« Il n’y a pas d’offres dans le coin. A vrai dire, je n’ai même pas essayé. » Le coin, c’est la région Lorraine. A l’automne 2016, la jeune Mosellane ne sait pas encore si elle trouvera rapidement chaussure à son pied mais elle sait déjà celle qu’elle n’enfilera sûrement jamais.

Fraîchement reconnue comme pharmacienne à l’issue d’un cursus en Belgique, elle prend ses jambes à son cou. « J’aurais dû payer un loyer là-bas pour gagner je ne sais pas quoi… », souffle-t-elle.

L’enseigne où elle a effectué son dernier stage d’été lui fait une offre qu’elle réfute. « Je n’étais pas intéressé. J’aurais empoché peut-être 2.000 euros nets. Et puis, je voulais me rapprocher de chez moi. »

« Ici pour la même raison que tout le monde »

De retour au village, elle entame les démarches pour acquérir l’équivalence de son diplôme au Grand-Duché. Le sésame en poche, elle prospecte sur internet et dépose quelques candidatures. L’une d’elles tape à l’œil d’un employeur. Marché conclu.

Sylvie est ici « pour la même raison que tout le monde. Entre les salaires pratiqués en Belgique et en France, où la situation est similaire, le calcul est vite fait. » L’intéressée émarge actuellement à près de 1.000 euros supplémentaires avec une grille de salaires plus avantageuse au fur et à mesure des années.

Satisfaite mais lucide. « C’est très bien mais il ne faut pas oublier qu’au Luxembourg, on travaille 40h et pas 35h. Sur un mois, cela équivaut à 20h, en plus des autres contraintes. » Mis à part les gardes ponctuelles de nuit, elle remplit des journées classiques.

« Je n’avais pas assez de liberté »

Dès lors, pas besoin d’être devin pour deviner qu’elle évoque les trajets quotidiens. Le train, très peu pour la jeune femme. Elle s’y est essayée au tout début en déposant son véhicule sur un parking à mi-chemin entre son domicile et son travail. « Je n’avais pas assez de liberté. Et puis, attendre le train 35 min sur un quai alors que je serais presque chez moi en voiture… »

Une heure par aller en moyenne de porte à porte, parfois moins, supportable pour Sylvie qui nuance toutefois : « En essence et en parking, ça me fait quand même pas mal de frais. » Soit le beurre soit l’argent du beurre, rarement les deux.

Les itinéraires varient fréquemment suivant les indications de Waze, l’application mobile renseignant sur le trafic en temps réel.

« La différence ne doit pas être énorme »

Pour l’heure, la frontalière n’a pas de famille, argument qui, s’il arrive un jour sur la table, pourrait changer la donne. « Cela pourrait devenir pesant. S’il faut, je travaillerai à mi-temps ici. Je préfère faire ça au Luxembourg qu’un temps plein en France. La différence en termes de rémunérations ne doit pas être énorme. »

C’est en s’imaginant exercer au pays sur le long terme qu’elle a réfléchi aux possibles aides dont elle pourrait bénéficier. « Ma mère travaille aussi ici. J’ai donc obtenu une bourse alors que je n’y avais pas droit en France. 400 ou 500 euros par mois quand vous êtes étudiante, cela permet de vivre sa jeunesse confortablement. »

« Il faut aussi que l’on fasse un effort »

C’est aussi pour sa carrière qu’elle s’astreint, chaque semaine, à l’apprentissage du luxembourgeois avec un professeur particulier. « Je trouve que c’est mal vu de venir juste travailler et de rentrer chez soi. Il faut aussi que l’on fasse un effort. Et puis, c’est plus agréable d’échanger avec les gens dans leur langue. »

Ce qui n’est, d’une part, pas pour déplaire à son patron, mais aussi potentiellement bénéfique pour elle. « Imaginons que je sois amenée à changer de pharmacie, je sais qu’il y en a énormément qui apprécient que leurs salariés parlent les trois langues. »

D’un côté, sa langue maternelle n’est pas suffisante, de l’autre, les années de lycée et les cours d’allemand commencent à dater. Dans la langue locale, malgré plus d’un an d’exercice, « je n’ose pas trop parler. Je comprends pas mal de chose mais pour communiquer ce n’est pas trop ça. »

Et pour un métier qui exige un contact direct avec les clients, cela ne passe pas toujours. « Tous les jours, des personnes demandent à parler avec un collègue luxembourgeois. Ça ne me fait pas plaisir. » Après la bienfaisance, le plus grand des plaisirs est la reconnaissance.