Le même régime fiscal doit s’appliquer à l’ensemble des contribuables se trouvant dans la même situation et l’impôt doit être justement réparti entre tous les citoyens selon leurs facultés contributives.

L’équité fiscale est recherchée par l’attribution de différentes classes d’impôt, qui tiennent compte de la situation familiale, et par l’application d’un barème progressif.

Tandis que le barème permet une progression de la charge fiscale au fur et à mesure que les revenus augmentent, les classes d’impôt permettent de bénéficier d’une atténuation de la progressivité du barème grâce à un splitting en classe 2 et grâce à un abattement en classe 1a.

L’octroi de modérations d’impôt relatives à différentes charges ainsi que la mise en place de divers crédits d’impôt confirment également le souci d’équité fiscale.

Les travaux entamés en vue de la réforme fiscale de 2017 et les premières pistes évoquées incitent à quelques considérations.

Imposition collective ou imposition individuelle

  

Exemple : Si un contribuable déclare 80.000 € et son conjoint 20.000 €, le couple paie 4,546 € en plus.

Si un contribuable déclare 60.000 € et son conjoint 40.000 €, le couple paie 1.896 € en plus.

Pour un montant égal de 100.000 €, la différence est de 2.650 € ! 

A barème actuel, la suppression du splitting et de l’abattement extra-professionnel en cas d’imposition collective, provoque une hausse d’impôt considérable tant bien pour le couple marié que pour les partenaires pouvant opter pour l’imposition collective en raison de leur contrat de partenariat.

L’adaptation du barème voire la mise en place d’un abattement spécial s’avèrent bien complexes au vue des effets tant du splitting que de la moyennisation du revenu avant l’application au barème.

De plus, il semble clairement inacceptable qu’en cas d’imposition individuelle et pour un même revenu cumulé, l’impôt varie en fonction des niveaux respectifs des deux revenus et se différencie largement selon les répartitions.

Ceci-dit, les effets contestés actuels de l’imposition collective méritent également une prise en compte.

Les personnes imposées collectivement sont considérées comme un seul et unique contribuable. Le fait qu’elles soient solidairement et indivisiblement redevables devant l’impôt, conduit bien souvent à des situations conflictuelles lors de divorces.

Les différents prélèvements à la source sur les salaires des deux époux produisent régulièrement des sentiments malsains tandis que le mécanisme fiscal est souvent considéré comme une imposition multiple de part l’imposition à la source, le versement d’avances et le décompte final.

Ainsi, le contribuable devrait avoir le choix d’opter soit pour une déclaration individuelle, soit collective selon le cas. 

 

Classe 1a ou abandon de la classe 1a et mise en place d’un quotient enfant

De part les limites structurelles relatives à la classe 1a, la mise en place d’un «quotient enfant», permettant également un splitting avant l’application du revenu imposable au barème, donnerait accès d’une part à un allègement fiscal et d’autre part à une différenciation de l’impôt tenant compte du nombre d’enfants à charge du parent se trouvant en situation monoparentale.

L’allègement qui en résulte varie considérablement en fonction du quotient retenu selon la situation.

 

Attribution spéciale de la classe d’impôt 1a

La classe 1a est également attribuée aux personnes veuves, ainsi qu’aux personnes célibataires, séparées ou divorcées agées de plus de 64 ans au 1er janvier de l’année d’imposition.

Préalablement, ces contribuables ont bénéficié de dispositions transitoires spéciales pendant 3 années d’imposition et plus précisément du maintien du bénéfice du splitting sur leur seul revenu perçu.

L’important allègement fiscal qui en résulte et qui leurs permet de mieux faire face aux difficultés résultant du nouvel état civil est illustré dans le tableau suivant.

  

La raison de l’attribution de la classe 1a après cette période transitoire semble remise en question étant donné qu’elle est en principe réservée à des contribuables en situation monoparentale ayant un ou plusieurs enfants à charge.

 

Mariage et contrat de partenariat

Un couple qui se marie le 1er juin bénéficie rétroactivement des bienfaits de l’imposition collective pour l’année fiscale en cours tandis que s’il signe un contrat de partenariat à la même date, il devra attendre l’année fiscale suivante afin de bénéficier du droit de se faire imposer collectivement.

Ne devrait-on pas mettre, du moins fiscalement, à pied égal ces deux statuts familiaux ?

 

La situation du travailleur non-résident

 Parmi les contribuables non-résidents travaillant aux Luxembourg, nous distinguons 4 cas :

  • ceux pouvant demander une assimilation au résident et qui ont intérêt à la faire

  • ceux disposant du même droit mais qui n’ont aucun intérêt à le faire car ils se trouvent dans une situation d’imposition à la source plus favorable

  • ceux qui auraient intérêt à faire une assimilation mais qui ne disposent pas du droit

  • ceux qui n’ont ni le droit et ni l’intérêt à la faire

 

Le principe d’équité semble fortement remis en question ne fusse que de part la comparaison de l’impôt luxembourgeois payé par un non-résident marié ayant un conjoint travaillant dans un autre pays.

  

Exemple : Dans un couple non-résident, le contribuable déclare un revenu étranger (français ou belge) de 41.000 € et un revenu luxembourgeois de 40.000 €, l’impôt est de 5.503 €

Pour un autre couple non-résident, où le contribuable déclare un revenu étranger de 39.000 € et un revenu luxembourgeois de 40.000 €, l’impôt est de 2.174 €. Soit une différence d’impôt de 3.329 € pour une différence de 2.000 € ! 

Le choix de situations extrêmes n’entrave pas la nécessité de reconsidérer les dispositions d’imposition relatives aux non-résidents tout comme les conditions nécessaires afin de bénéficier de l’assimilation au résident.

 

S’il est vrai que le seuil de 90% de revenu en provenance du Luxembourg, nécessaire afin de demander l’assimilation au résident, écarte pour la plupart du temps de nombreuses demandes ne présentant aucun intérêt, il faut également reconnaître que ce même seuil rend impossible des demandes d’assimilation au résident très intéressantes dues par exemple à des situations exceptionnelles telles que la souscription d’une assurance solde restant due à prime unique ou le paiement de nombreuses charges extraordinaires.

 

Le taux de 50% prévu par la convention belgo-luxembourgeoise, permettant aux résidents belges de mondialiser leurs situations au Luxembourg, ne mettrait à l’écart, ni les personnes ayant perçu quelques mois de chômage dans leur pays de résidence, ni les personnes percevant plus de 10% de leurs revenus en dehors du Luxembourg et dont l’assimilation au résident donnerait un résultat favorable.

 

Le cas des fonctionnaires européens 

La question qui se pose actuellement concerne la légitimité du bénéfice du splitting de la classe 2 réservée au contribuable luxembourgeois marié avec un fonctionnaire européen touchant des revenus non imposables et non pris en compte pour calculer le taux d’impostion appliqué sur les revenus luxembourgeois.

Le tableau reprend la situation existante, la situation avec splitting mais tenant compte des revenus exonérés, la situation sans splitting.

  

 

Est-il équitable que l’existance d’un revenu européen n’ai aucune incidence tandis que d’une part le contribuable résident est soumis à une obligation de mondialisation de sa situation au Luxembourg et que le contribuable non-résident doit prendre en compte l’ensemble de ses revenus mondiaux s’il désire demander son assimilation au Luxembourg ?

 

Le cas des députés

L’abattement fiscal et social sur la moitié de l’indemnité de base des députés à titre de compensation pour des fonctions de représentation est souvent ressentie comme un privilège et mérite certainement réflexion et plus de transparence. Le montant annuel exonéré avoisine tout de même les 40.000€.

 

Le congé parental

Un couple marié avec un brut de 60.000€ et un brut de 38.400€ remplacé par le nouveau congé parental à plein temps de 6 mois, touchera un revenu de remplacement de 128,66% si on tient également compte du gain fiscal du ménage relatif à la non-imposition du revenu parental. Soit 8196€ de plus que si le parent continuait par aller travailler et sans tenir compte de l’économie éventuelle relative aux frais de garderie.

 

L’écart des divers taux de remplacement selon différentes constellations de revenus et le manque d’équité fiscale en résultant, plaide en faveur d’une imposition des revenus de remplacement quitte à revoir leurs montants de base à la hausse.

 

Les déductions fiscales

Diverses déductions fiscales peuvent être prises en compte par le bias d’une demande de modération d’impôt voire d’une déclaration d’impôt et réduisent le revenu imposable du contribuable.

L’économie d’impôt rendue possible en faisant valoir certains frais, certaines dépenses ainsi que certaines charges est proportionnelle au taux d’imposition marginal (le plus élevé atteint). Ce taux dépend de la classe d’impôt et du montant du revenu comme l’illustre le tableau.

Est-il fiscalement équitable qu’un couple marié ayant un revenu annuel imposable de 100000€ profite d’une économie d’impôt de 820€ en faisant valoir des frais déductibles de 2000€, tandis que le couple marié percevant un revenu annuel imposable de 50000€ ne profite que d’une économie d’impôt de 460€ ?

Si la réponse est discutable en ce qui concerne la prise en compte de frais vue la différence de l’impôt prélevé, elle devient certainement plus pertinante lorsque l’économie fiscale est en relation avec des produits d’épargne et de prévoyance dont la souscription est encouragée par le législateur.

N’aurait-il pas lieu de remplacer pour ces derniers, le mécanisme de déduction fiscale par un système de crédit d’impôt bien plus intéressant.

 

Les frais de domesticité et de garde d’enfant(s)

Actuellement, l’abattement forfaitaire prévu pour les frais de domesticité et de garde d’enfant(s), entre autres, est de maximal 3600€, toutes charges confondues.

Qui serait en mesure de contester le besoin de doper le montant déductible relatif aux frais de garde d’enfant et de lui attribuer un coefficient tenant compte du nombre d’enfants qui en profitent.

L’anachromisme des dispositions actuelles est également confirmé en cas d’imposition collective de deux partenaires qui voient leurs deux forfaits de 3600€ passer à un seul forfait de 3.600€.

 

Conclusion

Les considérations reprises ne sont certainement pas limitatives et pourraient aisément être accompagnées par des réflexions concernant les tranches d’imposition, les avantages en nature, les revenus en provenance de capitaux mobiliers, les frais d’obtention, les forfaits et plafonds déductibles.

 Ceci-dit, le changement majeur, en vue d’obtenir tant une simplification administrative ainsi qu’une meilleure équité fiscale, que nous privilégions clairement, est le passage à l’imposition individuelle, accompagnée d’une disposition qui permet aux couples mariés ou liés par un contrat de partenariat d’opter, s’ils le désirent, pour une imposition collective.

 L’impôt payé à la source sur les salaires et rentes étant suffisants, la grande majorité des déclarations individuelles ou collectives se solderait ainsi par un remboursement en faveur du contribuable.

 Cette mesure mettrait également à niveau les disparités des contribuables non-résidents qui disposeraient selon leurs situations familiales également de la possibilité de se faire imposer isolément ou collectivement. La baisse du taux donnant accès à l’assimilation au résident serait également nécessaire afin de mettre chaque contribuable non-résident à pied d’égalité. 

En parallèle, nous retiendrons la suppression pure et simple de la classe 1a au profit du «quotient enfant» afin de palier les limites relatives à la dite classe.

Patrick van Landeghem

Expert fiscal