Le dossier des bourses scolaires, posé sur le bureau de Nathalie*, est une compilation imposante de feuilles minutieusement classées au fil des échanges téléphoniques, des sms, des mails envoyés entre la France, la Belgique et le Luxembourg. L’imbroglio administratif entre les trois pays a durée près de trois mois. Le dossier est épais et lourd.

Cette maman a bien cru ne jamais s’en sortir : « Avec le recul, je pense que ma situation est un cas d’école » évoque-t-elle avec philosophie reconnaissant tout de même « qu’elle aurait pu tout abandonner face à l’incompétence de certaines personnes et services » .

Justificatif qu’il n’y aura pas de doubles bourses

Nathalie est belge et travaille au Luxembourg dans un cabinet d’avocat depuis plus de 20 ans. Son époux est employé en Belgique et possède « le statut frontalier dit ancien jusqu’en 2033 » éclaircit-t-elle. Le couple a choisi de s’installer en France près de la frontière belge et luxembourgeoise. Ils sont parents de deux enfants de 20 et 23 ans. Théo* l’aîné fait des études d’ergothérapeute à Liège. Le second, diplômé dans la restauration travaille dans le sud de la France.

Comme tous les parents frontaliers, Nathalie a fait sa demande pour obtenir une bourse pour financer les études supérieures de Théo. Appartements à louer sur place d’environ 400 euros, frais de repas et de scolarité, etc. L’université à Liège lui précise d’emblée que son enfant n’aura pas d’aides financières du pays : « il ne rentrait pas dans les conditions d’admission. Je n’ai pas été tout à fait surprise par ce retour négatif ». Par conséquent, elle fournit ce justificatif au CEDIES (Centre de documentation et d’information sur l’Enseignement supérieur) au Luxembourg prouvant que Théo ne bénéficierait pas de double bourses ; une en Belgique et une au Luxembourg.

Une affaire vite expédiée par le Luxembourg

Mais voilà, résidente en France, le Luxembourg lui mentionne via un mail « express » que pour prétendre à la bourse scolaire, elle doit fournir non pas un document de l’université de Belgique mais une notification émanant du Crous – Centre régional des œuvres universitaires et scolaires – en France par le biais de Parcoursup mentionnant que Théo n’aura pas le droit aux bourses. « Nous sommes belges et j’avoue que le Crous et Parcoursup, on ne savait pas de quoi on nous parlait jusqu’à ce que l’on mette le nez dedans ».

Inscription et études “fictives”

C’est le début de la galère. Nathalie découvre la plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur en France – Parcoursup : « C’est une usine à gaz. Je tire mon chapeau aux frontaliers français. Plus compliqué, ça n’existe pas » observe-t-elle. Son objectif ? Obtenir une notification de refus de bourses en France et un numéro d’identifiant pour son fils.

Apres quelques soirées de connexion sur Parcoursup à remplir des cases précisant des études « inutiles » , puisque son fils était étudiant en Belgique, Nathalie finalise une inscription qu’elle juge un peu « fictive ». Logique ou pas ? Elle ne se pose plus la question ; elle avance.

Elle perd patience et se fâche…

Après quelques semaines d’échanges par mail, d’appels téléphoniques avec les organismes s’occupant des études supérieures en France, ceux-ci lui confirment par mail que « suite à de nombreux abus, les notifications et les numéros d’identifiants ne sont pas fournis aussi facilement ».

La frontalière belge commence à se fâcher et à perdre patience : « Je ne vois pas où est le problème ?, s’indigne-t-elle, pointant le fait à l’agent à l’autre bout du téléphone que le document doit juste indiquer que son fils ne reçoit pas de bourses en France. « Je demande que l’on me confirme par écrit une vérité, ce n’est pas sorcier ».

La communication entre elle et le Crous est définitivement rompue ; ni l’un, ni l’autre n’ayant décidé de baisser la garde ! Force est de constater que pour Nathalie, c’est un retour à la case départ.

Elle tente “le tout pour le tout

Comment se sortir de cette situation ubuesque entre la France et le Luxembourg ? La frontalière belge a pensé, à un moment,  baisser les bras. Désespérée par ces correspondances n’aboutissant à rien, elle décide d’en parler au maire de sa commune où elle réside en France : « Je ne savais plus trop à quelle porte frapper. J’ai tenté le tout pour le tout ».

Ses dossiers administratifs sous le bras, elle se rend donc chez le maire. Étonnement, celui-ci a travaillé au Crous durant sa carrière professionnelle « Une bonne nouvelle à laquelle je ne m’attendais pas » . Le premier édile n’hésite pas à décrocher son téléphone pour la mettre en lien avec un responsable de l’organisme. Le lendemain, Nathalie recevait dans sa boîte mail une notification et un numéro d’identifiant pour son fils lui déclenchant l’obtention des bourses pour les études supérieures au Luxembourg d’un montant de près de 3000 euros par an.

Que retient-elle de sa mésaventure ? Nathalie avoue sans ambages que le manque de communication a été à l’origine de ses déboires précisant que dès que le cas est un peu compliqué « la situation devient inextricable. Je ne sais pas si c’est un manque de compétences ou de connaissances » rappelant cette expression : « L’espérance ne mène à rien, mais la persévérance mène au droit chemin ».

 

Nb : *Théo et *Nathalie sont des noms d’emprunt

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