Voilà bientôt deux ans qu’Yvette peut « aller faire [ses] courses le soir, avoir du temps pour [elle]. » Souffler après une journée de besogne, se consacrer à ses loisirs. Vivre tout simplement, sans avoir à patienter jusqu’au week-end. « Et encore le vendredi soir, j’étais épuisée. » Constat sans appel : « Ça change la vie. » Son remède au triptyque bouchons-boulot-dodo, un logement au Luxembourg jouxtant les grands axes. « J’en ai eu assez. »

« Pas de solution miracle »

Depuis lors, elle revient chez elle à la lumière du jour, « vers 17h30 », et sans encombre. Un emménagement qui coïncide grosso modo avec son changement de boîte. A l’époque, la Mosellane officie pour un cabinet d’audit du Big Four et loge encore chez ses parents.

90km de trajets à la loupe, quotidiennement, « toujours avec ma voiture. Je n’avais pas de gare à proximité et les plus proches ont des parkings bondés le matin, raconte la désormais ex-frontalière. En plus des retards et autres problèmes récurrents, je devais prendre un ou deux autres bus jusqu’à mon lieu de travail. »

Le calcul est vite fait, logistiquement parlant tout du moins. Comme « il n’y a pas de solution miracle », le revers de la médaille, c’est la route avec elle-aussi ses problèmes fréquents, inhérents même. « Presque 2h30 par jour, c’est épuisant, énervant, tout ce qu’on veut. »

« Quand on a connu ça, on ne peut plus revenir en arrière »

Quand elle est embauchée dans une structure financière près de la frontière allemande, la durée de déplacement s’allonge encore un peu. Et ce, même en empruntant « les petites routes de village. Ça roule mais lentement, et au final, on fait un détour. » Et c’est sans compter sur une météo capricieuse. « L’hiver avec les routes enneigées, c’est encore plus embêtant. »

Aujourd’hui, elle consacre moitié moins de temps à faire l’aller-retour qu’à faire le seul trajet du matin auparavant. Si bien que « quand on a connu ça, on ne plus revenir en arrière. »

Très pesante pour Yvette, cette contrepartie du travail transfrontalier lui a un temps fait minimiser les « 500 ou 600 euros de plus » sur sa fiche de paie mensuelle que pour un poste similaire en France. « Bien sûr, cela entre en compte mais tant que ça quand on est dedans. Et puis, certes ce n’est pas Paris, mais la vie au Luxembourg est aussi plus chère. »

« J’ai passé un seul entretien pour mon premier emploi »

Celle qui a fait ses gammes dans la capitale française ne crache pas non plus dans la soupe quand tombe le treizième mois et les bonus, « plutôt bons pour moi alors que ce n’est pas le cas partout.» Aussi, elle apprécie de récupérer ses heures supplémentaires grâce à un système de pointage, chose « qu’on ne retrouve pas en France avec le statut de cadre. »

Elle était d’ailleurs étonnée de constater que le « process » d’embauche est bien plus accommodant au Grand-Duché. « J’ai passé un seul entretien pour mon premier emploi. En France, c’est parfois quatre fois plus. »

De plus en plus recommandée, la maîtrise d’une langue étrangère n’a pas non plus posé problème d’autant que son employeur ne lui a pas enjoint à assimiler la langue locale. L’anglais « pour comprendre une réunion » suffit. « Mais je sais que cela peut être un gros frein dans beaucoup de banques car elle demande de parler le luxembourgeois. »

A mi-chemin d’acquérir ses droits de retraite au Luxembourg, Yvette manœuvre désormais plus sereinement. Est-ce à dire qu’elle n’ira jamais voir ailleurs ? Une perspective qu’elle conditionne en partie à sa vie de famille. « Pour l’instant, je n’ai pas d’enfants. Si c’est un jour le cas, je reconsidérerai peut-être ma situation. » Rien n’est permanent, sauf le changement.