Professeur des écoles, Ludovic effectue sa deuxième rentrée à l’Ecole française Vauban, qui vient de déménager à Gasperich. Il enseigne depuis bientôt neuf ans dans des classes de primaire. Et contrairement à ses collègues luxembourgeois, qui reprennent le chemin de l’école ce vendredi, il a investi sa nouvelle classe, lundi dernier déjà, dans les bâtiments flambant neuf et modernes du nouveau site scolaire.

Le choix des Ecoles françaises

Originaire de Sarreguemines, ce trentenaire a directement entamé sa carrière à l’étranger, au sein du réseau des Ecoles françaises. En Italie tout d’abord ; un pays qu’il a découvert dans le cadre de ses études, au cours d’un séjour Erasmus, et où il restera trois ans : à Rome, puis à Turin.

À la fin de son contrat, il rentre en France, et enseigne quatre ans en Lorraine, en attendant d’obtenir une nouvelle affectation. Fin 2015, il reçoit le feu vert du Ministère de l’Education Nationale, qui l’envoie au Luxembourg, à compter de la rentrée 2016.

Quand on a commencé à travailler dans une Ecole française à l’étranger, dans un contexte multiculturel riche, avec des moyens pédagogiques et financiers que l’on ne trouve pas nécessairement dans les établissements de l’Hexagone, c’est difficile de changer. J’avais donc envie d’intégrer à nouveau ce type d’établissement”, explique-t-il.

24 élèves, 14 nationalités

Là, on lui confie une classe de 24 gamins de 8-9 ans. 14  nationalités y sont représentées : luxembourgeoise, française, belge, italienne, tchèque, hongkongaise, néerlandaise, congolaise, haïtienne, polonaise, danoise, malgache, cambodgienne, cap-verdienne… Loin des quatre ou cinq auxquelles il avait auparavant été habitué.

Il décide alors de mettre à profit cette diversité culturelle, pour lancer un projet qui lui tenait à cœur depuis plusieurs années déjà : réaliser un film avec ses élèves, sur le respect de l’autre et le vivre ensemble. Il soumet l’idée à sa direction, aux enfants, puis aux parents. Les adultes valident et les enfants sont d’emblée partants.

Il contacte alors un ami d’enfance, passionné de vidéo, à qui il confie le tournage, les prises de vues et le montage du film. Il organise ensuite plusieurs rencontres avec le cinéaste, avec lequel la classe entière découvre le matériel, et s’initie aux techniques de tournage et de prises de vues.

Un vol de yaourt à la cantine

Les acteurs tout trouvés, le technicien recruté, le matériel dispo… Il ne restait plus qu’à construire le scénario. Au bout de plusieurs brainstormings, l’histoire prend peu à peu forme: suite à un banal vol de yaourt à la cantine, toute la classe se réunit en “congrès“, pour régler le différend.

La salle de cours est transformée en hémicycle, comme à l’ONU ; les représentants de chaque pays, leur drapeau posé sur leur pupitre, prennent tour à tour la parole.

L’assemblée est tout d’abord divisée : avec ceux qui accusent et ceux qui se défendent. Après un déballage de toutes les rancœurs accumulées, les enfants trouvent rapidement un terrain d’entente.

L’affaire se règlera finalement hors de l’école, au cours d’une partie de ballons.

La force des enfants c’est de ne pas avoir de rancune et de pouvoir régler les problèmes d’une manière différente que celle des adultes”, note Ludovic, qui s’est basé sur les mésaventures vécues par les élèves, dans l’enceinte et hors de l’école, pour peaufiner le scénario.

Un court-métrage de 11 minutes

Le tournage débute fin décembre 2016, dans la classe, et en extérieurs, autour de la philharmonie principalement. Les élèves choisissent la musique et créent les affiches. Et après quelques mois de montage, le film est enfin prêt en mars 2017.

Le court métrage de 11 minutes s’intitule “Le Congrès des Nations amies. Initialement, le projet ne devait pas sortir de l’école. Mais entretemps, Ludovic découvre l’existence du Festival du court-métrage scolaire francophone, CinéCourts en Herbe.

Organisée par les Lycées français de Bruxelles et de Stockholm, la manifestation cinématographique vise à mettre en lumière la richesse de la production artistique des élèves de la zone Europe du Nord et Scandinavie. Les films du festival sont réalisés par des élèves de 6 à 18 ans des classes de français de toute l’Europe. Environ 120 films issus de 19 pays y sont présentés.

Prix spécial du jury

Il décide donc de proposer le film. En avril 2017 a lieu la remise des prix, à Stockholm ; non pas dans la mairie de la capitale suédoise, où se déroule l’attribution des Prix Nobel… Mais dans un cinéma. Pour des raisons logistiques, seuls Ludovic et le cinéaste s’y rendent. Aucun élève ne les accompagnera.

À leur grande surprise leur œuvre reçoit le Grand Prix de Stockholm, en quelque sorte un prix spécial du jury, précise l’enseignant.

À leur retour au Luxembourg, c’est la fête. Une fierté pour les enfants et les parents ; mais aussi une belle réussite pédagogique pour Ludovic : “Cette expérience m’a permis de fédérer des enfants de culture et de nationalité différentes autour de valeurs comme la tolérance, le respect de l’autre, et le vivre ensemble, sur la base de nos différences culturelles”, reconnaît-il.

De leur côté, les parents et la direction de l’Ecole ont pu observer des changements dans les comportements des gamins, grâce à ce projet : “En début d’année, les disputes étaient régulières et les mots méchants fusaient très souvent. Avec le film, l’ambiance de la classe a changé : les enfants ont appris à se respecter et à s’entraider”, note l’instituteur.

Une expérience qui a été plus que formatrice pour lui aussi : “Ce que j’ai le plus appris : c’est que quand on réussit à soigner le vivre ensemble, on peut aller n’importe où. On peut pratiquement tout faire et tout réussir. C’est la base de toute la vie en communauté, et je pense que les enfants se rappelleront encore longtemps de ce projet”, estime-t-il.