Depuis le Covid-19 et le développement dans l’urgence du télétravail, mais plus encore depuis la fin de la période de tolérance permettant de télétravailler en illimité, le sujet reste au cœur des préoccupations de bon nombre de frontaliers et continue de cristalliser les tensions.

Après la visite, fin août, du Premier ministre en France, au cours de laquelle Xavier Bettel aurait parlé télétravail avec son homologue française Elisabeth Borne, et après les indiscrétions ayant suivi une rencontre entre des députés mosellans et le cabinet du ministre français de l’Économie Bruno Le Maire quelques semaines plus tard, la réponse parlementaire formulée mardi 11 octobre par Yuriko Backes sonne comme un nouvel épisode dans cette saga à rebondissements.

Où en est-on concrètement ?

Au 1er juillet dernier, le télétravail illimité a pris fin pour les salariés frontaliers, laissant place au quota annuel de jours que le Grand-Duché a négocié avec chacun de ses voisins. En l’occurrence, on compte 19 jours pour les frontaliers allemands, 34 jours pour les Belges (à condition que le Parlement belge vote avant la fin 2022 l’amendement l’autorisant) et 34 jours pour les Français (depuis l’accord trouvé lors de la Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise).

Un nombre limité de jours qui ne satisfait nullement les frontaliers, qui préfèreraient largement avoir la possibilité de travailler depuis leur domicile au minimum une journée par semaine (deux dans l’idéal), sans pour autant se voir ni imposés dans leur pays de résidence, ni contraints d’être rattachés à la sécurité sociale de ce même pays.

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Ce qui pourrait changer

Dans sa réponse parlementaire formulée aux députés Marc Spautz et Gilles Roth, Yuriko Backes (qui répondait aussi au nom de ses collègues du Travail, de l’Emploi et de l’ESS Georges Engel et de la Sécurité sociale Claude Haagen) a apporté une information dont personne n’avait jusque-là connaissance.

Apportant un nouvel éclairage, la ministre des Finances a ainsi confié que « le ministère de la Sécurité sociale (avait) formellement demandé, début août de cette année, l’ouverture de négociations multilatérales avec la Belgique, la France et l’Allemagne pour porter le seuil en matière de télétravail à 41 % (et non 25 % comme fixé au niveau européen et applicable à partir du 1er janvier 2023 au Luxembourg, ndlr), ce qui permettrait aux personnes concernées d’effectuer en moyenne deux jours de télétravail par semaine dans leur pays de résidence sans changement d’affiliation. »

Si le gouvernement ne dévoile cette « invitation à négocier » que maintenant, c’est qu’« à ce stade, le ministère de la Sécurité sociale n’a pas encore reçu une réponse officielle de la part de la France ». Pas plus d’information en revanche concernant un éventuel retour de la Belgique et de l’Allemagne.

L’épineuse question des 25 % pour la sécurité sociale

Derrière cette proposition du Luxembourg, on devine en filigrane la volonté du gouvernement de répondre à l’appel du pied de la France quant à l’assouplissement des règles en matière de télétravail des frontaliers (représentant tout de même 112 500 travailleurs passant la frontière chaque semaine).

Seulement voilà : l’un des principaux points de blocage tient en sept chiffres : « 883/2004 », ou le nom d’un règlement européen qui « définit un seuil à partir duquel la personne exerçant une activité professionnelle dans son pays de résidence doit être affiliée à la sécurité sociale dans ce dernier », comme le rappelle Yuriko Backes. Il s’agit du fameux seuil fixé à 25 % du temps de travail cité plus haut et qui est donc loin de correspondre à deux jours hebdomadaires de télétravail.

Heureusement, des dérogations sont possibles, « régies par des conventions et accords bilatéraux ou multilatéraux ». Mais faut-il encore pour cela que les États en question répondent aux sollicitations du gouvernement luxembourgeois…

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  • À noter qu’en France, l’Assemblée nationale a voté mercredi 12 octobre au soir l’article 3 du projet de loi de finances pour l’année 2023. Celui-ci concerne les frontaliers français télétravaillant plus de 34 jours à l’année (le seuil annuel maximum). Dorénavant, les démarches se voient facilitées puisque l’employeur luxembourgeois n’aura plus qu’à transmettre une déclaration annuelle du nombre de jours télétravaillés par le salarié français ; ce dernier sera ensuite directement prélevé sur son compte bancaire par le fisc français.

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