Celui qui me dit qu’il y travaille parce que c’est sa vie, c’est un menteur.” Sans détour, Maurice l’a aussi été avec son patron quand il lui a posé la question de ses motivations à exercer au Grand-Duché, lors de l’entretien d’embauche. “Ça ne sert à rien de le cacher.” La carotte, c’est le salaire, net d’impôts et bien supérieur à ce qu’il pouvait espérer en France.

Il sait de quoi il parle, Maurice. Trois années durant, alors qu’il possède déjà un bac professionnel énergétique, le jeune homme ajoute une corde à son arc en poursuivant l’équivalent d’un BTS en génie climatique en alternance.

A raison d’une semaine de cours et de trois semaines dans un groupe énergétique français, il a le temps de se faire une idée du marché local.

Comme souvent lorsque la formation et l’expérience est convaincante, la boîte lui dépose un contrat sur la table : un poste fixe rémunéré 1.600 euros nets/mois, une prime de 150 euros pour la semaine mensuelle d’astreinte ainsi qu’un véhicule et un téléphone de fonction. “J’ai directement refusé.”

“Je voulais à tout prix venir ici”

Audacieux ou plutôt ambitieux pour le néo-diplômé de l’époque. “Je voulais à tout prix venir au Luxembourg. J’étais jeune et j’ai tenté l’aventure.”

Un Curriculum Vitae bien fourni, l’allemand en seconde langue maternelle et les dents qui rayent le parquet, le conquérant dépose sa candidature dans les grosses firmes implantées par-delà la frontière.

Rapidement, il trouve de quoi satisfaire sa voracité. Il décroche un poste d’intérimaire dans la pose de matériel de chauffage qu’il occupera sept mois. “A un moment, j’ai demandé à être embauché, conte l’intéressé. L’entreprise a accepté mais je devais attendre plusieurs mois.”

Seulement l’appétit vient en mangeant et un affamé comme Maurice en veut toujours plus dans l’assiette. “J’avais déjà pas mal d’expérience sur les chantiers et je souhaitais m’occuper de la maintenance.”

“Une telle offre n’a pas son pareil en Moselle”

Le plat lui est servi par un employeur, en CDD cette fois. “Je voulais toucher et me perfectionner dans tout. Dire que je suis chauffagiste est très vague puisque le métier touche aux sanitaires, à la climatisation, au chauffage et à la ventilation.” L’intéressé met la main à la pâte une moitié d’année, ce qui ne l’empêche pas de toquer à d’autres portes.

Jusqu’au jour où son actuel patron lui passe un coup de fil. “Vous seriez capable d’assurer la maintenance chauffage ?” La salive au bord des lèvres, Maurice prend le train en marche, le TGV même. “Je gagne 900€ de plus que ce que l’on m’a proposé en France en plus de la voiture, d’une carte essence, du téléphone, d’un bon pour le lavage de mes habits de travail.”

Maurice le certifie, une telle offre n’a pas son pareil dans son département de Moselle voire plus. “Peut-être que dans les grandes villes, cela existe, mais pas dans les environs.”

“On ne se casse pas le dos avec les machines”

Epaulé dans un premier temps par un collègue, Maurice en vient très vite à gérer quatre employés. “Ici, les patrons ont tendance à faire plus confiance”, apprécie le promu. Ce dernier loue par ailleurs les conditions dans lesquelles ils œuvrent.C’est très carré, on dispose d’un super matériel, on ne se casse pas le dos avec les machines.”

Ajouté à cela une ambiance conviviale où les nationalités se confondent. Le bilingue considère toutefois la langue de Goethe comme un atout, surtout pour son âge. “Il y a de plus en plus d’Allemands et, en général, ils sont mieux vus que les Français.”

4h de trajet par jour

Pour tous ces avantages, le frontalier ne rechigne pas à faire de la route, beaucoup de route. Si le planning des travaux détermine le lieu de travail, il est actuellement occupé par un gros œuvre proche de l’Allemagne. Soit plus de 150 km aller et les ralentissements inhérents, plus réguliers sur le chemin du retour, qu’il emprunte les grands axes ou les routes de campagne. “C’est fatigant c’est sûr. Pour l’instant, ma vie se cantonne à mon travail mais c’est temporaire. Je suis quasiment au plus loin, alors si je suis capable de le supporter, ça ira tout seul.”

Le bleu de travail lui sied comme un gant et Maurice ne rendrait son badge pour rien au monde. D’autant plus quand il songe à l’ouverture de ses droits de retraite dans quelques années. “700 euros, vous imaginez ? C’est ce que ma grand-mère a eu droit après avoir travaillé toute sa vie !” Patience est mère de vertu, n’est-ce pas Maurice ?