Depuis des décennies, le Luxembourg agit comme un aimant sur les habitants du Nord de la Lorraine. Et parmi les quelque 116.000 frontaliers français employés, rares sont ceux qui n’habitent pas aux marges des départements voisins du Grand-Duché. Sauf que ces dernières années, c’est au tour du territoire lorrain d’attirer des Luxembourgeois.

Bien sûr, le mouvement ne s’explique pas par des opportunités de carrière. Aux alentours de Longwy, Villerupt, Thionville, Metz, Val de Briey ou Bouzonville, ces résidents viennent rechercher… un toit. « C’est clairement l’accès à la propriété qui est le facteur déclenchant de ce phénomène », confirme ainsi Michaël Vollot, chargé d’études à l’AGAPE.

Pour le compte de l’Agence d’urbanisme et du développement durable de Lorraine Nord , il vient ainsi de publier un rapport sur cette « nouvelle migration ». Selon lui, de 2013 à 2023, « on peut estimer à 16.000 personnes, le nombre de Luxembourgeois qui ont fait le choix de s’établir de l’autre côté de la frontière ».

A étudier les statistiques INSEE, il est même prouvé que le phénomène ne cesse de s’accélérer. Au même rythme, en fait, que les prix des logements flambent au Grand-Duché. « Juste entre 2023 et 2018, le nombre de résidents qui ont fait ce choix a doublé par rapport à la période précédente. »

Un afflux à maîtriser

Est-ce là une aubaine pour les territoires nord-lorrains ? Pas si sûr. « Cet afflux constitue une pression démographique et immobilière supplémentaire sur des villes et des villages qui avaient déjà du mal à loger les nouveaux frontaliers pressés de se rapprocher du Luxembourg pour passer moins de temps dans les transports. »

Les deux flux (frontaliers + ex-résidents) se rejoignent donc sur un territoire qui voit, à son tour, les coûts des biens immobiliers grimper en flèche. «Les prix montent d’autant plus qu’il s’agit de populations avec des revenus moyens plus confortables que les locaux travaillant en Lorraine », note le chargé d’études.

Pour les élus de ces zones frontalière, il faut donc prendre la mesure de ce parachutage de familles luxembourgeoises dans le paysage. « Pas simple car ces néo-habitants ont des profils pas forcément identiques à la majorité de la population traditionnelle ».

Michaël Vollot a ainsi constaté que les « nouveaux arrivants du Luxembourg » étaient plus jeunes que leurs voisins ‘’français’’ (92% ont moins de 30 ans), sont plus diplômés et sont employés dans des catégories socio-professionnelles plus élevées.

On retrouve également une bonne part de résidents luxembourgeois aux racines portugaises, moins aisés, et qui ne trouvent plus à se loger là où leurs familles avaient pris racines, à Esch, Dudelange ou Differdange. « Autant de profils particuliers qui ont quoi créer des différences de mentalités autant que de moyens financiers. »

Mais surtout cela créée de nouveaux besoins en termes de logements. De nature de logements comme de taille. « Ces nouveaux arrivants du Luxembourg vont s’orienter plus largement vers des constructions plus petites, plus récentes et plutôt dans le parc privé locatif (52%). Mais 45% d’entre eux deviennent aussi directement propriétaires d’un bien. »

Pour les communes, les acteurs publics ou privés de l’habitat, il faudra donc veiller à pouvoir disposer de c e type de bien pour accueillir ces demandeurs. «Mais il est aussi fondamental de développer une offre locative, sociale notamment, qui joue un rôle d’amortisseur pour les ménages modestes et intermédiaires français.»

Cela sans même parler de l’accès à la scolarité pour les enfants, l’offre de services et autres conditions de vie qui font que cette implantation s’enracine dans le temps.

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