TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF autrement désigné « TOC » est une affection qui se caractérise par des obsessions et/ou des compulsions répétitives. Le recours aux juridictions administratives et la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) semblerait être le remède efficace contre ce mal affectant l’administration fiscale française à l’endroit des frontaliers, expatriés et non-résidents.
 

1) Pour rappel la jurisprudence « de Ruyter » :

La CJUE avait jugé que les revenus du patrimoine d’un résident français salarié d’une entreprise néerlandaise et assujetti au régime de protection sociale néerlandaise, ne pouvait pas être soumis à la CSG – CRDS.
 

2) Traitement des réclamations post jurisprudence « de Ruyter » :

La Direction des Résidents à l’Etranger et des services Généraux (DRESG) a reçu plusieurs milliers de demandes en remboursement concernant la période d’imposition 2012-2015. Malgré la mise en place d’un dispositif 2.01 renseignant sur la documentation à fournir, les délais de traitement demeurent longuets.

L’article R.199-1 du Livre des procédures fiscales prévoit que le tribunal administratif territorialement compétent peut être saisi par le contribuable au-delà des 6 mois requis lorsque l’administration fiscale n’a pas rendu de décision endéans ce délai. Il est donc préférable d’attendre une réponse formelle de l’administration avant d’envisager la saisine d’une juridiction en vue de la restitution complète ou partielle de l’impôt.

Il est en outre utile de préciser que le prélèvement de solidarité de 2 % n’est pas restituable dans la mesure où il est affecté au financement du revenu de solidarité active (RSA) qui constitue une prestation non contributive et non pas une prestation de sécurité sociale.
 

3) Délai pour agir en remboursement du prélèvement indu sur les plus-values immobilières :

Un arrêt du Conseil d’Etat du 15 avril 2016 a donné tort au Ministre des Finances en accordant au contribuable le droit de réclamer le remboursement de l’imposition indue sur une plus-value immobilière jusqu’à la deuxième année du fait générateur. Le contribuable a obtenu gain de cause en première instance, en appel et jusqu’au dernier ressort alors que Bercy a plaidé jusqu’en cassation la tardiveté du recours.

En l’espèce, un résident fiscal au Japon a vendu en 2007 ses droits sur un immeuble parisien qu’il détenait en indivision. Ce contribuable a contesté le 28 décembre 2009 l’imposition d’un tiers prélevé sur la plus-value.

Il demandait que ce prélèvement soit calculé par application du taux de 16 % alors réservé aux résidents français (ainsi qu’aux résidents d’un autre Etat membre de l’UE, ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d’assistance administrative).

Le particulier concluait donc à se voir restituer la différence par rapport au montant effectivement acquitté. Les juges lui ont donné raison malgré l’acharnement -compréhensible vu l’enjeu- de l’administration.
 

4) Intérêts de retard dus par le fisc :

Le 25 octobre 2016, pendant la séance des questions au Gouvernement, le Ministre des Finances et des Comptes publics a confirmé que l’Etat paierait un intérêt de retard courant à compter de la date du prélèvement indu pour les années 2012, 2013, et 2014. Cet intérêt moratoire correspond au taux d’intérêt légal.
 

5) Discrimination illégale des résidents selon leur lieu d’établissement : Jurisprudence JAHIN

Bercy a créé depuis l’arrêt DE RUYTER une inégalité de traitement dans l’imposition de la CSG-CRDS entre les résidents de l’EEE et ceux domiciliés en dehors, alors qu’aucun d’entre eux ne bénéficie de prestations de la sécurité sociale française.

En l’espèce, Monsieur JAHIN résident fiscal en Chine s’est vu refuser le remboursement des prélèvements sociaux acquittés entre 2012 et 2014 sur des revenus fonciers et des plus-values immobilières au motif que la jurisprudence DE RUYTER visait un règlement communautaire qui n’est pas applicable aux résidents d’Etats tiers.

Bercy n’hésite donc pas à battre en brèche des principes juridiques fondamentaux comme la libre circulation des capitaux ou encore l’égalité des contribuables face à l’impôt.

Ainsi, un arrêt du Conseil d’Etat du 20 octobre 2014 avait déjà estimé sur la question de l’imposition de la plus-value immobilière que la différence de traitement fiscal entre les non-résidents de l’UE et les non-résidents d’Etats tiers était contraire au principe de libre circulation des capitaux prévu à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

« A situation égal, traitement égal ». Il s’agit là d’une notion phare en droit administratif français qui s’applique en droit fiscal français. En l’occurrence les résidents EEE comme les résidents hors EEE ne bénéficient pas des prestations de la sécurité sociale française. Ceux-ci doivent donc être exclus de la même manière au prélèvement de la CSG et de la CRDS, contrairement à ce que prétend le fisc français. Cette inégalité de traitement marque donc une rupture de l’égalité des contribuables devant l’impôt.

Le Conseil d’Etat, saisi d’un recours en excès de pouvoir contre un communiqué de presse du Ministère des finances dans le cas JAHIN a décidé le 2 janvier 2017 d’interroger la CJUE sur la différence de traitement réservé aux non-résidents selon leur lieu d’établissement. Affaire à suivre…
 

6) Exonération du fonctionnaire européen : Jurisprudence lobkowicz

Le fonctionnaire européen affilié au régime de sécurité sociale « des fonctionnaires et des agents de l’Union » n’est pas assujetti aux contributions et prélèvements sociaux dans l’Etat membre dont il est résident fiscal sur les revenus fonciers perçus dans ce même pays.

C’est encore une fois la CJUE qui a dû intervenir par un arrêt du 10 mai 2017 pour calmer les ardeurs de Bercy.

En l’espèce, il était question d’un fonctionnaire européen résident fiscal en France qui avait été prélevé de 2008 à 2011 sur des revenus fonciers perçu en France. Sans surprise, l’administration fiscale avait refusé de faire droit à sa demande en décharge des paiements desdites contributions.

Le fonctionnaire européen a dû son salut au juge communautaire préalablement saisi par la Cour administrative d’appel de Douai.

Est-il envisageable que l’Etat français puisse respecter les normes nationales et communautaires à l’égard de ses contribuables sans les rappels à l’ordre des juges ?

Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
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1 www.impots.gouv.fr / espace « particuliers » / « relations avec la DGFIP » / « Réclamation DE RUYTER ».

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