Deux pétitions réclamant un statut unique et pointant l’inégalité dont sont victimes les célibataires et monoparentaux ont retenu une grande attention et ont été débattues récemment à la Chambre des Députés, engageant le Gouvernement à présenter un projet de réforme fiscale dès 2026. Une seule classe d’impôt se traduira forcément par l’application d’un seul barème permettant un traitement individuel et équivalent pour l’ensemble de tous les contribuables redevables de l’impôt sur le revenu qu’ils soient célibataires, pacsés ou mariés.

Ce statut fiscal identique pour tous conduira-t-il à la justice fiscale espérée ?

Notre régime fiscal actuel

Au Luxembourg, le régime fiscal actuel est basée sur l’attribution de 3 différentes classes d’impôt, et l’application d’un barème progressif.

Les classes d’impôt tiennent compte de la situation matrimoniale, du statut parental, du statut fiscal et de l’âge du contribuable et prévoient 3 approches différentes lors de la détermination du revenu imposable en vue de l’application du barème progressif.

En classe d’impôt 1, l’imposition se fait selon le barème progressif.

En classe d’impôt 1a, l’imposition se fait selon le barème progressif avec application préalable d’un abattement qui diminue le montant imposable.

En classe d’impôt 2, l’imposition se fait selon le barème progressif mais avec le bénéfice du «splitting». En classe 2, le revenu imposable est divisé en deux parts et chaque part profite individuellement de la progressivité des tranches du barème. Ainsi il y a 2 tranches de 12.438€ qui sont soumis au taux de 0%, 2 tranches de 2.070€ qui sont soumis au taux de 8% et ainsi de suite.

L’attribution des classes d’impôt se fait selon le tableau repris ci-suit :

La différence des charges d’impôt en fonction des classes d’impôt est reprise dans le tableau suivant (Fonds pour l’Emploi inclus) :

L’abattement extraprofessionnel de 4.500€ est accordé automatiquement aux époux et partenaires imposables collectivement et touchant tous les deux des revenus professionnels soumis à cotisations sociales. Il est accordé sur demande aux époux et partenaires imposables collectivement dont l’un réalise un revenu professionnel soumis à cotisations sociales et l’autre perçoit depuis moins de 36 mois au 1er janvier de l’année fiscale concernée un revenu résultant de pensions ou rentes.

Le souci d’équité fiscale et le caractère social de notre régime actuel se confirment également par l’octroi de nombreuses modérations d’impôt diminuant le revenu imposable et également par l’octroi de plusieurs crédits d’impôt.

L’analyse sommaire de notre régime fiscal actuel étant faite, penchons-nous, en second lieu, sur les conséquences possibles de la mise en place d’un régime unique.

Le remplacement de notre régime fiscal actuel pour un régime d’imposition individuelle

L’application d’un seul barème permettant un traitement individuel et équivalent pour l’ensemble de tous les contribuables redevables de l’impôt sur le revenu qu’ils soient célibataires, pacsés ou mariés mettra fin à la différenciation résultant des traitements spécifiques des différentes classes d’impôt.

La suppression de l’allègement fiscal obtenu par les classes 1a et 2, permettra, en principe, de répercuter ce gain au profit d’un allègement global du barème individuel ou/et de mettre en place des abattements ou autres dispositions afin de répondre à des situations contributives spéciales.

Les contribuables imposés en classe 1 de notre régime fiscal actuel profiteront de la disparition des classes 1a et 2 tandis que les autres contribuables imposés en classe 1a ou 2 verront, en principe, leurs charges fiscales augmenter.

L’approche sera individuelle et non plus collective.

L’octroi de modérations d’impôt diminuant le revenu imposable tout comme l’octroi de crédits d’impôt spécifiques pourra être reconduit dans le cadre du régime d’imposition individuelle.

Quelle est la différence de l’imposition collective par rapport à l’imposition individuelle ?

«Mariez-vous et vous payerez moins d’impôt !»
Tel est le conseil actuellement donné à deux célibataires imposés en classe 1 afin de bénéficier des bienfaits de l’imposition collective en classe 2. L’imposition collective permet en effet de bénéficier du splitting de la classe 2 et éventuellement de l’abattement de 4.500€ si les deux célibataires perçoivent des revenus professionnels soumis à cotisations sociales.

Le tableau suivant reprend trois exemples chiffrés :

En classe 2, les deux salaires imposables sont additionnés, diminués de l’abattement extra-professionnel de 4.500€ et divisé par 2. Il y a donc aussi bien le bénéfice d’un abattement que celui de la moyennisation du taux d’imposition.

S’il n’y a qu’un salaire, celui-ci est splitté en deux tranches qui elles profitent chacune isolément de la progressivité des taux du barème.

Dans le cas où les deux salaires sont identiques, il n’y a pas d’effet de moyennisation du taux d’imposition mais uniquement le bénéfice de l’abattement extra-professionnel qui diminue l’imposable.

Ces deux avantages disparaitront dans le cadre d’une imposition individuelle. Une imposition individuelle ne règlera pas, par elle seule, les problèmes des monoparentaux, des frais du logement ou des frais des enfants à charge du ménage.

Recherchons donc, en troisième lieu, les réponses aux problématiques qui ont fait débat à la Chambre des Députés.

La recherche de l’équité fiscale

Le même régime fiscal doit s’appliquer à l’ensemble des contribuables se trouvant dans la même situation et l’impôt doit être justement réparti entre tous les citoyens selon leurs facultés contributives.

L’imposition individuelle s’intéresse à la faculté contributive de l’individu tandis que l’imposition collective à celle du ménage fiscal.

Les approches sont différentes et justifiables mais créent des disparités non négligeables.

Ainsi un même ménage percevant le même revenu imposable payera un impôt global plus élevé en imposition individuelle qu’en imposition collective du fait de la perte de l’effet de moyennisation du taux d’imposition.

Le tableau suivant reprend les situations possibles d’un ménage percevant collectivement 120.000€.

Ainsi pour la même faculté contributive mais selon une répartition de la provenance de revenu différente, l’imposition individuelle entrainerait une hausse d’impôt allant de 1.877€ à 14.273€.

Force est de constater que même si l’augmentation de l’impôt de 1.877€ sera fort probablement gommée par un allègement généralisé du barème rendu possible par la disparition des classe 1a et 2, la différence d’impôt affectant un ménage ayant le même pouvoir d’achat mais une provenance différence de ses revenus risque d’être très significative.

Les exemples repris dans le tableau suivant montrent que l’imposition individuelle est bien moins pénalisante pour les individus percevant de gros revenus étant donné que l’absence de l’effet de moyennisation du taux d’imposition leurs est bien moins préjudiciable.

En effet, la différence de 2.058€ ne provient pas de l’imposition individuelle mais de l’absence de l’abattement extraprofessionnel de 4.500€.

Les frontaliers mariés ou pacsés face à l’imposition individuelle

La grande majorité des frontaliers mariés demande l’assimilation au résident afin de passer de la classe d’impôt 1 en classe d’impôt 2 mondialisée.

Les revenus luxembourgeois du ménage fiscal étant souvent supérieurs aux revenus non-luxembourgeois, cette option leurs permet de bénéficier d’une moyennisation favorable du taux d’imposition et de réduire ainsi leurs charges fiscales de façon conséquente.

L’introduction du régime d’imposition individuelle mettra fin à cette option.

De plus, afin de bénéficier des bienfaits de l’assimilation aux résidents, il suffit qu’un seul des époux/partenaires remplisse les conditions de l’article 157ter LIR. Cette possibilité disparaitra également en cas d’abandon du régime d’imposition collective et un des deux contribuables pourra éventuellement être privé de la possibilité d’assimilation au résident.

Les contrats d’épargne-logement et prévoyance-vieillesse face à l’imposition individuelle

L’Etat luxembourgeois favorise certains produits d’épargnes dont les modalités et les plafonds déductibles sont définis par les articles 111 LIR et 111bis et 111ter LIR.

En épargne logement, le plafond déductible est fixé en fonction de l’âge du souscripteur adulte le plus jeune, montant multiplié par le nombre de membre du ménage fiscal pour autant que le contrat soit établi au nom d’un des deux conjoints/partenaires ou au nom d’un enfant ayant moins de 18 ans.

Le plafond individuel en prévoyance-vieillesse est de 3.200€ par conjoint/partenaire.

Le gain fiscal est relatif au taux marginal du contribuable.

Le tableau repris ci-dessous indique la différence des taux marginaux et fonction d’une imposition collective et imposition individuelle.

La suppression du régime d’imposition collective va mettre à mal le rendement fiscal des contrats souscrits par des conjoints/partenaires percevant des revenus plus faibles ou ne percevant pas de revenus.

De nombreux contrats épargne-logement souscrits à un seul nom mais profitant du plafond déductible de l’ensemble du ménage devront être revus voire splittés étant donné que le plafond déductible en imposition individuelle change et le doublement du plafond de montant déductible bénéficiant à l’ensemble des membres du ménage si l'âge du souscripteur est de 18 à 40 ans accomplis au début de l'année d'imposition sera également remis en question pour une partie des contribuables en cas d’imposition individuelle.

Les répercussions possibles par suite du passage du régime d’imposition actuel vers un régime individuelles risquent d’être très importantes et de ne pas réjouir tout le monde.

La question se pose donc si une meilleure équité fiscale sera effectivement obtenue grâce à la mise en place d’un régime d’imposition unique ou s’il n’est pas préférable de maintenir le régime actuel tout en corrigeant ses imperfections.

Reconsidérons maintenant de près les revendications des deux pétitions et penchons-nous finalement sur des pistes/mesures tangibles.

Les revendications des deux pétitions réclamant un statut fiscal unique

La première pétition met en avant l’injustice fiscale subie par les célibataires ou les monoparentaux face à une situation financière plus difficile du fait de la charge d’un logement non partagé ainsi que de la charge d’enfants.

La seconde pétition met l’accent sur les enfants en tant que victimes principales de l’inégalité fiscale. Le système fiscal ne doit, selon elle, plus considérer la famille selon l’état civil. Ainsi, le fait d’être marié ou non ne doit pas être un critère mais plutôt le fait d’avoir des enfants.

L’injustice fiscale subie par les monoparentaux

Depuis de très nombreuses années, le doigt est clairement pointé sur la classe d’impôt 1a dont le mode de fonctionnement ne permet pas de répondre à la situation des monoparentaux.

Accordée également aux célibataires de plus de 64 ans ainsi qu’aux veuf(ve)s, la classe 1a permet une imposition selon barème progressif comme en classe 1 mais accorde préalablement un abattement diminuant l’imposable.

Un regard jeté au tableau reprenant la différence des charges d’impôt selon classes d’impôt indique que le mode de calcul de l’abattement accordé ne permet pas de créer une différentiation conséquente par rapport à la classe d’impôt 1.

Il est ainsi à première vue tout à fait compréhensible que les monoparentaux revendiquent un traitement fiscal en classe 2.

L’injustice subie par les célibataires du fait des charges d’un logement non partagé

Plus qu’une injustice, les frais des charges d’un logement au Luxembourg sont devenus un réel fléau et il est tout à fait compréhensible que les célibataires subissant seuls ces charges s’en sentent fortement pénalisés et aspirent à un allégement fiscal.

La mise en place d’un allègement fiscal par enfant à charge

La problématique actuelle des monoparentaux montre clairement que la classe d’impôt 1a n’est pas adaptée et doit être remplacée par une solution plus équitable. L’allègement fiscal du fait de l’abattement est bien trop faible au-delà d’un revenu annuel de 30.000€. De plus, le nombre d’enfants à charge n’a aucune incidence sur l’impôt à payer.

Les contribuables mariés/pacsés ayant des enfants à charge profitent des bienfaits de la classe d’impôt 2, mais comme pour la classe d’impôt 1a aucune différenciation n’est faite en fonction du nombre d’enfants à charge.

Une meilleure équité fiscale serait rendue possible par une prise en compte des enfants présents dans le ménage lors du splitting, chaque enfant donnant, par exemple, droit à une demie part.

Cette disposition existe dans le système fiscal de nos voisins français et permettrait de bénéficier des splittings suivants :

Pour rappel, en classe 1, le revenu imposable est directement soumis aux taux du barème progressif. En classe 2, le revenu imposable est divisé en deux tranches qui profitent isolément de la progression des taux.

La nouvelle disposition permettrait, par exemple, au monoparental avec deux enfants à charge de bénéficier d’un traitement fiscal identique à la classe 2.

Un couple avec 2 enfants à charge bénéficierait même d’un splitting par 3.

Le tableau suivant reprend les différentiations rendues possibles :

1ère mesure

La suppression de la classe d’impôt 1a et la mise en place d’un système de splitting élargi mettrait fin au traitement fiscal injuste des monoparentaux et permettraient de réduire la charge fiscale en fonction du nombre d’enfants à charge du ménage.

L’attribution du régime fiscal en fonction de la composition du ménage et non en fonction du statut matrimonial

Comme revendiqué à juste titre dans une des pétitions, ce n’est pas le fait d’être marié, pacsés ou simple cohabitant qui doit peser sur les critères d’imposition mais la composition du ménage et le fait d’avoir des enfants ou non.

L’importance ainsi que la répartition des frais sont en étroite relation avec la composition du ménage et l’équité de la charge fiscale à supporter par le contribuable semble plus facile à atteindre par une approche ménage que par une approche individuelle.

2e mesure

Cette seconde mesure de prise en compte, non pas de l’état civil mais plutôt de la composition du ménage, vient en complément à la première prônant un système fiscal ne devant plus considérer la famille selon l’état civil mais plutôt le fait d’avoir des enfants.

La mise en place d’une modération importante pour frais de logement

Le malaise vécu du fait des importants frais de logements, d’autant plus pénalisants en cas de logement non partagé, mérite une réponse adéquate.

3e mesure

Une modération visant les intérêts de prêts ou les loyers et dont le plafond déductible est fixé en fonction de la nature du logement équitablement réparti entre les occupants, permettrait un certain allégement.

D’autres pistes afin d’améliorer l’équité fiscale

Un nouveau mode de calcul des crédits d’impôt salarié, pensionné et indépendant

Les derniers réaménagements de notre barème ont montré qu’il était extrêmement difficile d’alléger la charge fiscale des revenus faibles et moyens sans que les revenus élevés profitent également d’un allégement. La révision du mode de calcul des crédits d’impôt alloués peut répondre à un caractère social bien plus prononcé en favorisant clairement les revenus faibles par rapport aux revenus élevés.

Un crédit d’impôt en plus des modérations d’impôt

L’avantage résultant des déductions fiscales est bien plus élevé pour le contribuable percevant un revenu élevé que pour celui touchant un revenu moyen ou faible. L’octroi d’un crédit d’impôt, en complémentarité du système actuel, permettrait d’augmenter équitablement les incitatifs fiscaux de chaque contribuable.

L’égalité de traitement fiscal des contribuables non-résidents

Actuellement, les conditions à remplir afin de bénéficier de l’assimilation au résident sont trop restrictives et pénalisent un grand nombre de contribuables non-résidents. Voici quelques pistes pour plus d'égalité :

  • Une diminution ou la suppression du taux de 90% relatif à l’article 157ter LIR, définissant les modalités à remplir pour pouvoir demander l’assimilation, serait bénéfique et plus équitable.
  • L’indexation du barème.
  • La mise en place d’un abattement ou d’un crédit d’impôt spécial «Jobstarter». La création d’un abattement spécial pour les revenus professionnels.

Publi-rédactionnel réalisé par Patrick van Landeghem, agent principal, Foyer Assura, fiscaliste diplômé Optifisc*

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