C’est peut-être un détail pour vous, mais pour Daniel Molitor (chercheur en viticulture au LIST) et les viticulteurs du Grand-Duché, voilà qui pose question : les vendanges sont de plus en plus précoces… La “faute” au réchauffement climatique qui affecte les vignes autant que le développement des autres végétaux. Mais si la cueillette du raison se fait plus tôt qu’au siècle dernier, ce n’est rien à côté du début de maturation des grains, la véraison. Là, on ne parle plus de quelques jours d’avance, mais bien de semaines, affirme le spécialiste.

Une parole d’expert qui rappelle aussi qu’aujourd’hui, les raisins ont une « période de maturation plus longue qu’il y a quelques décennies ». Du coup, les grappes atteignent « une maturité plus élevée que par le passé ».

Comment les conditions météo de 2023 ont-elles influencé les prochaines vendanges ?

Daniel Molitor : « Pour obtenir des vins de grande qualité, il faut combiner deux éléments en été : du soleil (avec des températures chaudes) mais aussi de la pluie. Cette année, nous avons eu les deux ! Il y a eu beaucoup de soleil et chaleur à la floraison des raisins, ainsi que des précipitations suffisantes au cours des trois dernières semaines. Du coup, la plupart des vignobles le long de la Moselle sont très prometteurs.

Si les conditions restent favorables encore quelques semaines , on peut s’attendre à un bon millésime – tant en qualité qu’en quantité. »

On considère parfois le “changement climatique” comme un phénomène lointain. Mais comment affecte-t-il déjà le vignoble luxembourgeois ?

« Les vignes sont très sensibles aux changements même relativement faibles des conditions climatiques. Par conséquent, le développement du raisin et la typicité du vin sont fortement influencés par ces changements. Jusqu’à présent, la qualité du vin au Luxembourg a bénéficié de la montée des températures au cours des dernières décennies. Et nos raisins qui n’atteignaient parfois pas toujours, dans les années 1970-80, leur pleine maturité avant l’automne sont maintenant systématiquement au rendez-vous.

Mais ce dérèglement climatique pose de nouveaux défis aux professionnels de la vigne. Les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents. Je parle là de tempêtes de grêle, vagues de canicule, périodes sèches ou humides de longue durée, ensoleillement extrême provoquant des “coups de soleil” fatals pour les grains. Sans parler des nuisibles et des maladies provenant de régions plus chaudes qui commencent à menacer nos vignobles plus gravement que par le passé. 

Techniquement, l’avance temporelle de la maturation des raisins entraîne une augmentation significative des températures de maturation. Cela a son effet sur la typicité du vin : degré d’alcool potentiel plus élevé et  acidité plus faible. »

Quelles adaptations les viticulteurs locaux devront-ils mettre en œuvre pour poursuivre leurs activités sous ces “nouveaux climats” ?

« Les variétés de vigne actuellement répandus sont sélectionnés pour les conditions climatiques de notre région. Pour certains cépages (les plus précoces), les conditions de température pourraient devenir trop chaudes à l’avenir. Certaines vignerons vont certainement devoir élargir le spectre de ce qu’ils plantent et entretiennent. Cela passera par l’adoption d’espèces originaires de régions plus chaudes.

Mais, parmi les adaptations futures, on pourrait voir des professionnels déplacer leurs ceps vers des versants plus frais (côteaux plus élevés, plus au Nord ou moins exposés au soleil). Il faudra aussi changer les cépages ou les porte-greffes traditionnels. Trouver des pratiques agraires visant à retarder la maturation. Irriguer ou adapter la stratégie de protection des vignes face à la chaleur.

Actuellement, ces diverses stratégies d’adaptation sont étudiées dans le cadre du projet de recherche national VinoManAOP en coopération avec l’Institut Viti-vinicole de Remich et du projet européen “Montevitis” avec des partenaires de différents pays européens.

De plus, pour conserver la typicité de leur vin, les professionnels devront aussi adaptations leurs pratiques de vieillissement et de mélange. Par exemple, le problème des teneurs en sucre/alcool trop élevées pourrait être plus prononcé pour les Pinots.»

 

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