Employé dans la même banque depuis 18 ans, Robert (45 ans) est agent de transfert. Chaque jour, il gère les ordres d’achats et de ventes des fonds en devises, effectués par les autres établissements financiers et les organismes institutionnels. Si les instructions de transfert sont mal encodées par les clients dans SWIFT, le système de communication interbancaire, elles sont alors rejetées et doivent être saisies manuellement par son équipe.

On essaie d’éduquer les clients

L’une de ses missions consiste donc à rappeler aux clients les bonnes règles d’enregistrement des ordres : “Notre objectif est d’automatiser au maximum ces opérations. On essaie donc d’éduquer les clients pour qu’ils utilisent les bons formats de message et les bons libellés, afin que tout soit exécuté de manière fluide”, précise-t-il.

Comme dans beaucoup de banques, les tâches de Back-Office sont toujours plus automatisées. Y voit-il un risque pour son emploi ? “Je ne me fais pas de soucis. Il faudra toujours quelqu’un pour contrôler la bonne réalisation des opérations, et corriger les erreurs de paiements et de contreparties”.

Il est donc optimiste quant à l’avenir bancaire du Luxembourg. Car le pays reste et restera selon lui un centre d’expertise, avec de nouvelles activités qui se créent, des nouvelles lois qui instaurent des règles de conformité et des processus de contrôle toujours plus complexes. ”Même si le secteur et les métiers financiers changent énormément, je reste confiant, car il y a toujours du positif dans le changement”, estime-t-il.

En attendant le plan social

Une vraie menace existe pour son emploi, pourtant : l’externalisation du Back-Office vers l’Europe de l’Est ou l’Asie du Sud-Est. Ces dernières années, sa banque a en effet mené plusieurs vagues de délocalisation d’activités vers ces régions. Avec dans la foulée des plans sociaux, qui ont abouti au départ forcé de plusieurs dizaines de ses collègues… S’il a été jusqu’à présent épargné, il sait qu’il pourrait être dans la prochaine charrette.

Aussi, il s’y prépare psychologiquement. Quand la banque avait récemment annoncé en interne son énième intention de congédier une partie de son staff, il s’était renseigné auprès des chambres professionnelles, sur les métiers manuels qui manquaient de bras.

J’ai plein d’idées, mais rien n’est fixé. J’envisage une reconversion totale, pas nécessairement au Luxembourg”, prédit ce Belge originaire de Marbehan. “Si je suis licencié, je ne repostulerai plus dans le secteur financier. Quand j’ai commencé ma carrière, c’était vraiment familial. Aujourd’hui, ça ne l’est plus du tout. On est vraiment mis sous pression. Toutefois, je le supporte bien et j’y trouve encore m’on compte. Mais si je devais quitter la banque, je chercherais ailleurs que dans le monde bancaire”.

Retourner en Belgique

Il aspire à retourner travailler en Belgique, où les conditions sont moins stressantes, selon lui, et plus conviviales. Il pourrait ainsi s’épargner les 700 euros qu’il injecte chaque mois dans sa voiture, entre les frais d’essence et de réparation, ou encore les coûts des pneus et d’usure du véhicule.

Il a une passion pour le travail manuel, plus particulièrement pour celui d’électricien ; non pas sur des chantiers, mais plutôt chez des particuliers, un secteur où la demande pour des petits travaux de réparation à domicile est forte.

Aussi, il songe se mettre à son compte : “Être mon propre patron, me sentir utile, et avoir des clients en direct, effectuer un travail manuel plutôt que de bureau et être indépendant avec personne au-dessus de moi”, rêve-t-il.

Pourquoi ne pas sauter le pas ? “Actuellement, tout n’est pas rose : le stress et le volume croissants du travail, l’impression de recommencer chaque matin la même routine, les 12 heures chaque jour passées loin de chez moi”, observe-t-il. “Malgré les côtés négatifs, il y a le salaire confortable (5.000 euros nets), plus les avantages sectoriels. C’est donc le confort dans l’inconfort”, note-t-il.

Je ne quitterai pas la banque de ma propre initiative

Se voit-il terminer sa carrière dans le secteur bancaire ? “Oui, mais avec les énormes changements que j’ai pu voir ces 18 dernières années, j’ai du mal à y croire. Si dans les 20 prochaines années la situation évolue autant en profondeur, cela va être dur. Je ne quitterai pas la banque de ma propre initiative, mais je crois bien que c’est plutôt l’évolution de l’activité et du secteur qui risque de me pousser vers la porte de sortie”.

Aussi, son projet pourrait certainement ne jamais se réaliser : “J’ai tendance à prendre les choses comme elles viennent et j’estime avoir déjà beaucoup de chance. On verra donc comment la situation évoluera. Et le moment venu, je prendrai ma décision”, promet-il.