Comme c’est le cas pour de nombreuses autres métiers dans le Grand-duché, être chauffeur de bus au Luxembourg présente moult avantages, à commencer par une rémunération plus importante que dans la plupart de ses pays voisins.

Voilà pour le tableau. Reste que, dans les faits, beaucoup de compagnies éprouvent de plus en plus de difficultés à pourvoir leurs postes de chauffeurs disponibles. Alors quelle est la réalité de la situation sur le terrain ?

Des besoins en personnels sans cesse croissants

Tant pour les lignes étatique ou communales RGTR, TICE, AVL… que pour les sociétés privées regroupées dans la FLEAA (la Fédération luxembourgeoise des exploitants d’autocars et d’autobus), le constat est identique : d’année en année de plus en plus de lignes de bus sont ouvertes qui, par ricochet, supposent le recrutement d’un nombre accru de chauffeurs.

En ce sens, dans une réponse parlementaire du 26 octobre dernier, le ministre de la Mobilité, François Bausch, précisait l’évolution des effectifs depuis trois ans : « Le nombre total de chauffeurs dans les compagnies de bus luxembourgeoises titulaires d’un permis de conduire D, D1 ou B (…) était de 3 069 en 2019, 3 113 en 2020 et 3 479 en 2021 (…) dont 1 600 chauffeurs circulant pour le réseau RGTR. »

Une rémunération toujours aussi attractive

C’était l’une des grandes « forces » des compagnies de transport public en bus et autocar au Grand-Duché : le salaire qu’elles pouvaient proposer à l’embauche. Or, il s’avère que… ça l’est toujours ! En avril 2022, l’Inspection du Travail et des Mines dans son « barème des salaires pour personnel mobile », indiquait une rémunération mensuelle brute de 3 458 euros pour un conducteur d’autobus titulaire du permis D la première année (3 571 euros les 2e et 3e années, 3 685 euros les 4e, 5e et 6e années, etc.).

En comparaison, par exemple en Belgique, un chauffeur peut gagner en moyenne 2 500 euros brut par mois (salaire relevé en octobre 2022 pour un conducteur de la STIB, la Société des transports intercommunaux de Bruxelles.

En France, les salaires à ce poste semblent plus variables, l’Insee établissant pour ce job un salaire net mensuel à 1 941 euros (moyenne nationale fixée à partir de la rémunération de 124 900 salariés). À nuancer toutefois car, dans bon nombre d’entreprises de transport, beaucoup de chauffeurs novices gagnent à peine plus que le Smic, soit 1 329 euros net (1 678 euros brut).

Des missions diversifiées

Si ce n’est pas la rémunération, les difficultés de recrutement viendraient-elles alors de l’intérêt du poste en question ? Pourtant, au quotidien, les chauffeurs de bus au Luxembourg sont amenés à effectuer une large palette de missions dans le transport de personnes.

Il y a évidemment les liaisons scolaires amenant les élèves à l’école et les ramenant en fin de journée. Sur ce point, le ministre François Bausch précise « qu’actuellement, il existe 268 lignes scolaires organisées par l’administration des transports publics en plus du RGTR ». À ces lignes scolaires s’ajoutent également les lignes régulières à destination de tous les usagers d’un quartier ou d’une commune/région à un(e) autre (à l’image des lignes express, transversales, régionales primaires et secondaires du RGTR).

En outre, d’autres missions sont confiées aux chauffeurs de bus dans le cadre de leurs fonctions, comme le rappelle la FLEAA : « Il existe Adapto et Mobilus, deux services spéciaux étatiques à destination des personnes à mobilité réduite. Par ailleurs, les chauffeurs assurent aussi les trajets lors de voyages ou d’excursions pour les écoles, les clubs sportifs ou encore les sociétés. »

Alors pourquoi ça bloque ?

Une rémunération toujours confortable, des missions diversifiées… malgré les avantages que semble présenter le poste, pourquoi diable y a-t-il si peu de candidat souhaitant y prétendre ? Interrogé sur le sujet par nos confrères de Virgule en février dernier, le président de la FLEAA, Jean Clément, revenait avant tout sur l’évolution qu’a connue le transport en car : « Il y a quelques années encore, 900 bus RGTR étaient enregistrés au Luxembourg, avec lesquels des entreprises privées couvraient des itinéraires de bus pour le compte de l’État. Aujourd’hui, il y en a plus de 1 900. Le besoin en conducteurs ne cesse donc d’augmenter. »

Un nombre de nouvelles lignes qui grandit plus vite que celui des potentiels nouveaux chauffeurs capables de les assurer, voilà donc un premier élément de réponse. Il s’ajoute à d’autres, plus structurels et inhérents à la fonction même de chauffeur de bus : des horaires souvent en décalé, une fatigue importante dû à la constante concentration demandée au volant (encore plus avec l’intensification du trafic et des bouchons dans le pays).

N’oublions pas non plus les délais trop importants (jusqu’à un an) pour obtenir le « code 95 », la qualification initiale de conducteur professionnel, indispensable pour exercer. En cause également : l’âge minimum requis (21 ans) pour démarrer sa formation, empêchant donc les jeunes majeurs de se lancer dans cette voie dès leurs 18 ans.

Enfin, toujours dans l’article de Virgule, Jean Clément mettait en avant une difficulté supplémentaire : l’obligation européenne pour les frontaliers de ne pas travailler plus de 25 % de leur temps dans leur pays de résidence (à défaut de se voir rattacher à la sécurité sociale dudit pays). « Comme le nombre de lignes transfrontalières augmente, cela devient de plus en plus un problème », avec de multiples cas où des chauffeurs résidant au Luxembourg effectuent la majeure partie de leurs heures de travail sur des lignes desservant des communes françaises.

Reste qu’en définitive, et bien qu’en tenant compte des différents blocages énumérés ci-dessus, les acteurs du secteur sont unanimes : oui, devenir chauffeur de bus au Luxembourg en 2022 reste un bon plan. Et peut-être plus encore en ce moment que par le passé, eu égard au manque de candidats auquel font face les sociétés.

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