« Souffrance psychologique » pour les uns, « prise de conscience de l’équilibre entre la vie privée et professionnelle » pour les autres ; le télétravail a amené de nombreux frontaliers à se poser des interrogations sur la place du travail dans leur vie et plus largement sur la « qualité de leur vie ».

Travailler au Luxembourg, oui, mais plus à n’importe quel prix, telle est la motivation de ces nouveaux salariés.

Même si les salaires sont plus élevés au Luxembourg, une grande majorité d’entre eux confirme qu’ils (ou elles) reverront, à la sortie de la crise sanitaire, leurs conditions de travail « jugées bonnes » mais qui peuvent être encore « améliorées ». En cause notamment, les transports qui selon les frontaliers interrogés, sont la source d’ « angoisses et de perte de temps ».

Humainement, le maintien du travail à domicile favorise de « meilleurs échanges entre les collègues parce qu’ils sont moins fréquents ». En revanche, pour certain, l’éloignement met un coup de projecteur sur la notion de « solitude du télétravailleur » et le sentiment « d’être isolé(e) du monde ». Socialement, le partage avec les collègues qui deviennent très souvent des ami(e)s, semble « manquer à de nombreux frontaliers ».

L’ensemble des témoignages recueillis concerne des métiers où le télétravail est possible notamment dans le secteur de la banque, de l’informatique, de la comptabilité, du recrutement. Manager ou pas d’une équipe, ces salariés vivent le télétravail comme une véritable opportunité de changer que l’expérience …soit positive ou négative.

Vérifier… sans contrôler

Catherine, frontalière belge, 47 ans est comptable au Luxembourg depuis 24 ans.
De santé fragile, elle a dû télétravailler à temps plein.

« Je gère une équipe de six personnes à distance et je reconnais que ce n’est pas toujours simple. Afin de remonter l’information à ma direction, je dois régulièrement demander à mes collaborateurs de me faire le point sur les dossiers sans avoir l’air de les contrôler. Le secret du télétravail, c’est une bonne communication entre tous les collaborateurs. Mon entreprise a redoublé d’efforts pour ne mettre aucun salarié à l’écart. Après cette période difficile, une chose est sûre, je retournerai au bureau. J’ai constaté que cette méthode à distance n’est pas faite pour moi. Le télétravail ne me plaît pas ».

Un frontalier en souffrance psychologique

Joseph, frontalier français, 54 ans est agent dans une banque. Il habite en Allemagne depuis 20 ans.

« Je souffre de cette situation parce que je me sens définitivement seul. Avec près de 400 salariés dans la société, nos responsables ne peuvent pas faire attention à tout le monde. Je le comprends.  Même si j’ai quelques années d’expérience professionnelle, j’ai parfois beaucoup de mal à décrocher de mon ordinateur et mes journées sont à rallonge. Tu manges derrière ton portable, tes pauses se font un peu n’importe comment, tu te couches tard avec le sentiment de n’en avoir jamais assez fait. Tu dors près de ton ordinateur, tu te lèves face à l’écran de celui-ci. Je pense que ces 8 mois de télétravail ont détruit ma santé morale et physique. J’ai, à présent, hâte que cette crise sanitaire s’arrête pour reprendre une vie normale ».

Plus difficile de joindre des collaborateurs

Anna, frontalière française, 26 ans est chargée de recrutement depuis mars 2019. C’est sa première expérience en télétravail.

« La réponse à un mail peut passer à 48 heures alors qu’avant le confinement, les collaborateurs répondaient plus rapidement. Ils passent moins de temps sur leur boîte mail pour privilégier le traitement de dossiers de fond qui demandent du calme. Le télétravail permet cette possibilité. C’est un aspect positif, je trouve. Autre cas de figure, les emplois du temps ont été aménagés en fonction de cette période. On travaille plus tôt ou plus tard. Du coup, on peut difficilement se joindre. A la sortie de cette crise sanitaire, mon entreprise ne choisira pas le maintien du télétravail parce qu’on remarque désormais un certain relâchement des équipes. L’autonomie a du bon mais dans ce contexte, elle n’est pas bonne pour la motivation ».

Meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle

Christophe, frontalier français, 44 ans est informaticien dans une institution luxembourgeoise depuis 12 ans.

« C’est ma première expérience en tant que télétravailleur. Celui-ci a été une révélation pour moi et le bilan est positif. Je suis moins stressé parce que je passe beaucoup moins de temps sur la route. J’ai gagné 4 heures de bien-être par jour. Beaucoup de mes confères souffrent de solitude. Moi, je m’en suis fait une amie au quotidien. Dans ce contexte, je me sens plus heureux qu’avant. J’ai profité de cette expérience pour rééquilibrer vie privée et vie professionnelle. Fini, de prendre des jours de congés pour régler un problème d’ordre personnel. Je peux désormais l’intégrer dans ma journée de travail sans perdre de temps. Je suis devenu, avec le temps, un fervent défenseur de cette pratique. Et je vais demander à mon employeur de continuer à télétravailler après l’épidémie ».

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