Pascal, atteint de Lyme, demande « justice » au Luxembourg
Publié
par
Sarah G. Melis
le 08/09/2023 à 06:09
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C’est en 2007, alors qu’il pêchait dans la Meuse, que Pascal Giovanardi, originaire de Longwy, a été piqué par une tique, dans le dos. « J’ai enlevé la bestiole avec mes doigts », raconte-t-il. C’était sans savoir qu’elle était malheureusement porteuse de la maladie de Lyme, ou encéphalite à tique. Il n’avait que 35 ans.
Immédiatement, ce père de deux enfants est pris de violents vertiges, de maux de tête, d’un « énorme coup de fatigue ». Il décide de consulter son médecin traitant, qui détecte un érythème migrant. Dès le lendemain, les médecins l’hospitalisent, procèdent à des analyses sanguines, une ponction lombaire. Rien n’est détecté. Les années passent et ses souffrances s’accentuent, avec des vertiges toujours plus intenses jusqu’en 2013, année pendant laquelle Pascal voit sa femme partir avec ses deux enfants.
L’ambition pour moteur
Alors coordinateur de planning chez Met-Lux au Luxembourg, il s’accroche à sa carrière, maintient un rythme de travail effréné. « Je travaillais énormément, et j’aimais vraiment ce que je faisais. J’étais ambitieux, c’était mon moteur. Je touchais 4.000 euros par mois pour un poste à responsabilités et j’avais l’intention de monter toujours plus haut dans ces projets, mais je souffrais trop, c’était insupportable », raconte-t-il.
Chaque jour pour lui devient difficile à affronter, chaque trajet pour se rendre à son travail est une épreuve, et le traitement lourd qu’il prend quotidiennement n’arrange pas les choses. Pascal est pris de nouvelles douleurs, dans tout le bas du corps, il ne peut plus uriner. Son médecin traitant vérifie la présence d’une infection urinaire, mais le test, négatif, révèle une infection à streptocoques.
« J’ai été soigné par intramusculaire pour me soulager ». D’examens médicaux en examens médicaux, les médecins ne comprennent pas ce qui se cache derrière l’état de santé dégringolant de Pascal. Car la maladie de Lyme est vicieuse. « C’est une imitatrice, elle donne les symptômes de tout un tas de maladies », explique-t-il.
Après des années d’errance médicale, les médecins lui proposent finalement en 2015 de faire le test Elisa, qui doit déterminer s’il est atteint de la maladie de Lyme, ou pas et qui permet de faire d’autres examens (comme le Western Blot) ensuite, « plus poussés ». Le test, très discuté détecte difficilement l’encéphalite à tique. Il va falloir plusieurs tentatives avant d’en obtenir un positif.
Ce premier test effectué par Pascal reviendra négatif. Il attendra l’année 2017 pour se rendre en Allemagne, où des spécialistes diagnostiqueront officiellement la maladie. Sans pour autant pouvoir la soigner. « Car il faut beaucoup d’argent pour bénéficier des traitements de cette clinique », assure Pascal.
Licencié pour faute grave
Et de l’argent, il n’en a plus. Et pour comprendre pourquoi, il faut remonter à 2015, alors qu’il est en arrêt maladie après une énième hospitalisation. « J’avais reçu un courrier que je n’avais pas ouvert, car j’étais beaucoup trop affaibli », se souvient Pascal. Il avait quelques temps plus tôt pris contact avec la Caisse nationale de la Santé (CNS), l’OGBL, en vue d’une demande en reclassement interne. Ce courrier indiquait en fait que ce reclassement avait été accepté par l’entreprise.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que ce reclassement en interne « nécessitait de transmettre un nouvel arrêt de travail ». En clair, puisqu’il avait changé de poste, son arrêt justifiant son absence n’était plus valable, « mais ça, personne ne me l’a jamais dit, ni en entreprise, ni la CNS, ni même les syndicats », déplore-t-il. Sans retour rapide dans l’entreprise, Pascal est tout bonnement licencié… pour faute grave.
« Je n’ai pas compris, j”étais pourtant en bon terme avec mon patron, et je m’étais tellement battu pour mon job… Ca a été un tel choc que j’en ai pleuré, jusqu’à faire une tentative de suicide », raconte le quinquagénaire.
Faire valoir son inaptitude au travail
Pascal perd tout ce qu’il possède, doit vendre sa maison, sa voiture, mais décide de se battre, pour faire reconnaitre sa maladie. Il se sert de ses économies pour financer des expertises médicales, consulte divers spécialistes, des psychologues, des infectiologues « qui attestent tous que les souffrances n’ont rien de psychologiques, qu’elles sont réelles ». Il fait refaire les diagnostics au Luxembourg et suis « les conseils d’une avocate de l’Adem » qui lui soumet l’idée de demander une pension en invalidité au Luxembourg.
Il fournit alors tous les documents nécessaires, et rencontre un médecin du travail « qui estime que parce que je me tiens sur mes deux jambes je suis valide », ignorant ainsi toutes les expertises des médecins français et allemands. « Je touche pourtant de la France une pension pour adulte handicapé, qui n’est versée que lorsqu’un comité de médecins estime qu’il y a une incapacité ».
Alors que trois souches de Lyme sont positives dans son corps, et que son dossier médical révèle également une intoxication aux métaux lourds, le conseil supérieur de la Sécurité sociale du Luxembourg a confirmé en 2023 son refus de considérer Pascal comme inapte au travail.
Une nouvelle qui accable davantage un homme qui, dans les pires moments de sa vie, pense à se rendre en Belgique « pour demander l’euthanasie ». Pascal continue à se battre pour que le Luxembourg, pays dans lequel il a travaillé près de 20 ans, lui « rende justice et fasse preuve de plus d’humanité ».
Sa dernière carte à déployer reste la Cour européenne des droits de l’Homme : « car trop nombreux sont les frontaliers qui vivent ce type de situations », dit-il. « Ça ne peut plus durer ».
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MarcLux79
"en Allemagne, où des spécialistes diagnostiqueront officiellement la maladie. Sans pour autant pouvoir la soigner. « Car il faut beaucoup d’argent pour bénéficier des traitements de cette clinique »" elle est bien connue au Luxembourg, cette usine à fric