Rien ne destinait Jérôme à devenir un jour gérant d’une société spécialisée dans le développement de jeux vidéo. Au Luxembourg, il est à la tête d’une filiale d’un groupe suédois qui s’est largement développé dans ce domaine.

Basé à Stockholm, celui-ci est implanté un peu partout dans le monde, et compte des bureaux notamment à Los Angeles, Paris, Barcelone, Bruxelles, et même en Inde.

En avril 2016, celui-ci décide de poursuivre son expansion au Luxembourg. Le pays lui semble parmi les plus avancés en matière de protection de la propriété intellectuelle.

Le Grand-Duché offre en effet l’un des meilleurs cadres réglementaires et fiscaux qui soit, dans ce domaine. On y trouve également de très bons juristes et experts sur ces questions,” précise Jérôme.

Français, la mi-trentaine, originaire de la région d’Amnéville, frontalier depuis une dizaine d’années, il a toujours travaillé au Luxembourg.

Je n’y suis pas venu pour le salaire”

Développeur de formation, il y a immédiatement trouvé un emploi après ses études. “Je n’y suis pas venu pour le salaire, mais bien parce qu’il y avait des projets intéressants pour des profils comme le mien. C’était ça ou aller à Paris,” explicite-t-il.

Au bout de quelques années, lassé de développer des logiciels pour des fiduciaires, des architectes ou encore des sites d’annonces, il envisage de changer de voie, et de s’orienter vers la production de jeux vidéo, une de ses passions de toujours.

Il décide alors de s’inscrire à une game jam, organisée au Technoport d’Esch-sur-Alzette. Regroupés en équipes, les participants doivent créer un jeu vidéo, dans un temps limité, généralement 24, 48 ou 72 heures.

J’avais déjà conçu des logiciels, mais jamais de jeux vidéo. J’étais tenté par ce challenge et cela me paraissait sympa d’essayer,” explique-t-il. Sur place, il fait la connaissance d’un autre passionné, avec qui il s’associe le temps du hackathon.

Quelques mois après, Nintendo lance un concours de programmation de jeux vidéo, ouvert à tout le monde. Il reprend contact avec son partenaire de game jam. Ensemble, ils décident de relever le défi.

Le jeu ne m’a pas rendu millionnaire

Pendant presqu’un an, ils plancheront sur le projet. “Je travaillais sur ce jeu tous les soirs et les week-ends en dehors de mes heures de bureau,” se souvient-il.

Ils soumettent ensuite leur jeu à l’éditeur japonais, qui le commercialise alors : “Le produit a marché gentiment et les ventes ont été correctes pour un premier essai ; mais cela ne m’a pas rendu millionnaire, et n’a pas changé ma vie,” plaisante-t-il.

Pourtant, il sait qu’il a trouvé sa nouvelle voie : “D’une certaine manière, on peut dire que la game jam a changé ma vie,” reconnaît-il.

Il participe donc à d’autres sessions de développement de jeux vidéo, et en réalise de nouveaux pour son propre compte, en attendant de trouver un jour un éditeur implanté au Luxembourg, prêt à l’embaucher.

7 entretiens d’embauche

L’occasion se présente au printemps 2016, avec ce groupe suédois qui recrute des spécialistes locaux, en vue de s’installer au Grand-Duché. Après pas moins de 7 entretiens, il décroche le poste.

Outre la gestion de la filiale, Jérôme écrit de la documentation technique sur des produits maison, dont un moteur de gestion de la 3D utilisé pour les jeux vidéo, que le groupe commercialise dans le monde entier.

Ce dernier a aussi mis au point un casque de réalité virtuelle, avec un champ de vision de 210 degrés, et une définition de 5K, destiné à des professionnels des secteurs automobile, spatial…

Une partie de l’ingénierie est basée à Paris, une autre à Los Angeles, la documentation technique est, elle, rédigée à Luxembourg, et la propriété intellectuelle du casque y est également hébergée,” détaille Jérôme.

Développer la production de jeux vidéo

Quand il ne voyage pas entre Amnéville, Luxembourg, Stockholm, Los Angeles et Paris, il travaille sur un nouveau projet personnel qui lui tient à cœur. L’idée ? Développer la production de jeux vidéo au Luxembourg, qui est quasi inexistante, même si des grands du secteur y sont présents.

Pour réaliser cet objectif, il a récemment mis sur pied une asbl, avec deux autres studios de jeux, afin de promouvoir l’activité. “Ce serait dommage de ne pas essayer au Luxembourg.”.

Ce qui manque au Luxembourg pour faire venir les grands producteurs de jeux : les compétences et les talents, tout d’abord : aucune formation n’existe sur le sujet au Grand-Duché, selon Jérôme.

Tout comme les aides fiscales ou les financements de bourses qui manquent cruellement. Pour autant, il compte bien militer davantage pour la réussite de son projet.

Nous allons continuer à promouvoir la création de jeux vidéo, et à fédérer tous les acteurs présents au Luxembourg.” Fort de son expérience au Grand-Duché et de ce qu’il a pu voir au cours de ses voyages, il entrevoit un fort potentiel de développement dans ce domaine.

Il existe tellement d’exemples concrets de réussite dans les autres pays, que ce serait dommage de ne pas les mettre en œuvre au Luxembourg,” conclut-il.