Sylvain est commercial. Tout frais sorti de l’IUT avec une licence en gestion de la relation client et e-commerce, c’est son premier job. La start-up qui l’avait pris en alternance sous son aile a décidé en juin dernier de lui donner sa chance et un CDI.

À 22 ans, il découvre ainsi les vraies joies de la vie professionnelle : les horaires réguliers, les costumes, les responsabilités, les clients, la législation du travail… “C’est là que tu réalises que tu n’es plus à l’école : tu travailles, tu es payé pour ce que tu fais, tu dois fournir un travail sérieux” remarque-t-il.

Bienvenu chez les frontaliers

Il a dû tout aussi rapidement se mettre dans la peau de frontalier. Originaire et vivant à Metz, il a sa ration quotidienne de galères dans les transports : les trains bondés, quand ils roulent… Les pannes de trains de fret, les affichages erronés, les bus de substitution…

Sur les réseaux sociaux il s’est abonné à toutes les app’ qu’on se doit d’avoir en tant que frontalier, si on veut se tenir au courant en temps quasi réel sur les bouchons et les conditions de transports, tout en essayant de palier aux communications inexistantes ou vagues des SNCF, SNCB et autres CFL.

Frontalier, il l’était déjà, indirectement par son père; fonctionnaire européen, ce dernier a testé pendant plusieurs dizaines d’années la libre circulation des personnes et des biens, avant de jeter l’éponge et de venir s’installer au Luxembourg, plus près de son bureau au Kirchberg.

De bon coeur et à fond

Sylvain travaille, lui, non loin de la gare, à Luxembourg-Ville. Son titre ? Commercial B2B. Pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec l’informatique et les nouvelles technologies, B2B (ou Business to Business) décrit, comme son nom l’indique, une relation commerciale clients/fournisseurs, une collaboration entre entreprises via des services Web et Internet notamment.

Concrètement, la start-up dans laquelle il officie, a lancé un site de services et d’annonces dédiés au secteur immobilier. La plateforme est opérationnelle depuis mai. Son objectif à Sylvain : vendre les services offerts par cette dernière, et convaincre les annonceurs publicitaires et immobiliers de s’y abonner.

Comme il a du bagout et la foi, la mission lui plaît ; il s’y lance donc de bon cœur et à fond. Les premiers contacts sont avant tout téléphoniques et électroniques. Sa stratégie, telle qu’il l’a apprise durant ses études, est des plus classiques : amorcer un premier contact, présenter le portail, et dans la foulée, proposer au prospect un mois de connexion gratuite : avec la possibilité d’accéder aux services et aux fonctionnalités proposés, et de publier gratuitement des annonces.

“Je suis avant tout un inconnu”

Une fois les 30 jours de services gratuits écoulés, il reprend alors contact avec le client, pour faire avec lui un bilan et essayer de lui vendre le produit. “Il faut essayer de proposer aux clients tout ce qu’ils recherchent, de leur vendre le produit. Ce n’est pas toujours facile, car à mon âge on n’est pas toujours crédible, ni vraiment pris au sérieux,” regrette-t-il.

Pour eux, je suis avant tout un inconnu, je dois tout d’abord gagner leur confiance. Aussi, j’essaie d’être chaleureux et avenant.

Clients pas cools

En trois mois, il compte déjà quelques expériences au contact direct avec les clients.

Et des situations qui n’ont pas toujours été des plus agréables. Comme lors de son premier rendez-vous commercial : sans voiture, il se rend chez le client, en train et en bus : une heure de trajet depuis son bureau. Quand il arrive enfin à destination, il apprend que la personne qu’il devait rencontrer est tout bonnement absente : elle avait oublié le rendez-vous et notre Sylvain.

“J’en n’ai rien à foutre ! OK ?”

Une autre fois, c’est par téléphone, qu’il tente d’entrer en contact avec un client. On le trimballe de poste en poste et de service en service, on le fait patienter au bout du fil, puis on le reprend et on le transfère…

Après 20 minutes d’errance téléphonique, il obtient enfin son correspondant. Et c’est la douche froide : “En moins de cinq secondes, je me suis fait rembarrer, comme un malpropre,” se souvient-il. “Texto, il m’a dit : ‘Votre produit ne m’intéresse pas : j’en n’ai rien à foutre ! OK ?’, puis il a raccroché.”

“Je n’ai pas choisi la voie la plus facile”

Malgré ces déboires, il reste optimiste, et voit le bon côté des choses. Car sa ténacité a payé : il a, depuis, signé une dizaine de contrats pour une collaboration à plus long terme ; une autre dizaine devrait être bientôt conclue.

Il ne crie pas victoire pour autant, car il sait que l’acquisition de nouveaux clients n’est pas simple, et qu’en ces temps moroses, ceux-ci ont des budgets publicité et communication plutôt limités. “Je n’ai pas choisi la voie la plus facile,” admet-il. “Si j’avais opté pour une grande entreprise, j’aurais été plus secondé, j’aurais certainement bénéficié de plus de temps pour démarrer, et droit à une plus grande marge d’erreur. Dans une start-up, toute erreur a nécessairement un impact plus important sur la vie de la société, et peut remettre en question sa viabilité,” note-t-il.

Si cette expérience n’est pas un long fleuve tranquille, Il reconnaît toutefois qu’elle est très formatrice, notamment en termes de compétences professionnelles et techniques. Aussi, il compte bien continuer à tout donner pour la réussite de ce projet.