La Directive MCD sur le crédit immobilier transposée en droit luxembourgeois le 23 décembre 2016 vise à unifier la réglementation européenne du marché immobilier résidentiel de manière transparente et compétitive. Cela passe notamment par une meilleure information précontractuelle, un délai de réflexion spécifique et un remboursement anticipé facilité.

Amélioration de l’information précontractuelle

Dans le but d’éviter « le comportement irresponsable de participants au marché » (Directive UE considérants 3 et 4), trois étapes préalables devront être franchies avant la signature du contrat de prêt. Dans un premier temps, l’établissement financier informera sur le crédit, puis il se renseignera auprès de l’emprunteur afin de lui remettre une information personnalisée et enfin le consommateur remettra à sa banque une fiche d’information standardisée européenne (FISE).

Cette fiche permettra ainsi à l’emprunteur de comparer les différentes offres de crédit disponibles sur le marché, et d’évaluer leurs implications avant de prendre une décision éclairée.

Il est utile de relever qu’il revient à l’établissement bancaire de prouver que toutes ces étapes ont été respectées. A défaut, il s’expose à un arsenal d’amendes dressées par la CSSF allant jusqu’à 250.000,00€.

Mise en place d’un délai de réflexion, voire d’un délai de rétractation :

La Directive européenne fixe un délai de réflexion minimum de sept jours qui pourra s’exprimer selon le choix des Etats membres soit avant la conclusion du contrat de crédit, soit sous la forme d’un délai de rétractation après la conclusion dudit contrat, soit une combinaison des deux systèmes.

Ainsi au Luxembourg, le délai de validité de l’offre bancaire est de 14 jours tout comme en Belgique. En outre, la loi belge prévoit un délai de rétractation de 14 jours dès la signature du prêt, sauf si une hypothèque a été constituée sur le bien.

La banque française quant à elle devra maintenir les conditions de son offre de prêt pendant une durée minimale de 30 jours. Le client ne pourra faire part de son accord qu’après un délai de réflexion incompressible de 10 jours.

Remboursement anticipé facilité

Autrefois le remboursement anticipé était possible si le contrat le prévoyait, et contre le paiement d’une pénalité dissuasive la plupart du temps. Le prêteur était donc libre de refuser toute proposition de remboursement avant le terme du contrat.

Désormais la Directive européenne encadre cette possibilité afin de la rendre possible aux particuliers.

Ainsi, au Luxembourg, ce mécanisme est envisageable si le prêt a été contracté en vue de l’acquisition d’une habitation effective et principale pendant une période ininterrompue de deux ans au moins.

L’indemnité dévolue à la banque correspondra « à 6 mois d’intérêts sur le capital remboursé lors de chaque remboursement anticipé, calculés au taux débiteur applicable au contrat immobilier le jour du remboursement anticipé. Le présent alinéa ne s’applique pas à la fraction du montant cumulé des remboursements anticipés qui dépasse 450.000€ » (article L.226-20 du Code de la Consommation luxembourgeois).

Le législateur français quant à lui n’exige pas une condition d’habitation effective pour que soit appliqué un remboursement anticipé. La banque sera en droit de demander une indemnité « ne pouvant pas excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3% du capital restant dû avant le remboursement » (Art R.313-25 al1 et L.313-47 du Code de la Consommation français).

En outre, une banque française ne pourra pas réclamer d’indemnité suite à un « changement de lieu d‘activité professionnelle de l’emprunteur, ou de son conjoint, par le décès ou par la cessation forcée de l’activité professionnelle de ces derniers » (Art.L.313-48 du Code de la consommation français).

Alors que l’indemnité dévolue à la banque belge ne pourra pas excéder 3 mois d’intérêts. Tout comme en France, l’établissement de crédit ne sera pas en droit de demander d’indemnité dans le cas d’un « remboursement consécutif au décès, exécution d’un contrat annexé ou adjoint » (Art VII 147/12, §2,2° du Code de droit économique belge)

Remarque : La loi luxembourgeoise du 23 décembre 2016 est applicable aux contrats conclus depuis le 21 mars 2016.
L’application de la rétroactivité ne devrait pas poser de difficultés particulières pour certaines des dispositions de la loi, comme pour le droit au remboursement anticipé du crédit. Alors que la rétroactivité est vraisemblablement problématique pour d’autres articles concernant par exemple les obligations précontractuelles. Comment appliquer l’obligation d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur une fois que le prêt est en cours d’exécution ? Il faut bien croire que le juge luxembourgeois devra trancher cette question.

Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
[email protected]