Ce mardi, un colloque sur les frontaliers se tenait à l’Université Belval. Le thème : Les travailleurs frontaliers en Suisse et au Luxembourg : emploi, quotidien et perceptions“.

L’occasion pour les chercheurs présents de revenir sur la vie au jour le jour des travailleurs frontaliers, aussi bien au Grand-Duché que dans la Confédération helvétique.

Être frontalier en Suisse

Restrictif avant 2002, le statut de frontalier en Suisse a été assoupli depuis, suite à accord passé cette année-là entre le pays et l’UE. Le document instaure la libre-circulation des personnes sur le territoire helvétique et supprime dans les textes le système de préférence nationale à l’embauche, qui plaçait les étrangers et les frontaliers en second choix dans les intentions de recrutement des employeurs.

Comment le statut de frontaliers est-il régi ?

Selon les autorités suisses “Les frontaliers sont des étrangers qui sont domiciliés dans la zone frontalière étrangère et qui travaillent dans la zone frontalière suisse,” peut-on lire sur le site du Secrétariat d’État suisse aux Migrations (SEM).

Toujours selon les autorités d’immigrations helvétiques, ils sont par ailleurs astreints à travailler dans les régions déterminées par les accords frontaliers conclus avec les pays voisins.

Enfin, ils ne sont pas là pour prendre racine, prévient le SEM: “les frontaliers doivent retourner au moins une fois par semaine à leur domicile principal.“.

Rien à voir donc avec la réglementation communautaire en vigueur en Europe. Plus souple, celle-ci définit le travailleur frontalier comme “travailleur occupé sur le territoire d’un État membre, qui réside sur le territoire d’un autre État membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine.“.

Les frontaliers heléviques doivent être détenteurs d’un permis de travail (le Livret G ou “autorisation frontalière“), sans lequel ils ne peuvent travailler en Suisse. Cependant, déjà restreinte par rapport à la situation de leurs homologues luxembourgeois, leur marge de manoeuvre risque bien, très prochainement de se réduire.

En 2014, une initiative populaire (votation) contre l’immigration de masse a été acceptée par le peuple suisse. Son entrée en vigueur s’effectue progressivement.
Entre autres mesures, le texte impose aux entreprises de secteurs touchés par le chômage de recruter prioritairement des demandeurs d’emploi suisses, avant de faire appel à de la main d’oeuvre frontalière.

Suisse : combien de frontaliers ?

Selon les statistiques helvétiques, le nombre de travailleurs frontaliers était de 320.000, en 2016, sur une population de 8 millions d’habitants. Ce chiffre a plus que triplé entre 1980 et 2016.

Pour rappel, vous êtes 180.223 à passer la frontière luxembourgeoise chaque jour, pour une population luxembourgeoise estimée début janvier 2017 à presque 590.000 âmes. 

D’où viennent ces frontaliers ?

Plus de la moitié des frontaliers est originaire de France (55%). 23% viennent d’Italie, 19% d’Allemagne et 3% d’Autriche.

Où travaillent-ils ?

Les régions romandes accueillent les plus grands nombres de frontaliers : principalement le Tessin et Vaud, ainsi que les villes de Bâle et de Genève. Les régions alémaniques étant moins concernées par le travail des frontaliers. À la fois pour des raisons linguistiques – pas facile, même pour un Allemand de comprendre le Schwizerdütsch – mais aussi pour des questions d’accessibilité géographique.

Dans le Tessin (28%), à Genève (25%) et à Bâle (19%), c’est plus d’un quart de la population qui est frontalière.

Pourquoi viennent-ils (donc) travailler en Suisse ?

Pour la paie évidemment ! Pourquoi s’en priver ? Le salaire horaire y est deux fois plus élevé qu’en France, en Italie ou en Allemagne. Il est d’environ 33,7 euros, contre 22,9 euros au Luxembourg.

Côté chômage, la Suisse fait là plus fort, avec un taux à 4,9% ; mieux que ses pays voisins, comme la France (9,2%) et l’Allemagne (5,7%).

Dans quels secteurs sont-ils principalement actifs ?

Contrairement aux frontaliers luxembourgeois, sur-représentés dans les secteurs du nettoyage, du commerce et de la construction. Leurs homologues helvétiques, ne font plus figure de seconds couteaux. Ils sont désormais majoritairement présents dans la branche des services, qui requièrent des compétences et des niveaux de qualification élevés.

Ainsi, 80% des travailleurs frontaliers basés à Genève sont actifs dans ce secteur. Et en moins d’une quinzaine d’années, ils ont pu rattraper et dépasser le niveau de qualification et de salaire de leurs collègues suisses.

En concurrence directe sur le marché du travail

Ainsi, dans la plupart des activités économiques du pays, les frontaliers se positionnent désormais en concurrence directe avec la main d’oeuvre locale. Ce qui pourrait certainement être l’un des motifs de succès des initiatives populaires comme celle de février 2014, et des discours extrêmistes de certains partis politiques auprès de la population suisse.