11 ans d’ancienneté, 2.200 euros nets

Saliah est caissière dans un supermarché au Luxembourg. Avec ses 11 ans d’ancienneté, cette quinquagénaire portugaise gagne environ 2.200 euros nets par mois, en incluant les primes. Soit à peine 200 à 300 euros de plus qu’une personne débutant dans le métier.

Employée polyvalente, selon les termes de son contrat, son travail ne la passionne pas outre mesure. Concrètement, elle est affectée prioritairement en caisse : “Mais, en cas de besoin, s’il faut aider au rayon crèmerie, alimentation, ou à l’accueil, je ne peux pas refuser”, précise-t-elle. “Et quand il n’y a plus de clients, je dois réapprovisionner les étagères et m’occuper de la gestion des commandes“.

Le contact avec les clients, c’est ce qu’elle préfère avant tout dans ce job : “Je suis quelqu’un de très sociable ; j’aime servir et rendre service. Je me sens valorisée. ” Il y a quelques années, elle avait pourtant envisagé de faire carrière auprès de cet employeur, et de monter en grade : “Je suis ambitieuse, mais je n’ai pas besoin de cela. On a peut-être plus de responsabilités, et on gagne un peu mieux. Mais c’est aussi beaucoup de stress,” observe-t-elle.

Je ne voulais pas sacrifier ma vie, ni celle de mes enfants, avoir des ulcères d’estomac et mal dormir, pour 400 ou 500 euros de plus par mois. ” Elle a donc choisi : “Je préfère ma tranquillité ; j’ai un salaire moins élevé, mais j’arrive à la maison avec moins de soucis.”.

Officieusement frontalière

Officieusement, Saliah est frontalière : en 2010, après 20 ans passés au Grand-Duché, elle décide en effet de s’installer en France avec ses deux enfants encore mineurs, non loin de Longwy.

Prise à contrecœur, sa décision est avant tout financière : “J’ai toujours voulu avoir mon propre logement ; avec mon seul salaire, je ne pouvais pas me permettre d’acheter une maison ou un appartement au Luxembourg,” regrette-t-elle.

Officiellement cependant, elle réside au Grand-Duché : elle garde un pied-à-terre à Bascharage, dans un appartement  sous-loué par une amie. “Je l’aide à payer le loyer et en contrepartie je reste inscrite comme résidente au Luxembourg. J’y ai ma vie et mes amis,” explique-t-elle, consciente que sa situation n’est pas complètement conforme à la législation en vigueur. “Le soir, je ne rentre en France que pour y dormir.”

Elle rêve d’acquérir la nationalité luxembourgeoise. Elle effectue toutes les formalités pour. Et suit les cours de langue obligatoires, et ceux sur les institutions et l’histoire du Grand-Duché. “J’adore ce pays : il fait beaucoup pour les étrangers, et j’y ai toujours été très bien accueillie.“.

Enceinte et forcée de dormir dans la cave

Ses premières années au Luxembourg se passent pourtant très mal : veuve avec un enfant en bas-âge, elle tombe amoureuse d’un homme, alors qu’elle vivait encore à Lisbonne ; celui-ci lui fait miroiter une vie de rêve au Grand-Duché ; elle décide alors de tout quitter pour le rejoindre à Larochette.

Sur place, elle apprend qu’elle est enceinte, ce qui déplaît au futur père et à la belle-famille. Ces derniers la méprisent et la maltraitent, la forçant à dormir dans la cave, près de la chaudière.

“J’y ai vécu six mois, c’était invivable,” se souvient-elle. “J’ai essayé de tenir bon et de saisir la première opportunité, pour m’échapper.”.

Après l’accouchement elle s’enfuit avec ses deux garçons; elle prend un studio et se cherche un emploi. Elle devient serveuse dans un restaurant, qui l’exploite et la sous-paie, profitant de son ignorance du français et de ses droits.

Partie en reine

Elle se fait alors embaucher comme femme de ménage, auprès d’une société de nettoyage, où elle restera une huitaine d’années. “Je suis venue au Luxembourg avec une valise en carton, comme Linda de Suza,” ironise-t-elle. “Elle, a choisi la chanson, moi j’ai choisi l’amour…“.

En dépit de cette mésaventure, elle n’a jamais voulu retourner au Portugal : par peur d’affronter le regard de sa famille et de ses proches, face à sa situation de femme seule, avec ses deux garçon, jugée honteuse à l’époque. J’y étais partie en reine ; je ne voulais pas y revenir en mendiante,” justifie-t-elle.

Un vieux rêve d’enfance

Une fois à la retraite, elle envisage désormais de retourner vivre dans son pays natal, près de sa famille. Elle y a acheté une ancienne ferme.

Là-bas, elle compte réaliser un vieux rêve d’enfance : ouvrir une maison d’hôte et se lancer dans le tourisme rural.