Née en Ukraine, Lena entreprend des études de styliste dans son pays natal. À l’époque, ses professeurs lui recommandent d’entamer une carrière au Luxembourg, alors considéré comme ouvert aux artistes et plus spécialement à l’art contemporain : “On nous disait qu’il existait des opportunités culturelles et financières de se réaliser comme artiste, avec un état d’esprit réceptif à la nouveauté et aux arts d’aujourd’hui”, précise-t-elle.

En 2000, avec pour tout bagages un diplôme partiellement reconnu en Europe de l’Ouest, un français de niveau scolaire et une forte volonté de réussir, elle part tenter sa chance au Grand-Duché.

Elle prend un logement en France – dans la région de Briey, où elle habite encore actuellement – et poursuit sa formation auprès d’un institut de mode luxembourgeois.

Couture

Pendant plusieurs années, elle travaille comme styliste freelance en France et au Luxembourg, dessinant pour des maisons de couture, principalement basées à Paris et dans la Grande Région. À la naissance de son enfant, elle abandonne ce métier, dont les impératifs professionnels devenaient incompatibles avec sa nouvelle vie de famille.

Elle se place alors comme vendeuse dans des boutiques de prêt-à-porter, au Grand-Duché. Jusqu’à ce jour de 2009, où son patron souhaite prendre sa retraite et lui céder son fonds de commerce de Dudelange. Elle accepte l’offre et devient gérante du magasin, sans aucune expérience dans le domaine.

La clientèle, majoritairement senior, lui reste fidèle. Et tout semble rouler. Mais les effets de la crise économique, qu’elle subit de plein fouet, vont l’obliger à revoir son concept et son positionnement : “Nous étions en plein dans la tourmente. C’était très difficile. Aussi nous devions soit nous adapter aux nouveautés, soit disparaître. On a osé, on s’est parfois trompé, on a fait des erreurs et on les a payées, parfois lourdement ; on a parfois très mal dormi certaines nuits ; mais on a su avancer”, résume-t-elle.

Coup de jeune

Face aux difficultés, elle envisage même de jeter l’éponge. Elle prend cependant le parti d’innover, et de cibler une clientèle plus jeune. Rapidement, les rayons et les mannequins s’égaillent. Les costumes, chemises et cravates plus classiques et formels sont alors obligés de partager leurs étagères avec des vêtements plus sport et décontractés, plus modernes, urbains et plus colorés aussi.

Ses clients de longue date apprécient et acceptent finalement eux aussi de diversifier leur garde-robe : “Ils nous ont suivis dans cette diversification, ils ont bien réagi à nos conseils et à nos offres. Avec la crise, nous n’avions pas le choix et étions un peu forcés de nous adapter”, s’excuse-t-elle presque.

Parallèlement, elle revoit sa communication : elle crée son site Web, ouvre sa page Facebook et un compte Instagram, et passe en mode électronique pour échanger directement avec ses clients, remarquant au passage que les plus âgés d’entre eux, et pas seulement les plus jeunes, ne jurent de plus en plus que par les mails et les médias sociaux.

Coup de poker

Autre coup de poker : à l’époque, elle décide de répondre à un appel d’offre de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui souhaite rhabiller une partie de son personnel (huissiers, chauffeurs…), avec des costumes légers et sur-mesure. Appel d’offre qu’elle remporte haut la main : “Face aux autres enseignes déjà bien implantées auprès des institutions européennes, nous – petite structure de commerce d’une ville moyenne de Luxembourg – nous sommes lancés dans l’aventure sans trop vraiment y croire”, se rappelle-t-elle.

Une victoire qui a contribué à renforcer l’estime personnelle de la commerçante, et qui l’a confortée dans ses projets : “Malgré notre petite taille, nous avons pu prouver que nous avions les reins suffisamment solides pour tenir nos promesses et remplir notre contrat, à savoir réaliser, livrer, puis ajuster tous ces costumes sur des centaines de personnes”, se félicite-t-elle.

Aujourd’hui encore, elle continue à confectionner les costumes du personnel de ce gros client. De bouche à oreille et de fil en aiguille, les trois sites du Parlement européen (Bruxelles, Luxembourg, Strasbourg), des ambassades, puis la Philharmonie du Luxembourg ont pris place dans son carnet de commandes.

Coups de coeur

Depuis la reprise du magasin il y a sept ans, elle dit avoir beaucoup appris, non pas de ses succès, mais bien de ses échecs : “Ces difficultés et ces doutes, nous ont à chaque fois poussés à rebondir ; sans eux nous aurions certainement disparu”, constate-t-elle. “Il ne faut jamais dire que c’est la fin : il y a toujours une solution ; il faut oser, suivre ses rêves, ses coups de cœur, et les réaliser, sans se reposer sur ses lauriers”.

Aussi, elle ne compte pas s’arrêter là. Parmi les nombreux projets de cette ancienne styliste, un lui tient plus particulièrement à cœur :  retourner à ses premières amours. Elle prépare sa propre collection de prêt-à-porter féminin ; avec des vêtements qu’elle confectionnera dans l’atelier de son arrière-boutique, et qu’elle proposera, dès 2018, directement dans son magasin ou sur catalogue.