Anne-Marie, la mi trentaine, originaire du bassin de Longwy, était vendeuse pour le compte d’une chaîne de magasins de vêtements. Hormis le stress des trajets, pour se rendre dans l’une ou l’autre des différentes boutiques de l’enseigne au Luxembourg, et les horaires décalés et du week-end – qui ne la dérangeaient pas outre mesure – tout allait bien pour cette mère de deux enfants.

Jusqu’à ce jour d’avril 2016, où tout bascule. À l’époque, depuis quelques semaines déjà, elle se sentait assez faible et apathique. Elle décide alors de consulter son médecin de famille ; celui-ci l’envoie directement à l’hôpital, pour effectuer un contrôle de routine.

J’ai failli décéder.”

On lui diagnostique un cancer. Elle est hospitalisée en urgence. Elle subit alors une première chimiothérapie, qui ne donne pas de résultats. Puis une seconde, toujours sans succès. Suivent deux autres traitements par médicaments, puis une greffe de moelle osseuse.

Pendant plusieurs mois, elle reste placée en isolement. Avec interdiction de voir ses proches, sa famille et ses deux enfants : “J’ai failli décéder ! Les médecins, qui ne me donnaient plus que trois jours à vivre, avaient déjà prévenu ma famille. Mon corps était vraiment malade ; mais mon cerveau refusait de l’admettre. J’ai tout simplement fait un déni de maladie, c’est ce qui m’a sauvé la vie,” raconte-t-elle.

Conformément à la législation luxembourgeoise sur l’incapacité de travail, son employeur cesse de l’indemniser au bout de quelques mois après le début de son arrêt maladie, et passe le relais à la Caisse Nationale de Santé (CNS).

Elle est alors appelée une première fois chez le médecin-conseil de la CNS, qui ne fait que constater sa maladie. À la 50ème semaine de son arrêt maladie, elle est à nouveau convoquée par la CNS, qui d’emblée l’informe qu’elle sera licenciée d’ici 15 jours, sans plus de détails.

500 euros par mois pour toute indemnité

Comme seule indemnité, on lui propose une pension d’invalidité. Le montant ? 500 euros par mois… Dans sa situation, aurait-elle pu bénéficier d’une mesure de reclassement professionnel ? En tout cas, ni son patron, ni la CNS ne semblent envisager cette mesure. Ils n’abordent pas non plus le sujet avec elle.

Le dispositif concerne pourtant les entreprises employant “un salarié incapable d’exercer son dernier poste de travail pour des raisons de santé, d’infirmité ou d’usure, sans pour autant bénéficier du régime d’invalidité,” peut-on lire sur le site du Guichet public luxembourgeois. L’objectif est pourtant clair : “faciliter la réinsertion professionnelle du salarié au sein de l’entreprise ou sur le marché du travail après une période d’incapacité de travail,” toujours selon la page du portail Guichet.lu.

Pourtant elle refuse cette “aumône“. Par fierté et par principe : elle rejette catégoriquement l’idée d’être considérée comme une handicapée. “Quand on m’a annoncé cela, j’étais sous le choc ; et j’ai vraiment senti le sol s’écrouler sous moi, ” se souvient-elle.

Du jour au lendemain, je passais du statut de malade à celui d’invalide. Avec peu de chance de retravailler dans des conditions normales. On ne m’a laissé pas vraiment laissé le choix : soit percevoir 500 euros mensuels, avec deux enfants à charge ; soit pointer en France, à Pôle Emploi”.

“J’ai tout perdu, à cause de mon cancer.”

L’agence française pour l’emploi lui octroie 980 euros d’indemnités de chômage par mois, pour une durée de 2 ans ; soit 600 euros de moins que ce qu’elle gagnait dans son dernier job. “J‘ai un crédit et un loyer sur les bras, je n’ai aucune réserve financière. je n’ai plus rien ! Je suis toujours à découvert, et ma banque n’arrête pas de m’appeler,” explique-t-elle. “Je suis actuellement dans une situation très précaire : j’ai tout perdu, à cause de mon cancer.“.

En France, elle ne bénéficie là non plus d’aucune aide sociale ; car le salaire de son mari, serveur dans un restaurant, est considéré comme trop élevé : “Pourtant, j’étais alitée et je ne pouvais pas me lever ni me laver, et encore moins faire les courses ou préparer à manger pour mes enfants,” s’indigne-t-elle.

“On est souvent très mal renseigné, mal orienté.”

Pour sa part, Pôle Emploi ne lui propose aucune mesure de réinsertion ou de réorientation professionnelle : “C’est silence radio : depuis août, je n’ai plus rien entendu de leur part,” constate-t-elle. “Toute cette situation m’a aigrie !” “On est souvent très mal renseigné, mal orienté, et peu pris en charge, il n’y n’a pas de suivi de la part des services sociaux et de l’emploi pour les personnes en longue maladie, comme moi,” s’insurge-t-elle. “Toute cette situation m’a aigrie !“.

Depuis sa rémission, elle a dû réapprendre à marcher, à manger… à vivre. Aujourd’hui en convalescence, elle compte bien retrouver rapidement un emploi. Son employeur voudrait la réintégrer ; mais ne peut que lui offrir un contrat de 20 heures/semaine.

Pour des raisons financières, elle aurait pourtant préféré un contrat de 30 heures minimum. “Avec le salaire qu’il me proposait, je gagnais autant qu’en restant au chômage,” calcule-t-elle. “Sans compter le stress des trajets, les coûts supplémentaires de nourrice et de cantine scolaire, les frais d’essence et de transport… Financièrement, je n’aurais pu assumer,” précise-t-elle.

Elle accepte quand même la proposition. Mais dès le premier jour, ses genoux gonflent ; elle se sent incapable de tenir debout plus longtemps et de terminer sa demi-journée. Elle doit se résoudre à abandonner ce travail.

Quelques semaines plus tard, elle reprend un poste, dans un autre établissement du groupe. Mais au bout de deux jours, elle est physiquement épuisée et renonce : “J’aurais aimé rester dans cette entreprise, mais je sens que physiquement, je n’arriverai plus à effectuer ce travail,” regrette-t-elle.

“Je compte bien reprendre ma vie en main.”

Depuis, bien décidée à retravailler au Luxembourg, elle multiplie les candidatures. Cette semaine, elle s’est rendue à un entretien d’embauche comme vendeuse. Géographiquement plus proche de son domicile, le job s’annonce moins stressant, et la tâche moins éprouvante physiquement.

D’autant que sur le papier, elle a l’expérience et les compétences professionnelles pour réussir. Mais elle doute tout de même de ses chances, face aux potentielles concurrentes, plus jeunes : “Avec les médicaments, j’ai pris 15 kilos ; physiquement, je me sens grosse et complexée. Et j’ai perdu confiance en moi,” déplore-t-elle.

Avec espoir, elle attend une réponse positive de cet employeur, et se dit prête à commencer le plus tôt possible. Dans le cas contraire, elle ne veut plus se laisser abattre, et compte bien persévérer dans ses recherches d’emploi : “Je me suis battue contre la maladie, et je m’en suis sortie. Maintenant, je veux désormais reprendre ma vie en main et me donner à fond pour retrouver un travail et toute ma dignité.”