Paul (52 ans) est commerçant. Ancien indépendant, il est franchisé depuis plus d’une dizaine d’années. Établi dans le centre-ville de la capitale, il fait partie d’une enseigne internationale spécialisée dans la mode masculine et féminine.

La fin de l’indépendance… À Thionville

Originaire de la Vallée de la Fench, petit-fils et fils de commerçants indépendants, il a d’abord repris le fonds familial à Hayange, avant de partir s’installer dans le centre de Thionville, suite au déclin industriel de la région. Au bout de quelques années, la crise économique frappe aussi les commerçants de la ville : “À l’époque, Thionville était vivante. 15 ans après elle est devenue morte”, regrette-t-il.

En cause, selon lui la multiplication des centres commerciaux, qui attirent à eux les grandes enseignes et les magasins haut de gamme. Le tout au détriment des petits, qui disparaissent et des centres-villes qui se vident. “Le commerce indépendant est en voie d’extinction. Car les clients préfèrent acheter des marques leader mondiales, et tendent tous à consommer de la même façon, ce qui amène la disparition des autres labels.”.

Trois franchises… À Luxembourg

Il se tourne donc vers la capitale luxembourgeoise, et passe la frontière en 2002, pour y lancer une nouvelle structure, seul avec une vendeuse à mi-temps.

Profitant de la prospérité de pays, il y ouvre deux autres enseignes. Mais au bout de quelques années, il doit liquider l’une, et céder l’autre à une de ses anciennes employées.

Pour préserver son troisième magasin, il décide dans la foulée d’abandonner son statut d’indépendant et de rejoindre le réseau de franchise avec lequel il collabore encore aujourd’hui.

À Luxembourg, j’ai l’impression de revivre ces déclins que j’ai connus en France. Là aussi, la situation se dégrade rapidement. Certes, le commerce est en perpétuelle évolution. Et il faut s’adapter en permanence, car les goûts, les clients et la demande changent”, estime-t-il. “Mais quand il y a une baisse de fréquentation dans les centres villes, les premiers fusibles qui sautent sont les indépendants”.

Dans un centre commercial… À contrecœur

Aussi, en accord avec sa franchise, il a récemment décidé d’ouvrir une seconde boutique dans une galerie commerciale hors du centre-ville. Il négocie actuellement les termes du contrat.

Ce que cela va changer pour lui ? “Plus de travail et une extension des plages horaires pour ses employées. Il faut savoir que dans les grandes surfaces on ne peut s’installer que si on est une enseigne internationale. Les indépendants n’ont pas leur place dans ces galeries marchandes” note-t-il.

En tant que franchisé, la gestion d’une boutique semble pourtant plus facile : “Quand vous travaillez avec un groupe international, vous bénéficier de son assistance qu’il s’agisse du fonctionnement de votre boutique, de la communication, des actions commerciales… Ce schéma a fait ses preuves. Il suffit donc d’être un bon soldat et de bien appliquer les règles qu’on vous dicte. Et si vous tombez sur une bonne franchise tout se passe bien”, explicite-t-il. “Et par définition, avec une enseigne mono-marque, vous avez moins de travail qu’avec un magasin indépendant qui vend 25 marques différentes”.

La vente de glaces… Ailleurs

Envisage-t-il un jour de transmettre son commerce à ses deux enfants ? “Issu de la troisième génération d’une famille de commerçants, je sais que mes enfants ne feront pas ce métier. Je ne les encourage pas à faire du commerce. Je sais que je ne leur transmettrai rien du tout, car je ne leur souhaite pas ma situation”, admet-il. “ Financièrement, c’est trop dangereux. Et si dans le temps, les commerçants gagnaient bien leur vie, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Maintenant, on nous demande de travailler le dimanche. On est déjà ouverts six jours sur sept. Cela en devient ingérable”.

Si ses projets commerciaux venaient à battre de l’aile, il pourrait quitter le pays. “A plus de 50 ans, ce n’est pas évident de redémarrer un nouveau commerce au Luxembourg. Si cela ne devait pas fonctionner, je me vois bien changer de continent, aller en Asie par exemple, pour vendre des glaces, là où il fait beau et chaud”.

Un rêve de commerce indépendant… À visage humain

Son concept il l’a déjà en tête : “Un projet qui repose sur des bases plus simples, plus humaines, contrôlables, avec moins de contraintes et de stress. Un véritable commerce indépendant, à ma façon et à mon petit niveau”.

S’il ne souhaite pas transmettre ses entreprises actuelles, comment se voit-il les clôturer ? “On n’a plus cette vision, comme auparavant de lancer son affaire, de la développer et de faire carrière avant de revendre son fonds de commerce. Aujourd’hui planifier sa succession et la transmission de son commerce ne sont plus possibles, car on n’a plus de visibilité à long terme. Quand, je partirai, j’afficherai tout simplement le panneau de ‘FIN’ et je baisserai définitivement le rideau.”