« A la frontière, innover n’est plus un choix. » En une phrase sonnant comme le slogan d’une publicité amorçant une (trop) attendue nouvelle ère, le journaliste au Quotidien, Hubert Gamelon résumait l’objet de la séance du jour.

En préambule de cette conférence au format original organisée par l’Agence d’Urbanisme et de Développement Durable Lorraine Nord (Agape), façon TEDx, rythmée d’interventions successives de huit minutes, l’animateur plantait le décor d’un paysage en friche : celui de la mobilité transfrontalière.

« Les gens pètent littéralement les plombs »

Et l’intéressé de taper là où ça fait mal : en rappelant que 20 nouveaux frontaliers lorrains supplémentaires traversent chaque jour la frontière luxembourgeoise, que la moitié des frontaliers partent au boulot avant 7h du matin, en pointant la ligne 90, remplie à 110 %, dans laquelle « les gens pètent littéralement les plombs »…

En gros, le portrait de l’épouvantail « Mobilité » responsable de la plus grande peur des patrons au pays : celle de faire face à une pénurie de main d’œuvre.

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Passé l’étape du constat dramatique, était venue celle de l’espoir : le développement du « combo vélo-train », de l’application Copilote, malgré un engouement jusqu’alors décevant, de l’implantation présente et future de P+R…

Quelques motifs d’enthousiasme même si largement insuffisants compte tenu des projections, qui ont plus que jamais besoin d’être épaulés par des « idées choquantes ».

Prédire les accidents

C’est bien à cet égard que cinq acteurs d’horizons divers s’étaient déplacés, leurs valises pleines de projets innovants.

C’est via le directeur de projet local de Capgemini/Sogeti Luxembourg, M. François Vaille, que s’est ouvert le bal.

Et l’intervenant d’évoquer un partenariat d’innovation unique en France : lancé il y a quelques mois pour 28 mois, la Communauté de Communes du Pays-Haut Val d’Alzette a misé sur la Smart City. Soit l’optimisation de tous les aspects de la vie locale : consommation d’électricité, préoccupations environnementales… et mobilité.

« Complémentaire et indispensable des infrastructures déjà présentes », argumente l’invité, la plateforme, aidée de l’intelligence artificielle (IA), doit permettre d’amasser quantité de données afin de construire des services efficients.

« Il ne doit y avoir aucune friction entre les différents modes de transport. En ce sens, l’IA peut servir à prédire les accidents et autres problèmes dans la journée. Il sera ainsi possible de mettre en place des moyens d’intervention rapides. »

Le péage inversé : rémunérer pour bonne conduite

Sachant que le serpent de mer A31 bis s’accompagnera d’un péage payant, le péage inversé présenté par Elena Umanets, directrice du développement commercial chez Egis, a tout de la vraie bonne idée.

Concrètement, il s’agirait non pas de ponctionner les automobilistes mais, au contraire, de les rémunérer pour leur « bonne conduite ».

En changeant ses horaires, en covoiturant, en télétravaillant, le frontalier se verrait ainsi remettre une somme d’argent (2 ou 3 euros) par jour. Amasser 70 ou 80 euros par mois tout en participant activement à la décongestion des axes, qui dit mieux ?

Lire : Patrick Luxembourger : « L’accord franco-luxembourgeois ? C’est le vide. Il n’y a rien »

L’initiative à déjà fait ses preuves à Rotterdam et Lille : au Pays-Bas, les routes encombrées ont enregistré une baisse de 6 % de congestion. 85 % des participants (volontaires) ont ainsi adopté ces nouvelles habitudes de manière perpétuelle, y compris après la fin de l’opération.

Car c’est bien là tout l’enjeu : remodeler les habitudes de conducteurs conservateurs. Et pourtant. Une réduction de « seulement » 5 % de la congestion suffirait à fluidifier le trafic. Autrement dit, sur une zone où circulent 10.000 véhicules par heure, un délestage de 500 engins améliorerait significativement la situation.

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Alors qu’en France, chaque automobiliste perd 135 heures par an sur la route, cela donne à réfléchir.

« 30 % des trajets routiers professionnels se font pour allumer un ordinateur »

Il revenait ensuite au président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Moselle Metz Métropole d’appeler à une coopération véritable entre les pays. Aux méthodes archaïques, aux choix nationaux et intercommunaux individualistes, doit succéder un co-développement basé sur l’innovation. « Il faut s’intéresser aux comportements des gens et utiliser l’intelligence citoyenne. Ce n’est pas construire une A31 bis, qui arrivera sans doute trop tard, qui va atténuer les problèmes. Il faut penser destin commun. »

Et Pascal Bieschele, directeur de projets à Sodevam de vanter les atouts du télétravail. « La démobilité, c’est mettre fin aux souffrances de tous types. » Le S-Hub, qui entrera en phase de test le 1er avril à Thionville, se veut la vitrine de cette pratique du futur.

« 25 % des déplacements sont d’ordre professionnels. Parmi ceux-ci, 70 % se font en voiture et 30 % de ces derniers se font pour allumer un ordinateur. » En proposant un espace de travail doté de services en tous genres (conciergerie, entretien de voiture, pressing…), pour un prix de 17 euros par jour par employé, le S-Hub veut ouvrir la voie.

Lire : Le télétravail est-il la pratique du futur ?

Le directeur de l’Agape, Aurélien Biscaut est pour sa part convaincu : « il n’y a pas de métropole efficace sans fluidité. »

D’où le projet de MMUST pour faire du Luxembourg « un Grand Luxembourg » à l’image du « Grand Paris » ou du « Grand Genève ». « C’est le premier outil qui sera capable d’évaluer l’efficacité des moyens mis en œuvre : est-ce que le covoiturage fonctionne ? Dans quelle mesure ? Tout. »

La première pierre d’une révolution dans les déplacements transfrontaliers ?

Lire : Un programme inédit pour la mobilité transfrontalière