En avril 2018, nous avions fait un article sur la discrimination des familles frontalières recomposées, concernant les allocations familiales.

La suppression des allocations contraire à l’égalité

Pour rappel, le Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale de Luxembourg, avait décidé en première instance, par jugement du 17 novembre 2017, de verser les allocations familiales aux enfants non biologiques à charge des travailleurs frontaliers.

La discrimination semblait évidente aux yeux des lésés puisque les enfants issus de familles recomposées mais résidant au Luxembourg, avaient droit eux aux prestations familiales.

Le Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale avait conclu à une discrimination liée à la résidence des enfants concernés suivant qu’ils résident au Luxembourg ou pas.

Le juge avait donc pris en considération l’article 7, point 2 du règlement UE n°492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’union…. Ainsi, il avait considéré que la suppression des allocations familiales de cet enfant « était contraire à l’égalité dans les avantages sociaux entre travailleurs nationaux et non nationaux ».

La Caisse pour l’Avenir des Enfants a donc fait appel de cette décision devant le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale.

La juridiction luxembourgeoise saisit le juge européen.

Maître Pascal Peuvrel ([email protected]), avocat à la cour, et saisi par plusieurs familles frontalières, nous informe que le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a examiné en appel ce recours d’une première famille qui avait donc été déclaré justifié en première instance..
Cette dernière s’était vu supprimer le 1er août 2016 les allocations familiales pour l’un des enfants issus d’une première union de l’épouse, et donc sans lien biologique avec le travailleur frontalier. Cet enfant faisait partie intégrante du ménage depuis 8 ans, quand les allocations ont été supprimées. Le père biologique avait décidé de ne plus s’en occuper.

Contrairement au premier juge qui avait fait directement droit à la demande des parents de l’enfant, le juge d’appel a souhaité soumettre le dossier à la Cour de Justice de l’Union Européenne par le biais de plusieurs questions préjudicielles.

Sur quelle question le juge devra-t-il se prononcer ?

Le juge communautaire devra donc prendre position quant au fait de savoir si les allocations familiales luxembourgeoises, dans ce cas d’espèce bien précis, doivent être assimilées ou non à un avantage social au regard des textes applicables.

Dans l’affirmative, la juridiction européenne devra se prononcer sur la définition de la famille applicable en la matière et si l’Etat qui verse les allocations familiales, en l’occurence le Luxembourg, a ou non toute latitude pour définir les membres de la famille qui ouvrent droit aux allocations familiales.

Pour rappel, le législateur luxembourgeois avait remanié en 2016 la définition de membre de la famille en excluant les enfants du conjoint ou du partenaire, donc les enfants non-biologiques.

Le nouvel article 270 du code de la sécurité sociale, en vigueur depuis le 1er août 2016, indique en effet que « sont considérés comme membres de la famille d’une personne et donnent droit à l’allocation familiale, les enfants nés dans le mariage, les enfants nés hors mariage, et les enfants adoptifs de cette personne ».

Les enfants non-biologiques, dans l’hypothèse courante d’une famille recomposée, en sont donc exclus.

Le Luxembourg déclare exporter 48% de ses prestations familiales

En dernier lieu, parmi les arguments évoqués par la CAE pour justifier l’arrêt du versement des allocations familiales à cette famille, elle précise « si discrimination indirecte il y aurait, elle est propre à garantir la réalisation d’un objectif qui serait légitime et partant justifié eu égard à la situation exceptionnelle du Luxembourg qui exporterait plus de 48 % de ses prestations familiales, taux le plus élevé au sein de l’union, l’Autriche arrivant en seconde position avec 6,2% ».

Ce faisant, le Luxembourg entendrait voir légitimer cette discrimination indirecte.

La juridiction communautaire aura également à se pencher sur cette question.