avec leur situation actuelle.

Bien dans ses baskets au pays, rien ne ferait revenir Constance dans l’Hexagone, si ce n’est un hypothétique salaire équivalent, « chose impossible. »

Si ses enfants ont bénéficié de bourses « non négligeables » pour poursuivre leurs études, elle avoue ne s’être jamais intéressée à ses droits de retraite. « Je n’y pense d’ailleurs même pas à ma retraite. »

On a l’âge de son cœur n’est-ce pas ?