« Vouloir, c’est susciter des paradoxes », énonçait un grand auteur français. Giordano, il en veut. Tout son parcours universitaire le prédestine à un cursus de physicien. Pourtant, il préfère les mathématiques.

Depuis sa troisième année d’étude à Metz, il donne d’ailleurs des cours particuliers en France et au Luxembourg, en freelance, via la plateforme coursathome.lu. « Encore cette année, j’ai un élève au Luxembourg qui va d’ailleurs passer le Bac. »

Une façon de s’assurer un petit pécule quand il ne touchait encore aucun salaire. « Cela m’a aussi permis de mettre pied au Grand-Duché », désir qu’il nourrit depuis petit. « J’ai toujours habité à côté, je fais toujours mon plein ici parce que c’est moins cher, et mes parents m’ont toujours encouragé à trouver quelque chose ici. »

« C’est dur de revenir en arrière »

Pourtant, il y a deux ans, à l’heure de dénicher un stage de six mois pour valider son master en physique, spécialité optique-photonique, il prospecte en France car une société lui sied particulièrement. « Je n’ai jamais reçu de réponse… »

Aussitôt, il se tourne vers l’autre côté de la frontière. Bingo, il décroche un contrat à l’Institut des Sciences et Technologies du Luxembourg (LIST), en même temps que naît une féroce ambition. « J’étais chez papa-maman, j’ai commencé à avoir envie de gagner de l’argent, quitte à faire quelque chose qui ne me plaisait pas forcément. »

Il empoche alors 950 euros par mois. Son train de vie s’accroît à mesure qu’il économise. Il commence à se faire plaisir et s’achète une belle voiture. Et il y prend goût. « C’est dur de revenir en arrière une fois que vous avez une certaine situation. »

Mille euros de plus qu’un doctorant français

Dès son arrivée, celui qui a soufflé ses 25 bougies cette année, se renseigne pour poursuivre un doctorat au pays. Il rencontre rapidement son superviseur de thèse à l’Université du Luxembourg, avec qui il communique exclusivement en anglais, indispensable dans la communauté scientifique.

Ses interventions, publications et son travail de recherche lui rapporte 2.300 euros avec les chèques repas, largement plus que ce qu’il aurait pu espérer en France. « Un ancien camarade, également en thèse, reçoit 1.300 euros et sans chèques-repas. »

Cet habitant de Manom, un village accolé à Thionville, ne prend pas de pincettes quand il s’agit d’évoquer sa situation. « On veut tous gagner de l’argent. Au Luxembourg, on a cet avantage en plus d’une fiscalité avantageuse. Il est là, je ne suis pas contre. »

« J’ai pris trois amendes de stationnement pour le train »

Un niveau de vie rehaussé certes, mais une contrainte de mobilité qui s’avère problématique. « Je ne me vois pas du tout comme ça pendant dix ans. Quand je me dis que des gens font ça depuis trente ans ou plus, c’est fou. »

Au tout début de son expérience frontalière, fin 2016, il grimpe chaque jour dans son véhicule, jusqu’à ce qu’il ne fasse ses calculs. « L’usure de la voiture, l’essence, ce n’est pas top économiquement parlant. »

Alors, il s’oriente vers le rail. Pas de chance, la collision entre un train CFL et un train de marchandises en février de l’année dernière l’oblige à reprendre sa voiture alors qu’il vient tout juste de payer son abonnement. « Cet accident passé, j’ai pris le train pendant plusieurs mois mais il y avait toujours quelque chose. »

D’autant qu’en se garant dans des ruelles de Hettange, d’où il attend son wagon, il reçoit trois amendes. La goutte de trop. « Maintenant je prends la voiture. J’avais posté plusieurs annonces de co-voiturage mais ça n’a jamais pris. Ce n’est pas du tout ancré dans les mentalités. »

Son poste actuel lui octroie une certaine flexibilité dans ses horaires, qui lui permet d’éviter les embouteillages en heures de pointe. « Mais bon, même en y allant à 10h ou 11h, je me tape du bouchon parfois. A cause des grèves SNCF en ce moment, la situation est pire sur les routes. »

Objectif : entrepreneur au Luxembourg

L’adage initial du papier prend une nouvelle fois son sens à l’énonciation du futur projet de l’intéressé. Pratiquant invétéré de musculation depuis huit ans et passionné par les nutriments et leurs effets, le jeune homme est, en parallèle de ses activités professionnelles, micro-entrepreneur en France.

Très récemment, il s’est astreint à « une cure de désintox de six semaines qui a pour vertu de réguler le métabolisme et de rééquilibrer le corps. »

On ne parle pas ici de cure au sens où il faudrait se sevrer de tel ou tel stupéfiant, mais bien d’un « traitement » nutritionnel naturel. « La conséquence de cette cure est la perte de poids, entre 8 % et 12 % de sa masse corporelle, en six semaines. Bien respectée, elle fonctionne systématiquement. D’autant qu’on adopte des habitudes alimentaires qui ont une incidence positive sur l’organisme. » 

Un rôle de conseil qu’il souhaite élargir au Grand-Duché, avant de voir encore plus grand. « Le besoin est là, tout le monde veut ou connaît quelqu’un qui aimerait améliorer son bien-être. J’ai envie de faire quelque chose qui aide les gens. Dans mon travail actuel, je ne vois pas les résultats directs. » Un site internet émergera d’ici quelques temps.

En attendant, Giordano commande un plat de riz et de légumes. Seule la sauce contient un peu de matière grasse. « Il faudrait manger des légumes en grande quantité chaque jour. Depuis que nous sommes nés, nous sommes en carence. » Lui, ne manque en tout cas pas d’appétit.

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