Un constat : une augmentation des charges fiscales

À la suite de la réforme fiscale 2017, de très nombreux frontaliers mariés constatent une nette augmentation de leurs charges fiscales au Luxembourg.
Dans certains cas, cette hausse est tout à fait justifiée vue qu’elle résulte de la fin d’un privilège.
Dans d’autres cas, cette hausse est simplement injuste vue les conditions d’accès trop restrictifs afin de bénéficier des bienfaits de l’assimilation au résident luxembourgeois.

Risque pour les frontaliers français

Finalement, les changements produits par la réforme fiscale luxembourgeoise risquent d’avoir aucune importance pour de nombreux frontaliers français étant donné que le France vient de changer de système d’imposition mondial en remplaçant la méthode d’exemption par la méthode d’imputation.
Concrètement, les frontaliers français vont être soumis au barème français à chaque fois que celui-ci est plus lourd que le barème luxembourgeois.

Deux méthodes pour éviter les doubles impositions

La première est celle actuellement en vigueur : La méthode d’exemption.

La méthode d’exemption est appliquée par la majorité des Etats membres de l’UE et concerne notamment les revenus d’emploi (salaires, …).
Les revenus d’emploi du salarié frontalier sont imposés dans l’Etat où l’activité est exercée et sont exemptés d’impôt dans l’Etat de résidence du salarié frontalier.
L’Etat de résidence du salarié frontalier va uniquement tenir compte de ces revenus exempts pour calculer le taux d’imposition (mondial) appliqué sur d’éventuels autres revenus indigènes ou non-exempts.

La seconde est celle prochainement appliquée par la France : La méthode d’imputation

Les revenus d’emploi du salarié frontalier sont imposés dans l’Etat où l’activité est exercée mais également en France.
L’impôt français est calculé sous déduction d’un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt payé au Luxembourg sans que ce crédit d’impôt puisse dépasser le montant de l’impôt français correspondant à ce revenu.

Analyse quantitative des conséquences de barèmes différents

Les barèmes et systèmes d’imposition français et luxembourgeois n’étant pas identiques, on pourrait à première vue penser que le remplacement de la méthode d’élimination des doubles impositions fait tant bien des gagnants que des perdants.
Malheureusement, il n’y aura pas de gagnants étant donné que si la France applique une imposition plus lourde, celle-ci définira la charge fiscale finale tandis que si l’imposition fiscale luxembourgeoise est plus lourde, le frontalier français ne profitera pas du résultat français favorable vue que l’excédent du crédit d’impôt ne sera pas imputé.

Analyse opérationnelle : quels sont les délais ?

Avec la mise en place de cette nouvelle méthode d’imposition, la question se pose comment et dans quels délais la France compte réaliser les bulletins d’impôt des frontaliers français.
En effet d’après le texte de la convention, le calcul du montant de l’impôt à payer en France dépend du montant de l’impôt luxembourgeois effectivement supporté à titre définitif et est donc tributaire de l’émission du bulletin d’impôt luxembourgeois.

Analyse qualitative : La méthode est déjà appliquée pour les entreprises

La méthode d’imputation, nommée aussi méthode du crédit d’impôt, est justement utilisée pour l’imposition des entreprises. Ce principe est cohérent étant donné que celles-ci réalisent des bénéfices indépendamment du lieu d’activité des travailleurs qui y ont contribué.
Cependant, l’application de la méthode du crédit d’impôt sur les revenus d’emploi qui sont uniquement imposables dans l’Etat où l’activité est exercée, est à mon sens contraire aux principes européens et à l’article 14 de la même Convention fiscale définissant les règles d’imposition des revenus d’emploi.

A titre d’exemple, conformément à l’article 14, la méthode d’exonération prévoit un impôt situé entre 1.529 et 1.117 euros (en fonction des frais de déplacement) pour un frontalier français sans revenu français et percevant un salaire net de 25.000 euros au Luxembourg. En France aucun impôt sur le revenu n’est prélevé.
Avec la mise en application de la nouvelle méthode de crédit d’impôt, le même frontalier français doit s’acquitter d’un impôt complémentaire français allant de 1.755-1.529 = 226 euros à 1.755-1.117 = 638 euros (en fonction des frais de déplacement)

Pour rappel, les déterminations des bases des revenus imposables pris en compte en France et au Luxembourg sont distinctement réalisées selon les dispositions des législations nationales.
Reste à préciser que cette nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise ne change que la méthode des frontaliers français mais ne remet pas en question la méthode d’exonération des revenus d’emplois perçus par les résidents luxembourgeois allant travailler en France.

Que faire ?

La convention fiscale a été signée en mars 2018 et vient d’être approuvé par le Parlement Français en séance plénière du jeudi 14 février. Rien n’est perdu définitivement, vue que le Parlement luxembourgeois doit aussi s’exprimer avant l’entrée en vigueur de la convention fiscale,
Il me semble donc nécessaire d’informer et de mobiliser les contribuables concernés et de solliciter les politiques et syndicats qui sont là pour défendre les intérêts de l’ensemble des citoyens et salariés.
N’hésitez donc pas à vérifier et  faire circuler l’information que je viens de vous détailler en vous attardant aux articles 14 et 22 de la convention en question en suivant le lien repris ici 

Pour ma part et en ma qualité d’expert fiscal militant, j’ai adressé des courriers respectifs à Monsieur le Ministre des Finances et à Madame le Directeur des Contributions du Luxembourg, aux Députés de Lorraine ainsi qu’aux Présidents des Syndicats luxembourgeois afin de les sensibiliser à la situation des frontaliers.
Je vais également continuer mes efforts et interpeler les députés luxembourgeois.
Partons également du principe que je saurai sensibiliser d’autres experts fiscaux et les rallier à cette cause.

Patrick van Landeghem
Expert fiscal – Optifisc
e-mail : vlp@optifisc.lu